Ce numéro hors-série du magazine Le Pointcouvre une période allant de l’empirisme de Berkeley, au début du XVIIIe siècle, jusqu’au célèbre article de Kant publié en 1784 (« Qu’est-ce que les Lumières? »). On y retrouve des extraits de trente-cinq textes fondamentaux, chacun présenté par un spécialiste et accompagné d’une « clef de lecture » traçant le profil de l’auteur et qui explique l’importance de ce texte par rapport au sujet. Enfin, une chronologie, un lexique et une bibliographie complètent l’ensemble.En guise d’introduction, Todorov (« Pourquoi nous avons toujours besoin des Lumières » p. 7 à 9) tente de saisir l’essence de ce mouvement complexe qui fait la synthèse de l’héritage de la Renaissance et du XVIIe siècle et qui articule le rationalisme et l’empirisme. On y retrouve donc plusieurs courants de pensée contradictoires où se confrontent, par exemple, la pluralité des cultures et l’unicité de la civilisation, les arts et les sciences ou encore, le corps et l’esprit. Bien qu’il y ait une forte diversité d’idées durant cette période historique, on peut néanmoins y retrouver une idée directrice, celle de l’autonomie. Cette idée, centrale à cette époque, est celle qui permet le mieux de résumer l’esprit des Lumières, car elle concerne tous les domaines de l’existence : autonomie dans le domaine de la connaissance qui se libère alors de toute tutelle idéologique; autonomie dans le domaine politique par laquelle le peuple souverain sera appelé à formuler ses propres lois; autonomie par rapport à la religion et à sa place dans la société. Enfin, s’il y a effervescence et choc des idées, il subsiste néanmoins un point d’équilibre, aujourd’hui perdu, entre ces différents pôles, d’où la nécessité, selon l’auteur, de retrouver l’idéal des Lumières suite aux nombreuses dérives totalitaires ou ultralibérales que le monde a connu à partir du XIXe siècle.

Ce hors-série se compose de quatre grandes sections dont chacune est associée à une couleur, ce qui permet un repérage rapide des différentes sections. Après une présentation de quelques auteurs (dont Locke, Spinoza et Leibniz) qui ont directement inspiré ce mouvement intellectuel (« Les origines » p. 10 à 33), les éditeurs ont opté pour une présentation géographique qui suit la chronologie, montrant ainsi comment les idées ont d’abord vu le jour chez les Britanniques pour ensuite traverser en France, « la caisse de résonance » qui permettra à ces idées de se répandre partout en Europe, pour finalement aboutir en Allemagne et y connaître leur apogée. On y présente donc d’abord quelques penseurs britanniques tels que Berkeley, Hutcheson et Hume (« Les Lumières britanniques » p. 34 à 55); puis les penseurs français (« Les Lumières françaises » p. 56 à 83) avec Montesquieu, Rousseau et Voltaire; enfin, les philosophes allemands (« Les Lumières allemandes» p. 84 à 103) comme Wolff, Mendelssohn et Kant achèvent ce tour d’horizon. Chacune des sections commence par une mise en situation du contexte historique et se termine par un « Entretien » qui vient considère un aspect important mais souvent négligé du siècle des Lumières.Ne se limitant pas aux seuls philosophes, ce hors-série présente aussi la contribution de quelques penseurs appartenant à des domaines variés tels que le droit (Grotius et Pufendorf), l’économie (Smith), la science (Buffon) ou l’histoire de l’art (Winckelmann). On y expose également quelques auteurs littéraires comme Defoe, Marivaux, Swift, Wieland ou Lessing et leurs contributions à l’avènement des nouvelles idées de l’époque comme celle de la justice sociale. Enfin, deux courts chapitres, le premier sur l’Italie et le second sur les Anti-lumières, viennent compléter le panorama de cette époque très féconde sur le plan des idées dont l’influence se fait sentir encore aujourd’hui.

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Le Point, hors-série no 26 (mars-avril 2010) : La pensée des Lumières. Les textes fondamentaux, 132 pages.