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Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.

Le nouvel Observateur, no. 2269 (1er -7 mai 2008), 66p. [5.50$]

Le dossier a pour thème « Un Indien dans le siècle » et souligne le 100e anniversaire de naissance de Claude Lévi-Strauss.

Dans le premier article, Aude Lancelin relate les influences intellectuelles qui ont façonnées la pensée du père du structuralisme. À propos de la pensée de l`ethnologue, Lancelin y voit « Une pensée voyant dans la découverte du Nouveau Monde, les massacres qui s`ensuivirent et leurs conséquences sur l`esclavage des Noirs, une déchirante épreuve, telle que  » jamais plus l`humanité n`en connaîtra de pareille « . Une pensée faisant de la civilisation occidentale une réponse parmi d`autres au problème humain, pas forcément la plus estimable, et de son expansion irrépressible une véritable catastrophe anthropologique » (p.8).

Dans le second article, Didier Eribon, auteur du livre « De près et de loin, entretiens avec Claude Lévi-Strauss » (Odile Jacob,1988) rappelle l`itinéraire et l`œuvre de Lévi-Strauss à partir des sept livres majeurs rassemblés dans le volume publié dans La Pléiade, chez Gallimard (2128p). Pour lui, ces mêmes ouvrages sont des registres et de ton dissemblables, mais bien des fils conducteurs les relient entre eux. Suite à l`extermination et à l`asservissement des Aztèques par les Espagnols, Levi-Strauss mentionne qu`il faut raviver la mémoire de cet « envahissement du Nouveau Monde » et de « destruction de ses peuples et de ses valeurs ». L`ethnologue proclame même qu`il faut « accomplir un acte de contrition et de piété ». Pour Eribon, « Tout Lévi-Strauss est là, dans ces quelques lignes vibrantes, qui nous exhortent à considérer qu`aucune culture n`est supérieure aux autres, et que la richesse de l`humanité réside dans sa diversité, et donc dans sa capacité à toujours savoir reconnaître une place à l`Autre » (p.11).

Dans le troisième article, Jérôme Garcin se remémore la visite qu`il rendit, en juillet 1984, à Claude Lévi-Strauss dans son château de Lignerolles. Et Garcin de conclure au terme de cette rencontre que « Cet homme qui avait consacré sa vie à chercher l`ordre derrière le chaos, à débusquer le sens des mythes, à établir l`identité formelle d`objets en apparence hétérogènes, qui avait traversé le monde avec légèreté et pessimisme, attendait ici l`heure du XXIe siècle, quand il n`y aurait plus qu`une seule culture, qu`une seule humanité » (p.13).

Le lecteur peut également prendre connaissance de l`intérêt de quatre jeunes universitaires envers l`œuvre de Lévi-Strauss. On trouve également un texte signé Lévi-Strauss intitulé « Les Leçons d`un ethnologue » et paru initialement dans Le nouvel Observateur du 9 juin 2005 aux pages 52 et 53. Il s`agit d`extraits du discours que Lévi-Strauss a prononcé, en 2005, à l`Académie française lors de la remise du prix international de Catalogne, prix qu`il s`est mérité parmi 257 candidats de 61 pays. On y prend ainsi connaissance de ses méditations sur l`homme et le monde. À propos de la difficulté croissante de vivre ensemble, Lévi-Strauss allègue que « la seule chance offerte à l`humanité serait de reconnaître que, devenue sa propre victime, cette condition la met sur un pied d`égalité avec toutes les autres formes de vie qu`elle s`est employée et continue de s`employer à détruire. […] Le droit à la vie et au libre développement des espèces vivantes encore représentées sur la terre peut seul être dit imprescriptible, pour la raison très simple que la disparition d`une espèce quelconque creuse un vide, irréparable, à notre échelle, dans le système de la création. […] Par de sages coutumes, que nous aurions tort de reléguer au rang de superstitions, elles limitent la consommation par l`homme des autres espèces vivantes et lui en imposent le respect moral, associé à des règles très strictes pour assurer leur conservation. Si différentes que ces dernières sociétés soient les unes des autres, elles concordent pour faire de l`homme une partie prenante, et non un maître de la création » (p.12).

Info. : www.nouvelobs.com