- PhiloTR - https://philosophie.cegeptr.qc.ca -

Décès de René Rémond

Le 14 avril 2007 est décédé à l`hôpital Cochin à Paris l`historien et politologue français René Rémond à l`âge de 88 ans des suites d`une longue maladie. Il était atteint d`un lymphome. Spécialiste d`histoire politique contemporaine, il fut l`un des principaux instigateurs du développement de l`histoire immédiate. Pédagogue hors pair, il a formé des générations d`étudiants à la pensée critique et à l`exigence intellectuelle. Il fut l`une des grandes figures du renouveau de l`histoire politique, qu`il a voulu rapprocher de la science politique.

Il naît le 30 septembre 1918 à Lons-le-Saunier (Jura) où son père est directeur d`une entreprise de construction mécanique. Il fait des études dans de grands lycées parisiens : Carnot, Condorcet et Louis-le-Grand. De 1939 à 1941, il est mobilisé. Dans sa jeunesse, il est l`un  des responsables universitaires de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC). En 1942, il intègre l`École normale supérieure, et tout en participant à la Résistance, il passe avec succès l`agrégation d`histoire en 1945. En 1946-1947, il est secrétaire général de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC). De 1946 à 1949, il est vice-président général de l`Association catholique de la jeunesse française (ACJF). Dès 1947, il enseigne à l`Institut d`études politiques de Paris. En 1949, il est assistant à la Sorbonne, puis à la faculté des Lettres de Clermont-Ferrand. En 1954, il publie, chez Aubier-Montaigne, La droite en France de 1815 à nos jours (éd. refondue en 1982 sous le titre Les Droites en France). Réédité de nombreuses fois, cet ouvrage est une référence pour les historiens et politiciens. Il y dresse une typologie des courants de la droite française en trois familles : la droite orléaniste (libérale), la droite légitimiste (réactionnaire) et la droite bonapartiste (autoritaire) et postule leur pertinence jusqu`à nos jours. En 1956, il est nommé directeur d`études et de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques. En 1959, il obtient un doctorat ès lettres avec sa thèse sur « Les États-Unis devant l`opinion française (1815-1852), dirigée par Charles-Henri Pouthas.

À partir des années 1960, il est l`une des grandes figures du renouveau de l`histoire politique. En 1964, il est nommé sur la première chaire d`histoire du XXe siècle jamais créée en France. De 1965 à 1975, il est président du Centre catholique des intellectuels français (CCIF). De 1968 à 1972, il siège dans plusieurs instances de l`audiovisuel dont le Conseil d`administration de l`O.R.T.F., et ceux de Radio France et d`Antenne 2. La presse et les médias font régulièrement appel à lui pour commenter l`actualité politique. De 1971 à 1976, il préside l`université Paris-X-Nanterre, où il a enseigné jusqu`à la fin de sa carrière active en 1986. De 1973 à 1998, il dirige la Revue historique. En 1974-1975, il est premier vice-président de la conférence des présidents d`Université. De 1975 à 1979, il est nommé au Conseil supérieur de la magistrature. En 1978, il participe à la création de l`Institut d`histoire du temps présent. De 1979 à 1990, il préside l`Institut d`histoire du temps présent (IHTP). De 1981 à fin janvier 2007, il préside la Fondation nationale des sciences politiques. En 1988, il préside le Conseil supérieur des Archives. La même année, il reçoit la Grand prix national d`Histoire. En 1992, il mène des expertises, présidant la commission d`historiens sur les relations entre Paul Touvier (ancien dirigeant de la Milice à Lyon pendant l`occupation) et l`Église. La même année, à la demande du ministre socialiste Jack Lang, il établit un rapport sur l`enseignement supérieur qui fit autorité. En 1996, il accepte également de présider une mission de réflexion sur la classification et la conservation des fichiers établis sur les juifs par les autorités de police sous le gouvernement de Vichy. La même année, il est vice-président du Haut Comité pour la réforme de la procédure criminelle.  Le 18 juin 1998, il est élu à l`Académie française au fauteuil de François Furet. En 2006, il fait entendre sa voix avec finesse, au moment des débats sur l`adoption des lois mémorielles par le Parlement français, saluant le « désir de justice » manifesté par l`opinion publique mais s`inquiétant de ce que les historiens aient à se conformer aux lois pour aborder l`Histoire.

Auteur d`une trentaine d`ouvrages, il a notamment publié La Vie politique en France (1964), L`histoire de la France religieuse (1974), Introduction à l`histoire de notre temps (1974), L`anticléricalisme en France de 1815 à nos jours (1976), Notre siècle,1918-1988 (1988), Pour une histoire politique (1988), La politique n`est plus ce qu`elle était (1993), Une mémoire française (2002), Les Droites aujourd`hui (2005), Quand l`État se mêle de l`Histoire (2006). De plus, il écrit régulièrement dans la grande presse (Le Monde, La Croix, Le Point, etc.) et commente les soirées électorales à la radio et à la télévision. Par là, il contribue à vulgariser la science politique auprès du grand public et à estomper les frontières entre histoire contemporaine et journalisme.

Son métier d`enseignant dans les plus grandes universités, ses multiples activités, ses ouvrages et les nombreuses responsabilités qui lui ont été confiées ont fait de lui une personnalité majeure de la pensée française du XXe siècle. Son fils Bruno, politologue, travaille sur la décentralisation et les collectivités locales, et enseigne également à l`Institut d`études politiques de Paris. Avec sa mort, c`est l`une des plus grandes figures d`intellectuels catholiques en France au XXe siècle qui disparaît.