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Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.

Le Magazine littéraire, no. 469 (novembre 2007), 98p. [8.10$]

Dossier « Pascal, miroir de notre vie »

Le dossier de 34 pages qui comprend 17 articles est coordonné par David Rabouin. Ce dernier rappelle que notre époque doit à Pascal des interrogations fondamentales sur la condition humaine, la religion, la morale et la vérité. Pour lui, « Si Pascal est de notre temps, c`est d`abord parce qu`il est profondément du sien, contrepoint à la modernité que vient d`esquisser Descartes. Alors que ce dernier avait cherché à mettre le savoir sous le signe de l`égo, seule certitude donnée à l`homme (« je pense, donc je suis ») et du modèle de la raison mathématique, Pascal s`exclame que le moi est aussi introuvable qu`haïssable, que les mathématiques supposent à leur principe des notions qui n`auront pas été démontrées, et dont l`évidence se donne donc non à la raison, mais au cœur » (p. 32-33). Trois autres articles montrent l`influence qu`il a eu aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles. Par la suite, différentes personnalités témoignent de leur lecture personnelle de Pascal. Ainsi, pour Jacques Attali, « Pascal est certainement l`intellectuel le plus extraordinaire de tous les temps. […] Il est un intellectuel aussi car il refuse toute dépendance à l`égard du pouvoir : il veut bien donner son avis aux gouvernements mais il n`a jamais été un homme de pouvoir. Il a toujours gardé une liberté d`esprit totale. (p.40). Jacques Julliard, lui, mentionne que « Pascal pense que les croyances sont libres, qu`elles ne doivent répondre qu`à la conscience et à la raison. Le religieux ne doit pas être dominé par l`ordre de la force » (p.41). Pour sa part, Michel Schneider soutient que Pascal n`écrivait pas pour dire ce qu`il pensait mais écrivait pour penser. Pour ce psychanalyste, écrire, c`est se placer au lieu où la pensée échappe aux mots et s`échappe hors de soi. Et l`écrivain d`ajouter : « Ce que j`aime chez Pascal, ce n`est pas sa foi, c`est sa peur. Ses divisions mortelles, son écriture de feu et de cendres, son empressement à dire toujours dans la même phrase trop et trop peu. […] Pascal est un écrivain qui ne se sait pas écrivain et surtout ne veut pas l`être » (p.45).

Dans son article intitulé « Grandeur de l`esprit, misère de l`homme », Hélène Bouchilloux, professeur de philosophie à l`université de Nancy, allègue que « Pascal ne se contente pas de dire, avec Descartes, que toute notre essence consiste en la pensée, mais préfère dire, en se démarquant fortement de Descartes, que toute notre dignité consiste en la pensée, parce que c`est par elle que nous nous élevons au-dessus de la nature matérielle dans laquelle nous sommes engloutis, physiquement, littéralement, nous nous relevons, en nous interrogeant sur notre assignation à l`emplacement minuscule qui nous est échu en son sein » (p.55).

De son côté, Christian Lazzeri, professeur de philosophie à l`université de Paris-X Nanterre s`intéresse ici à la théorie des ordres de justice chez Pascal. Celle-ci a « pour effet la définition et la délimitation de sphères de libertés incompressibles pour les gouvernés » (p.59). Le lecteur prend également connaissance des propos d`André Comte-Sponville lors d`un entretien avec Juliette Cerf. Et ce philosophe de prétendre que Pascal est l`un des plus grands philosophes politiques de tous les temps : « s`il est le contemporain de nos petites misères politiques ? Eh bien oui : il dit la vérité de ces petites misères, parce qu`il dit la vérité de l`homme, y compris dans son historicité. Cette vérité, c`est le règne de l`amour-propre, de la mode, de l`opinion, des conflits d`intérêt et des rapports de force. Pascal est le contraire d`un utopiste. On redécouvre son actualité aujourd`hui, parce que les utopies sont mortes » (p.58-59). Le dernier article, signé par Gérard Ferryrolles, porte sur les enjeux des Provinciales. Selon lui, celles-ci constituent sans doute le chef-d`œuvre polémique de la littérature française. À ce propos, l`auteur souligne « que Pascal n`a pas parlé avec au cœur la haine des jésuites. N`assimilons pas l`antijésuitisme pascalien à celui du XIXe siècle : Pascal ne voit pas partout la main des  » hommes en noir « , travaillant dans le secret au renversement de la religion, de la société et de l `État. […] La Société de Jésus n`est pas pour lui intrinsèquement perverse mais historiquement corrompue. Quelle que soit la vigueur de ses attaques, il n`a jamais cessé de considérer les jésuites comme ses frères dans la foi et d`aspirer pour eux à une salutaire prise de conscience » (p.61).

Le dossier se referme sur d`utiles repères bibliographiques en page 63 pour ceux et celles qui veulent découvrir Pascal : œuvres complètes, pensées en éditions de poche, biographie, études critiques.

Info. : http://www.magazine-litteraire.com / http://portroyal.free.fr