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Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.

Lire, no. 365 (mai 2008), 106p. [9.20$]

Le Dossier a pour thème « La philosophie et le sexe ».

Il s`agit ici d`une enquête (20 pages) consacrée aux liaisons qu`entretiennent la philosophie et le sexe. En éditorial, François Busnel propose de découvrir une autre façon d`aborder l`histoire de la philosophie. En effet, que nous disent Platon, Diderot, Nietzsche ou Freud sur l`art de jouir, sur le sexe, sur l`amour, sur le désir ? Bref, quelle furent, en fait, les pratiques sexuelles des grands philosophes ? Ladite enquête comprend à cet égard deux parties : 1. Comment ils faisaient l`amour 2. Les doctrines du sexe.

La première partie pose les questions suivantes : Les expériences sentimentales et sexuelles des philosophes ont-elles eu une influence sur leurs œuvres ? Étaient-elles en phase avec leurs idées ? Pour ce faire, Jean Montenot fait déambuler tour à tour : Diogène de Sinope, premier promoteur de l`autoérotisme; Saint Augustin, le fornicateur repenti; Auguste Comte, le vérolé sentimental; Diderot, le mari libertin.

Pour sa part, Marc Riglet rappelle la liaison entre Marx et la baby-sitter Helena Demuth, liaison de laquelle naquit Frederick Demuth. Dans un autre article, Riglet fait remarquer l`effarement que provoque la publication du premier tome, La volonté de savoir, de l`Histoire de la sexualité de Michel Foucault. Ce dernier étant contre l`érotiquement correct. De son côté, Alain Rubens parle des liens qui unissent Heidegger et sa disciple Hannah Arendt. Rubens fait aussi allusion aux femmes dont le psychanalyste Jacques Lacan tombe amoureux : Olesia Sienkiewicz, Marie-Louise Blondin, Sylvie Bataille. Jérôme Serri, lui, évoque le penchant de Roland Barthes pour les garçons. Serri fait remarquer que dans l`œuvre de Barthes, la sexualité reste sous la vigilance de son désir de vivre selon la littérature.

Dans la deuxième partie, on découvre, de Lucrèce à Freud, les grandes théories sur la sexualité, le désir ou l`érotisme. On y aperçoit des idées pas forcément conformes aux vies des philosophes, mais en phase avec leur culture et leur époque.

Dans un rapide survol, Jean Montenot affirme que :

· « Platon présente toujours la continence sexuelle comme supérieure aux relations charnelles » (p.39).

· « Pour Lucrèce, l`amour est avant tout une construction mentale, un fantasme, un simulacre qui, se greffant sur le phénomène physiologique et naturel du désir sexuel, tend à dégénérer en maladie » (p.40).

· « Diderot est un sensualiste pour qui la jouissance sexuelle n`est pas contre nature » (p.41).

· « Pour Sade philosophe, le genre humain est divisé en deux espèces – le bourreau et sa victime, le fort et le faible, le prédateur et sa proie » (p.42).

· « Au total, Nietzsche multiplie les assertions sur la question. Au-delà des contradictions, il en ressort une prescription de prudence : ni excès, ni abstinence, ni exaltation, ni contemption » (p.42).

En parlant de Kant, Montenot souligne que « Sa thèse fondamentale est que l`amour du sexe a été mis en l`homme par la nature  » en vue de la conservation de l`espèce  » et non pour le plaisir qu`il en peut tirer » (p.43). Et Montenot d` ajouter « L`amour sexuel est donc l`amour  » au sens le plus étroit du terme  » et Kant le condamne moralement s`il n`est pas encadré par la loi du mariage » (p.43). À propos de Schopenhauer, il dit que « Sa thèse est que la sexualité en général, humaine en particulier, n`est autre chose que l`expression de la force qui, à ses yeux, fait le fond de toute réalité et qu`il appelle  » vouloir vivre  » » (p.43).

Dans ce même survol, Alain Rubens mentionne que :

· « La première grande découverte freudienne, c`est d`avoir mis en évidence que la sexualité n`est pas un long fleuve tranquille, mais, bien au contraire, le nœud de tous les conflits de la vie psychique » (p.46).

Rubens rappelle en terminant que pour Lacan, la fusion est impossible entre les deux sexes.

Le dossier comprend aussi un compte rendu des trois livres suivants :

1. Les philosophes et l`amour (Plon) par Aude Lancelin et Marie Lemonnier.

2. La profondeur des sexes (Seuil) par Fabrice Hadjadj.

3. La morale sexuelle (Petite Bibliothèque Payot) par Gabriel Tarde.

L`enquête s`achève par un florilège sur philo et sexe.

Info. : www.lire.fr