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Décès de Guy Lardreau

Guy Lardreau

Le 6 juillet 2008 est décédé à Dijon, le philosophe français Guy Lardreau à l`âge de 61 ans des suites d`un cancer. Il fut l`un des chefs de file des « nouveaux philosophes » dans les années 1970; il fut également l`un des penseurs les plus influents du courant maoïste en France. Dans un communiqué transmis à l`Agence France-Presse le 8 juillet, Bernard-Henri Lévy a salué « un des rois secrets de l`époque » à qui il doit beaucoup. Pour ce dernier, Guy Lardreau « reste ce rebelle, doublé d`un aristocrate de l`esprit, qui donna, avec Le Singe d`or, sa formulation philosophique la plus fine, et la plus radicale, à ce qu`on appela le maoïsme français ». À l`issue de son parcours militant, Paris lui étant devenu « intolérable », il s`était installé à Dijon où il habitait un hôtel particulier, réaménagé en cabinet philosophique.

Il naît le 28 mars 1947 à Paris. Il est élevé au cœur de la capitale française par une mère institutrice et par un père professeur de mathématiques, qui avait été d`Action française dans les années 1930 avant de devenir sympathisant communiste à la Libération. De ses parents, il tient une puissante capacité d`indignation, et une répugnance à l`égard des bons sentiments. En 1964, jeune étudiant au lycée Charlemagne, à Paris, il décroche le Premier prix de philosophie au concours général. Dans ce lycée, il fréquente les militants royalistes, mais aussi les « anars » ou encore les trotskistes. En 1966, jeune khâgneux au lycée Louis-Le-Grand, il publie un roman Les Cheveux d`Epsilon (Éd. Mercure de France). Il poursuit, par après, des études supérieures à l`École normale supérieure, rue d`Ulm à Paris, au moment où le « préparateur à l`agrégation » se nomme Louis Althusser (1918-1990) qui y est assistant de 1948 à 1980. Il devient par la suite agrégé de philosophie. À cette époque, il renoue avec ses auteurs préférés (Platon, Thomas d`Aquin, Kant). Par la suite, il prend part aux événements de Mai 68. Puis, en septembre 1968, il cofonde l`organisation maoïste la Gauche prolétarienne (GP) pour ensuite diriger, avec le philosophe français Jean-Paul Sartre (1905-1980), le journal de l`organisation La Cause du peuple; il y anime égalementson « secteur cinéma » où il côtoie le cinéaste français Jean-Luc Godard. En juin 1969, il participe, avec d`autres « maos », à une opération musclée à l`usine Renault-Flins. Mais en 1973, alors qu`elle est tentée par le terrorisme, la GP s`autodissout après des années d`activisme. Guy Lardreau, sans être le seul,s`en remet difficilement.

De 1973 à 1983, il enseigne la philosophie à Auxerre (l`Yonne). En 1973, il publie, aux Éditions Mercure de France, Le Singe d`or : Essai sur le concept d`étape du marxisme, où il examine le marxisme et le maoïsme. Par la suite, il opère une rupture, qui allait fonder la naissance du courant des « nouveaux philosophes » avec la publication des deux ouvrages suivants : L`Ange et L`Ontologie de la Révolution II. En 1976, il publie en collaboration avec Christian Jambet, L`Ange : pour une cynégétique du semblant (Éd. Bernard Grasset), livre en forme d`adieu aux années militantes. Ce dernier livre, considéré parfois comme le manifeste des « nouveaux philosophes », fait le deuil des espérances maoïstes et part en quête d`un autre absolu. Par conséquent, L`Ange marque une évolution, soit le glissement du marxisme à la métaphysique, et de la politique vers la spiritualité. En 1978, il publie, à nouveau avec Jambet, Ontologie de la Révolution II, Le Monde : Réponse à la question : qu`est-ce que les droits de l`homme ? (Grasset). Ces deux mêmes livres ont été publiés chez Grasset, dans la collection « Figures », dirigée par Bernard-Henri Lévy.

De 1983 à 2007, il est professeur de philosophie en classes préparatoires à Dijon (Bourgogne), au lycée Carnot. En 1988, il publie Fictions philosophiques et science-fiction : Récréation philosophique (Actes Sud); cet essai sera salué par un Grand Prix de l`imaginaire dans la catégorie « Essais ». Hanté par l`Orient chrétien, il affirme que la pensée religieuse doit être considérée comme un élément de la réflexion philosophique et tente alors de bâtir un système métaphysique complet. En 1993, il publie La Véracité : Essai d`une philosophie négative (Éd. Verdier) dans lequel il manie des concepts tels : le Monde, la Raison, le Réel, la Chair. En 2001, il publie Vive le matérialisme ! (Verdier); ce texte, bref et non signé, prend la forme d`un tract philosophique qui vise à détruire l`opposition entre matérialisme et platonisme, et à les articuler au sein d`une même conscience spirituelle. Depuis les années 1980 et jusqu`à sa mort, il a poursuivi une œuvre philosophique à la fois intensément productive et profondément novatrice. De plus, son activité ne s`est jamais cantonnée au maoïsme (ce qu`il n`a jamais par ailleurs renié), ni à une dite « nouvelle philosophie ».

Son œuvre comprend également les titres suivants : La Mort de Joseph Staline : Bouffonnerie philosophique (Grasset,1978), Dialogues. Georges Duby-Guy Lardreau (Flammarion,1980), Discours philosophique et discours spirituel : Autour de la philosophie spirituelle de Philoxène de Mabboug (Seuil,1985), « La Philosophie de Porphyre et la question de l`interprétation. Étude préliminaire », dans Porphyre : L`Antre des Nymphes (Verdier,1989), Présentation criminelle de quelques concepts majeurs de la philosophie : Fantaisie pédagogique (Actes Sud,1997), L`exercice différé de la philosophie : À l`occasion de Deleuze (Verdier,1999).