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Le Point Hors-série, no. 16 (pensée juive)

Le Point Hors-série, no. 16 (janvier-février 2008), 130p. [10.25$]

Le numéro a pour thème « Les textes fondamentaux de la pensée juive ». Aux dires de la rédactrice en chef Catherine Golliau, l`objectif de cet hors-série est de « présenter dans toute sa diversité, et avec le plus d`objectivité possible, l`une des pensées les plus riches du monde, tant sur le plan théologique que philosophique » (p.3). Les textes ont été regroupés par ordre chronologique, en trois grandes parties qui correspondent peu ou prou aux grands problèmes auxquels ont été confrontés les penseurs juifs : les temps antiques et l`élaboration des textes fondateurs, le Moyen Âge et la Renaissance, pour le développement de la philosophie et de la mystique, et l`époque moderne. Celle-ci est marquée tout à la fois par la montée en puissance du rationalisme, l`apparition de la mystique hassidique, la volonté d`assimilation et le sionisme. Les textes sont présentés à droite, leur commentaire (ou clé de lecture) à gauche. Chaque partie est introduite par un spécialiste reconnu. De plus, le dossier contient des informations historiques, des cartes, un lexique (58 noms et 38 notions) ainsi qu`une bibliographie (56 titres).

L`Introduction est confiée au philosophe Armand Abécassis, auteur de La Pensée juive (Albin Michel, 1987-1996, 4 vol.); elle a pour titre « Qu`est-ce que la pensée juive ? ». Pour Abécassis, la pensée juive est « existentielle, car elle se soucie plus de sens et de signification que de vérité. Elle distingue le monde de ce qui est (ce monde-ci) du monde de la valeur (le monde qui vient). Elle considère le monde qui doit être comme transcendant » (p.8). Et l`auteur de poursuivre « La pensée juive n`est ni une histoire du sentiment religieux et des élans de l`âme vers l`Infini et l`Absolu, ni un discours théologique, même si l`on trouve des Juifs mystiques et des Juifs théologiens. Cette pensée ne cesse de rappeler qu`il ne peut y avoir qu`un seul Esprit, et que son accès ne peut être que l`Éthique, comprise au sens du respect de la personne humaine » (p.11).

Le texte de la première partie « Les fondements de la pensée juive » est signé par René-Samuel Sirat, Grand Rabbin du Consistoire central de France. Pour lui, « la tradition hébraïque se fonde d`abord sur le texte révélé par Dieu à Moïse. Cependant, l`homme qui la reçoit l`entend de manières multiples » (p.15). Celui de la deuxième partie « Entre Islam et chrétienté » est celui de Rémi Brague, professeur de philosophie médiévale à Paris-I. Pour ce dernier, le Moyen Âge fut l`une des périodes les plus riches de la pensée juive où de grandes personnalités influeront profondément sur le droit, la philosophie et la mystique. Le troisième texte d`introduction « Le retour à la terre promise » est dû à Gérard Bensussan, professeur de philosophie à l`université Marc-Bloch de Strasbourg. Celui-ci mentionne que « plus les Juifs s`assimilent, plus leurs penseurs questionnent la structuration  » chrétienne » du modèle de rationalité qui fonde en universalité la modernité » (p.74).

Cet Hors-série comprend aussi quatre entretiens avec les personnalités suivantes : Élie Wiesel, Othmar Keel, Albert Memmi et Claude Riveline. Chacune d`elles témoignant de ce que représente aujourd`hui le fait d`être juif. Par exemple, Wiesel explique sa passion pour le Talmud car « Tout est permis dans le Talmud. Le dialogue est roi et l`opinion de la minorité est préservée au même titre que celle de la majorité, pour les siècles à venir » (p.12). De son côté, Albert Memmi qui a créé en 1989 l`Association pour un judaïsme humaniste et laïque clame ici sa judéité. Il se dit juif de condition mais non pas juif de conviction. À propos du fait d`être juif sans être croyant, citant en cela Spinoza, Freud et Aron, il allègue qu`« On aboutit ainsi à un malentendu qui assimile la culture juive à la culture religieuse et qui nie la possibilité d`une culture juive laïque. Est-ce à dire, alors, que les non-croyants ne sont pas juifs ? Que le fait de ne pas lire les textes sacrés interdit de se définir comme juif ? Et donc, quand on est intellectuel, de se reconnaître comme penseur juif ? » (p.107).

Info. : http://www.lepoint.fr [1]