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Patrice Létourneau est enseignant en philosophie au Cégep de Trois-Rivières depuis 2005. Outre son enseignement, il a aussi été en charge de la coordination du Département de Philosophie pendant 8 ans, de juin 2009 à juin 2017. Il est par ailleurs l'auteur d'un essai sur la création, le sens et l'interprétation (Éditions Nota bene, 2005) ainsi que d'autres publications avec des éditeurs reconnus. Il collabore à PhiloTR depuis 2005.

Exercice d’identification des valeurs
Un camp d’été bien particulier
[ Librement inspiré d’un exemple classique d’Aristote, notamment repris par Amartya Sen ]

Imaginons le cas suivant : supposons qu’un camp d’été spécialisé intègre chaque été trois groupes de jeunes : un groupe dont les activités se spécialisent dans l’apprentissage de la musique, un groupe dont les activités se spécialisent dans l’ébénisterie et les tâches de luthier, et enfin, un groupe particulier que le camp intègre sans frais pour cause sociale, qui provient de milieux très défavorisés et dont les activités proposées se spécialisent dans l’apprentissage et la pratique des arts du cirque et de l’animation de rue.

Supposons que parmi les activités du groupe ébénisterie/luthier, entre autres tâches, les jeunes de ce groupe consacrent une bonne partie du mois de juin à confectionner des violons (les matériaux et l’outillage sont gratuitement fournis par le camp, mais les jeunes mettent beaucoup de temps pour, chacun, confectionner un violon).  Quant au groupe en musique, supposons qu’ils mettent une bonne partie du mois de juin à apprendre et pratiquer le violon.  Et enfin, supposons que le groupe provenant de milieux défavorisés a, lui, appris et pratiqué les arts du cirque et de l’animation de rue pendant une bonne partie du mois de juin.

Supposons qu’on arrive au début du mois de juillet.  Les jeunes de tous les groupes vont continuer des activités à leur camp d’été jusqu’au début du mois d’août, mais pour le moment, ceux qui confectionnaient des violons ont atteint cet objectif et ils vont s’attaquer à une autre tâche en juillet.

On se demande alors à qui l’on devrait donner les violons.  Ceux qui les ont fabriqués, même s’ils n’ont pas défrayé les coûts des matériaux et outils, disent qu’on devrait leur donner, puisqu’ils ont mis beaucoup de temps pour les confectionner.  Par contre, ceux qui ont appris à jouer du violon disent que l’on devrait leur donner, car ils sont les seuls qui savent en jouer.  Et par ailleurs, le groupe qui a appris les arts du cirque et de l’animation de rue dit que l’on devrait leur donner, car ils proviennent de milieux très défavorisés et ils n’ont à peu près rien d’autre dans la vie ; et même s’ils ne savent pas en jouer, qui sait si un jour ils ne trouveront pas quelqu’un pour les accompagner lorsqu’ils feront de l’animation de rue pour agrémenter quelques-uns de leurs prochains étés.

Le responsable du camp d’été étant sensible au dialogue, il demande des précisions sur ce qui pourrait non seulement motiver, mais potentiellement justifier chacune de ces demandes.

Votre mission, si vous l’acceptez, consiste à préciser pour chacune de ces trois positions :
1)    La raison générale qui pourrait être évoquée par chacun des groupes pour que l’on considère qu’il serait plus juste de leur donner les violons à eux.
2)    La valeur qui pourrait être évoquée par chacun des groupes pour faire miroiter le caractère juste et noble de leur revendication.
3)    Les conséquences qui découleront du fait que l’on donne les violons au premier groupe, au second groupe, ou au troisième groupe.