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Hannah Arendt au Québec (cinéma)

Présentement à l`affiche, au Québec, dans plusieurs salles de cinéma, les cinéphiles et les intéressés peuvent visionner le drame biographique franco-allemand de la cinéaste allemande Margarethe von Trotta intitulé « Hannah Arendt ». D`une durée de 113 min, la distribution est la suivante : Barbara Sukova (Hannah Arendt), Axel Milberg (Heinrich Blücher), Janet McTeer (Mary McCarthy), Klaus Pohl (Martin Heidegger) et d`autres.

Le film est présentement à l`affiche dans les endroits suivants : Trois-Rivières (Cinéma Le Tapis rouge), Sherbrooke (La Maison du cinéma), Québec (Cinéma Cartier), Montréal (Cinéma Excentris, Cinéma du parc) ainsi qu`au Forum 22 du Complex Odéon Cinémas.

Tout d`abord actrice de théâtre, Margarethe von Trotta débute à l`écran en 1968 et collabore à des scénarios à partir de 1970. On la voit notamment dans trois des premiers films du réalisateur allemand Rainer Werner Fassbinder (1945-1982), en 1969-70, et dans des films de Klaus Lemke, Gustav Ehmck, Herbert Achternbusch, Reihard Hauff et Volker Schlöndorff. Épouse de ce dernier, elle est l`actrice principale de deux de ses films, Feu de paille (1972) et Le coup de grâce (1976) dont elle est coscénariste. Auteur d`une adaptation théâtrale du livre du romancier allemand Heinrich Böll (1917-1985), elle est coscénariste et coréalisatrice avec Schlöndorff de l`Honneur perdu de Katharina Blum (1975). En 1985, elle tourne Rosa Luxembourg (Die Geduld der Rosa Luxemburg), biographie de la socialiste révolutionnaire allemande d`origine juive polonaise. Le film sort en salle en 1986.

Synopsis

1961. La philosophe juive allemande Hannah Arendt est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour couvrir le procès d’Adolf Eichmann, responsable de la déportation de millions de Juifs. Les articles qu’elle publie et sa théorie de « La banalité du mal » déclenchent une controverse sans précédent. Son obstination et l’exigence de sa pensée se heurtent à l’incompréhension de ses proches et provoquent son isolement.

Biographie

Hannah Arendt naît le 14 octobre 1906 à Linden, près de Hanovre, dans une famille juive allemande laïque et progressiste. Elle est la fille de Paul Arendt et de Martha Cohn-Arendt. Elle appartient à la branche réformée du judaïsme allemand de Königsberg. En octobre 1913, son père meurt. En 1920, sa mère épouse en secondes noces Martin Beerwald. En 1921, elle organise un cercle d`étude avec ses amis. Elle découvre alors le théologien et philosophe danois Sören Kierkegaard (1813-1855); elle lit aussi les ouvrages du philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804). En 1924, elle passe l`Abitur (l`équivalent du baccalauréat en Allemagne) avec un an d`avance et en candidate libre car elle fut renvoyée de l`école pour indiscipline. De 1924 à 1928, elle étudie la philosophie et la théologie à l`Université de Marburg, auprès du théologien protestant allemand Rudolf Bultmann (1884-1976). C`est à cette même institution qu`elle côtoie, en 1924, un autre étudiant juif, Hans Jonas (1903-1993), philosophe allemand connu pour son œuvre principale Le Principe de responsabilité (1979). À Fribourg, elle suit les cours du philosophe allemand Edmund Husserl (1859-1938). Elle est aussi l`élève des philosophes allemands Martin Heidegger (1889-1976) et Karl Jaspers (1883-1969), à Heidelberg. En 1929, sa thèse de doctorat, que dirige Jaspers, est publiée chez Springer, à Berlin, sous le titre Le Concept d`amour chez saint Augustin. La même année, elle épouse Günther Stern et s`installe avec lui à Francfort où elle suit les séminaires du sociologue allemand Karl Mannheim (1893-1947) et de l`écrivain et théologien protestant allemand Paul Tillich (1886-1965). De retour à Paris, son mari Günther Stern se lance dans le journalisme sous le nom de G. Anders.

À l`automne de 1933, inquiétée par la police hitlérienne, elle rejoint son mari Günther Stern, à Paris. À cette époque, elle noue des amitiés avec des représentants de l`intelligentsia berlinoise en exil, en particulier avec le philosophe allemand et historien de l`art Walter Benjamin (1892-1940). Dans la capitale française, elle est la secrétaire particulière de la philanthrope parisienne Germaine de Rothschild (1884-1975); par la suite, elle travaille dans le cadre d`associations sionistes. En 1935, elle effectue un premier voyage en Palestine. De 1935 à 1938, elle travaille pour la Ligue internationale contre l`antisémitisme. Au printemps 1936, elle fait la connaissance d`Heinrich Blücher (1899-1970), communiste ayant fui Berlin en 1934, qu`elle épouse le 16 janvier 1940, après avoir divorcé avec Günther Stern, en 1937. En 1938, elle travaille pour l`Agence juive de Paris. À Paris, elle fréquente le philosophe et sociologue français Raymond Aron (1905-1983), auteur de Démocratie et totalitarisme (Gallimard,1965). Elle suit également les séminaires du philosophe français d`origine russe Alexandre Kojève (1902-1968) sur G.W.F. Hegel (1770-1831). Elle fait aussi la connaissance des philosophes Jean-Paul Sartre (1905-1980), Alexandre Koyré (1892-1964) et Jean Wahl (1888-1974). En mai 1940, elle est internée au camp de réfugiés de Gurs, dans les Basses-Pyrénées, sur ordre des autorités françaises. À la faveur de la débâcle de juin, elle s`en échappe et retrouve son mari. Ils traversent alors l`Espagne et embarquent à Lisbonne pour les États-Unis. En mai 1941, ils débarquent à New York. En mars 1942, elle crée le groupe de la Jeunesse juive pour promouvoir la participation militaire des juifs à la lutte contre les nazis. En 1943, elle devient directrice de recherches à la Conférence sur les relations juives. En 1944, elle dirige le travail de la Commission pour la reconstruction de la culture juive européenne. Depuis 1945, elle travaille avec Blücher aux Origines du totalitarisme. En 1949, elle retourne en Allemagne pour la commission de reconstruction de la culture juive. À ce moment, elle revoit Heidegger, à Fribourg, à deux occasions. Elle rend également visite à Jaspers.

En 1951, elle publie son premier livre sous le titre Les Origines du totalitarisme (3 volumes) ouvrage qui analyse la généalogie (à travers l`antisémitisme et l`impérialisme) et la nature de ce nouveau type de régime qui n`est ni une simple tyrannie ni un simple despotisme au sens classique du terme. La même année, le 7 août, elle obtient la citoyenneté américaine. En 1953, elle donne des conférences à Princeton (New Jersey) sur « Karl Marx et la grande tradition ». En 1958, elle publie Condition de l`homme moderne, dans lequel elle envisage (sur la base d`une anthropologie philosophique) le bouleversement, avec l`avènement de la modernité, des trois modes fondamentaux de l`activité humaine : le travail, l`œuvre, l`action. La même année paraît Rahel Varnhagen, la vie d`une Juive allemande à l`époque du romantisme. En 1960, elle reçoit le Prix Lessing à Hambourg. En 1961, elle publie La Crise de la culture. Toujours en 1961, elle couvre, pour le compte du magazine américain New Yorker, le procès du criminel de guerre nazi Adolf Eichmann (1906-1962). Cet ancien chef de service du bureau de la Gestapo chargé de la « solution du problème juif en Europe » fut capturé le 11 mai 1960 à Buenos Aires, en Argentine par un commando d`agents du Mossad; puis jugé et pendu, le 31 mai, en Israël. En mars 1963, elle fait paraître deux ouvrages : Eichmann à Jérusalem, sous-titré « Rapport sur la banalité du mal » et Essai sur la révolution. La même année, elle est nommée professeur à Chicago. De 1968 à 1975, elle est professeur de philosophie politique à la New School for Social Research de New York. En 1972, elle publie son testament politique Du mensonge à la violence, où elle souligne les périls d`une politique américaine engouffrée dans le mensonge, soupèse les promesses du mouvement étudiant tout comme la perspective paradoxale d`une résurrection civique de la démocratie par la désobéissance civile. Elle meurt d`une crise cardiaque le 4 décembre 1975, à New York, sans avoir pu achever son dernier ouvrage : La Vie de l`esprit (1978), où elle s`interroge sur le lien entre le mal et l`absence de pensée.

L`année 1993 voit la création de l`« Institut Hannah-Arendt pour la recherche sur le totalitarisme » à l`Université de Dresde, en Allemagne. En 1996, le « Centre et les Archives Hannah-Arendt » voient le jour à l`Université von Ossietzky d`Oldenburg (patrie de Karl Jaspers). Depuis 1994, chaque année, la ville de Brême décerne un « Prix Hannah Arendt pour la pensée politique ».

Citation choisie

« Le totalitarisme ne tend pas à soumettre les hommes à des règles despotiques, mais à un système dans lequel les hommes sont superflus ».

(Les Origines du totalitarisme, 1951)