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Traité de savoir vivre à l’usage de toutes les générations

StaelNecker [1]
Mme de Staël par Jacques Necker

 

« Les hommes qui vivent dans des siècles démocratiques ne comprennent pas aisément l’utilité des Formes, ils ressentent un dédain instinctif pour elles, les formes excitent leur mépris et souvent leur haine…  » Tocqueville

Samedi dernier, l’émission « Répliques » d’Alain Finkielkraut, diffusée hebdomadairement sur France Culture, proposait une réflexion autour des « formes », c’est-à-dire de la civilité, de la politesse, des manières. En compagnie de ces deux invités, Mona Ozouf, directrice de recherche au C.N.R.S et Philippe Reynaud, professeur de science politique à l’Université Paris 2, Alain Finkielkraut commençait par discuter des échanges entre les philosophes des Lumières sur les mœurs des sociétés françaises et anglaises pour revenir ensuite à notre époque. Ce retour historique permettait de rappeler et de mieux comprendre l’usage et l’intérêt des formes. S’il est clair que ces dernières ont été négligées par notre époque, leur vertu mérite grandement d’être rappelée. À l’heure de la spontanéité érigée en idéal, de l’authenticité qui ne peut être réelle que par son immédiateté, de l’exhibition crue de l’ego et de son intimité, les formes répondent par la lenteur de la pensée, l’admiration de l’exemple, la priorité d’autrui sur le soi. Cette émission, surtout dans sa deuxième moitié (à partir de la 25ème min), déploie toute la richesse et la pertinence d’un tel débat pour repenser les conditions du vivre-ensemble aujourd’hui. Mona Ozdouf mentionne ainsi que les manières adoucissent la vie, mais que c’est surtout sur le terrain de la vérité qu’elles montrent toute leur puissance. L’interlocutrice fait référence à un très beau texte d’Alain qui montre cet enjeu fondamental. Si les manières sont souvent accusées de voiler la vérité, elles peuvent en réalité être une autre façon de l’atteindre. Alain note que ce qui rend la vie familiale difficile, c’est qu’il y a un demi-sommeil, un engourdissement des contraintes qui ont lieu dans la vie sociale. Dès lors, on se laisse aller à l’humeur, à dire tout ce qu’on pense, et finalement surtout ce qu’on ne pense pas. La civilité est un remède en ce sens qu’elle permet à nos mots de ne pas dépasser notre pensée, ce qui exige l’effort, la patience et le courage de chercher les mots pour exprimer nos émotions. Le vrai ne sort pas nécessairement sous le coup de l’emportement, de l’indignation ou du dégoût.

À méditer.

Vous trouverez le lien pour réécouter l’émission et s’abonner au podcast sur le site de France culture : http://www.franceculture.fr/emission-repliques-13-14-traite-de-savoir-vivre-a-l%E2%80%99usage-de-toutes-les-generations-2013-10-26 [2]