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Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.

Le 1er avril 2014 est décédé à Paris, à l`hôpital Saint-Louis, à l`âge de 90 ans, l`historien médiéviste français Jacques Le Goff. Spécialiste du Moyen Âge de renommée internationale, il nie la discontinuité entre celui-ci et la Renaissance. Pendant sa longue carrière, il s`est consacré à l`anthropologie médiévale, dont il a modifié l`approche en abordant tous les aspects de la vie en société. Il se considérait lui-même comme un homme de gauche et militait pour une Europe unie, forte et tolérante; il était également un fervent défenseur des valeurs républicaines. Si bien qu`il n`hésitait pas à prendre position sur des sujets d`actualité, soulignant que « l`histoire est ce qui permet de mettre en perspective les mutations en œuvre aujourd`hui ». Marié à une Polonaise d`origine, parlant anglais, italien, polonais et allemand, il avait pour meilleur ami l`historien médiéviste et homme politique polonais Bronislaw Geremek (1932-2008), lui-même ancien élève de l`historien français Fernand Braudel (1902-1985), à Paris. De sorte que Le Goff incarnait cette Europe du dialogue et de la culture qu`il appelait de ses vœux. Son engagement politique s`est situé sur le terrain des droits de l`homme, en particulier en faveur de la Pologne, d`où son amitié avec l`historien et professeur à l`Université de Varsovie Witold Kula (1916-1988). Il fut également conseiller scientifique sur le tournage du film « Le Nom de la rose » (1986) adapté par le réalisateur scénariste français Jean-Jacques Annaud du roman éponyme de l`universitaire italien d`Umberto Eco, publié en 1980 et traduit en français en 1982 chez Grasset et Fasquelle. Il fut aussi conseiller de l`Encyclopaedia Britannica. Il avait collaboré à plusieurs reprises au magazine mensuel français Sciences et Avenir. Il a été correspond fellow of the Medieval Academy of America du Jury  de l’Institut Universitaire de France.

 

Au cours de sa carrière, il a reçu une douzaine de titres de docteur honoris causa d`universités des quatre coins du globe. Auteur d`une cinquantaine d`ouvrages, tous traduits dans plusieurs langues étrangères, il laisse donc derrière lui une œuvre monumentale et très dense qui a permis de mieux comprendre la société médiévale occidentale. Il préconisait un renouvellement de la démarche historique, ouverte à la pluridisciplinarité et aux nouvelles techniques quantitatives. Il n`hésitait pas non plus à quitter sa période de prédilection pour aborder l`actualité. Pour lui, la mémoire doit servir l`avenir, les leçons de l`histoire éclairer la marche du monde. Tour à tour, il fut surnommé par ses amis « l`ogre historien » ou « le  pape du Moyen Âge ». Lui qui, loin des stéréotypes qui courent sur le Moyen Âge, décrit cette époque comme une période  « lumineuse » et « pleine de rires », contestant même l`idée reçue selon laquelle la Renaissance aurait mis fin à l`obscurantisme médiéval.

 

 

Repères biographiques
 

 

Il naît le 1er janvier 1924 à Toulon (Var) d`un père breton issu d`un milieu modeste, professeur d`anglais à Toulon et ancien « poilu » de la Grande Guerre (dont il hérite de solides convictions antimilitaristes et laïques) et d`une mère catholique pratiquante mais de gauche (issue d`une famille de négociants varoise) qui renonce à ses leçons de piano pour l`élever. C`est là où il passe toute son enfance, avant d`étudier en classes préparatoires au Lycée Thiers, à Marseille puis à Paris. Très tôt, il se passionne pour l`étude des textes anciens. Au Lycée de Toulon, il a comme professeur d`histoire Henri Michel (1907-1986), spécialiste de la Seconde Guerre mondiale. En 1943, hostile au régime de Vichy et fuyant une convocation au Service de travail obligatoire (STO) à Marseille, il rallie le maquis de Haute-Provence (Alpes). Comme résistant, il a pour mission de collecter les armes et les médicaments parachutés par les Anglais. En 1944, il entre en khâgne au Lycée Louis-le-Grand et y prépare et réussit son concours d`entrée à l`École normale supérieure (ENS) de la rue d`Ulm (1945). La guerre 1939-1945 terminée, il se rend à Paris et suit des cours de philologie à la Sorbonne. En 1947, il part pour la Tchécoslovaquie, comme boursier du Quai d`Orsay, pour réaliser une recherche sur la naissance de l`Université Charles de Prague (1348). En février 1948, jeune chercheur, il vit en direct le « coup de Prague », soit la création d`une démocratie populaire qui marque l`installation du régime communiste stalinien en Tchécoslovaquie. Il en ressort « vacciné contre le communisme » et s`amuse des revirements de ses confrères qui après-guerre épousent l`idéal communiste. Or, cet événement  fera le lui un européen convaincu.

 

En 1950, il est agrégé d`histoire, quatrième ex-aequo avec Alain Touraine, sociologue français. C`est d`ailleurs Fernand Braudel qui préside le jury de son agrégation. De 1950 à 1951, il commence à enseigner au Lycée Louis-Thuillier, à Amiens (Picardie). Dans les années 1960, Le Goff devient le secrétaire de Braudel et dès lors, collabore régulièrement à la célèbre Revue des Annales. Puis, il passe un an à l`Université d`Oxford (Lincoln College), au Royaume-Uni. De là, il passe aussi une année à l`École française de Rome (EFR), institut de recherche en histoire, en archéologie et en sciences humaines et sociales, placée sous la tutelle de l`Académie des inscriptions et belles-lettres. Par après, il passe également un an au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ensuite, il est assistant de l`historien médiéviste et universitaire français Michel Mollat du Jourdin (1911-1996) à l`Université de Lille. Sous la direction de ce dernier, il entreprend une thèse d’État sur le travail au Moyen Age (à laquelle il renonce). À maintes reprises, dans ses travaux, il cite les historiens français de l`École des Annales, créée en 1929 par Lucien Febvre (1878-1956) et Marc Bloch (1886-1944), notamment l`historien médiéviste belge Henri Pirenne (1862-1935), qui est pour lui un modèle et un maître. Ajoutons à ces derniers, l`anthropologue et ethnologue français Claude Lévi-Strauss (1908-2009) qui lui fait comprendre la nécessité de nouvelles approches historiques du Moyen Âge. Par conséquent, il se met à étudier plusieurs aspects de la vie des individus de l`époque, accordant une attention particulière aux rites religieux, d`après lui, essentiels pour comprendre le Moyen Âge, et particulièrement son rapport à l`argent. Or, depuis les années 1950, il est considéré comme l`héritier de l`École des Annales, mouvement qui va révolutionner l`approche historique pendant l`entre-deux-guerres, en faisant des données économiques, sociétales et culturelles des éléments à part entière de la réflexion historique.

En 1956, il publie Marchands et banquiers du Moyen Âge (9e éd., PUF, « QSJ ?, no. 699 », 2001; PUF, « Quadrige/Grands textes », 2011). Dès la sortie de son premier livre, il est considéré comme l`héritier de l`École des Annales, qui bouleverse l`approche historique dans les années 1930.

 

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En 1957, il publie une synthèse sur la cléricature médiévale, Les intellectuels au Moyen Âge (Seuil, Microcosme, « Le Temps qui court »). L`ouvrage est une introduction à la sociologie historique de l’intellectuel occidental, de la naissance de la figure de l’érudit (clerc, prêtre, penseur, enseignant, etc.), au XIIe siècle, jusqu’à celle de l’humaniste à la fin du XVe siècle. Ses deux premiers livres montrent comment ces types sociaux, qui incarnent la modernité, ont été inventés ou au moins réinventés au Moyen Âge. En 1958, il entre à la VIe section de l`École pratique des hautes études qui lui offre le refuge institutionnel correspondant à son caractère. De 1958 à 1962, il est membre du Parti socialiste unifié (PSU).

Au début des années 1960, à l`occasion d`un colloque d`historiens qui doit se tenir à Moscou, il fait un détour par la Pologne. C`est là qu`il rencontre sa future femme, Hanka, qui vient d`achever ses études en médecine. En 1962, il devient maître-assistant à la VIe section de l`École pratique des hautes études (devenue en 1975, l`École des hautes études en sciences sociales). La même année, il organise un colloque qui a pour thème Hérésies et sociétés dans l`Europe préindustrielle, XIe-XVIIIe siècle (Éditeur Mouton, 1968), événement qui atteste de son rayonnement international. En septembre 1962, lui et son épouse Hanka se marient, à Varsovie; l`historien polonais Bronislaw Geremek est l`un de leurs témoins.

 

J. Le Goff. Civilisation Occ. médi. 

 

En 1964, il publie une vaste synthèse La civilisation de l`Occident médiéval (Arthaud, « Les Grandes Civilisations, no. 3 »; Flammarion, « Champs, no. 47 », 1982), ouvrage dans lequel il met en œuvre une histoire des mentalités. Traduit dans plus de vingt langues, ce livre est le bréviaire indispensable pour qui veut se familiariser avec le Moyen Âge. Il y présente un Moyen Âge qu’il veut plus vrai, plus proche d’une réalité dure et primitive. À partir de 1966, animé de la joie de transmettre son savoir et soucieux de toucher un public plus large que les seuls initiés, il anime les célèbres « Lundis de l`Histoire » sur la chaîne de radio culturelle française France Culture, une émission qu`il produit jusqu`en 2012. Il faut voir là un exercice radiophonique hebdomadaire auquel peu de chercheurs s`étaient livrés avant lui. À partir de 1967, il dirige, en compagnie des historiens français Marc Ferro et Emmanuel Le Roy Ladurie, la prestigieuse Revue des Annales. Selon lui, « Une idée fondamentale de l`École des Annales, c`est que l`histoire se fait dans un va-et-vient constant du présent vers le passé et du passé vers le présent ». Ainsi, dans la tradition de l`École des Annales, il reste fidèle à l`idée d`une histoire totale.

Dans les années 1970, il est l`un des pères du mouvement de la « Nouvelle histoire » et son travail de médiéviste s`accompagne en permanence d`une réflexion sur le métier d`historien, avec notamment Faire de l`histoire (3 vol., Gallimard, 1986)  coécrit avec Pierre Nora, ou Histoire et mémoire (Gallimard, 1986; « Folio Histoire, no. 20, 1988) où il explique le travail de l`historien selon les rapports entre ces outils de la réflexion historique que sont la mémoire et les oppositions passé/présent, antique/moderne. De plus, grâce à l`historien français  Maurice Lombard (1904-1965), spécialiste de l`Islam médiéval, il rejoint  Fernand Braudel à la VIe section de l`École pratique des hautes études, un des creusets de la recherche en sciences sociales en Europe. De 1972 à 1977, il préside la VIe section de l`École des hautes études en sciences sociales (EHESS), succédant à l`historien français Fernand Braudel (1902-1985). Il y enseigne jusqu`à sa retraite en 1992. En 1974, il codirige avec Pierre Nora une série d’essais, Faire de l’histoire (3 vol., Gallimard, « Bibliothèque des histoires »; Gallimard, « Folio Histoire », nos. 16-17-18, 1986), véritable manifeste épistémologique et méthodologique sur les nouvelles approches, les nouveaux problèmes et les nouveaux objets de l’histoire : c’est notamment la grande époque de « l’histoire des mentalités ». La même année, il préface l`ouvrage de David O`Connell, spécialiste de la littérature française du Moyen Âge, Les Propos de Saint Louis (Gallimard, « Archives, no. 52; « Folio histoire, no. 212 », 2013),  En 1977, il publie un recueil d`articles intitulé Pour un autre Moyen Âge : Temps, travail et culture en Occident (Gallimard, « Bibliothèque des histoires »; « Tel, no. 181 », 1991). Cet ouvrage rassemble 18 articles ou exposés publiés de 1956 à 1976 et qu`il répartit sous quatre rubriques : « Temps et travail », «    Travail et systèmes de valeurs », « Culture savante et culture populaire », « Vers une anthropologie historique ».  En 1978, il assume la direction du Dictionnaire de la Nouvelle Histoire (Retz), avec les historiens français Jacques Revel et Roger Chartier. Le 2 février 1979, sur le plateau de l`émission littéraire Apostrophes, animée par Bernard Pivot, il explique les principes de la « Nouvelle histoire », courant historiographique dont il est un des piliers, tout comme Emmanuel Le Roy-Ladurie et Georges Duby (1919-1996), eux aussi invités de l’émission. La même année, il fonde et dirige le Groupe d’Anthropologie Historique de l’Occident Médiéval (GAHOM) au sein du Centre de Recherches Historiques (UMR EHESS/CNRS n° 8558) dont il constitue l’un des groupes de recherche et de formation à la recherche. Depuis 1992, le GAHOM est dirigé par l`historien médiéviste français. Jean-Claude Schmitt qui succède à Le Goff.

 

 

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En 1981, il publie l`un de ses livres les plus marquants La naissance du purgatoire (Gallimard, « Bibliothèque des Histoires »; « Folio Histoire, no. 31 », 1991; 2000). Cet ouvrage, qui est l`un de ses préférés, reprend toutes les préoccupations du médiéviste, aux confins des mondes matériel et spirituel. Le livre met en évidence une réorganisation de la « géographie de l`au-delà », où le « troisième lieu » s`introduit au cours du XIIe siècle entre le paradis et l`enfer. Le Goff montre que l`idée de purgatoire est, en effet, apparue au XIIe siècle, à un moment où la société était en train de changer. Avec les progrès agricoles et l`urbanisation, la vie terrestre n`est plus conçue comme une vallée de larmes. L`idée du purgatoire coïncide donc avec une société qui aspire à plus de justice et de reconnaissance de l`individu. En 1981 aussi, il lance l`« appel des 5000 » scientifiques pour la Pologne pour des raisons personnelles mais également parce qu`il croit que  l’historien devait être aussi un citoyen engagé dans la lutte pour les droits de l’homme. En 1982, il publie Le XIIIe siècle : L`apogée de la chrétienté, v.1180- v.1330 (Bordas, « Voir l`Histoire, no. 6 »; 1992) dans lequel il propose une « radioscopie » en profondeur du monde féodal, de ce XIIIe siècle qui, avec ses progrès agricoles et économiques, atteint à sa vérité institutionnelle et sociale et s’épanouit dans la splendeur des cathédrales. De 1983 à 1985, il préside la Commission nationale pour la rénovation de l`enseignement de l`histoire et de la géographie. En 1985, il publie l`Imaginaire médiéval (Gallimard; 1994). La même année, il publie en collaboration avec Belà  Kopeczi, Intellectuels français, intellectuels hongrois : XIIe-XXe siècle : actes du colloque franco-hongrois d’histoire sociale à Matrafured, 1980, Paris, Ed. CNRS, Budapest, Akademiai Kiado. En 1985 toujours, il reçoit le prix Diderot-Universalis, décerné chaque année par des membres de l’Institut et du Collège de France à une action ou une oeuvre exemplaires en matière de diffusion de la culture. En 1986, il publie La Bourse et la vie. Économie et religion au Moyen Âge (Hachette, « Textes du XXe siècle »; Hachette Littérature, « Pluriel », 1997; « Hachette Pluriel Référence », no. 847,  2011) où il démontre comment la « naissance du purgatoire » s`est accompagnée de nouvelles attitudes à l`égard de l`argent et de l`usure. En 1987, il reçoit le Grand Prix national d`Histoire. La même année, il dirige L`Homme médiéval (Seuil, « L`Univers historique »; « Point Histoire », 1994). Dans ce livre, dix médiévistes s`emploient à décrire et expliquer l`homme médiéval à l`aide des réalités économiques, sociales, mentales et imaginaires. En 1988, il devient directeur d`une collection de livres d`histoire, « Faire l`Europe », dont les volumes paraîtront dans les différentes langues de la Communauté européenne. La même année, il dirige, avec l`historien et politologue français René Rémond (1918-2007), l`Histoire de la France religieuse (4 vol., Seuil).

 

En 1991, il reçoit la médaille d`or du Centre national de la recherche scientifique  (CNRS), la plus haute distinction scientifique française. En 1994, il publie La vieille Europe et la nôtre (Seuil, « Essais »), où il rappelle que le débat pour l`Europe n`est pas entre la tradition et la modernité. Au contraire, il est dans le bon usage des traditions; dans le recours aux héritages, comme force d`inspiration, comme point d`appui pour maintenir et renouveler une autre tradition, celle de la créativité.

 

Saint-Louis

 

 

En 1996, il publie une biographie, Saint-Louis (Gallimard, « Bibliothèque des Histoires »; Folio Histoire, no. 205, 1999), qui devient un best-seller. La même année, paraît un livre d`entretiens qu`il mène avec l`historien français Marc Heurgon (1926-2001), Une vie pour l`histoire (La Découverte; La Découverte Poche / Sciences humaines et sociales, no. 331, 2010), où il retrace sa « vie pour l’histoire » : son enfance, ses années de formation à l’École normale supérieure, à Prague, à Oxford et à Rome, puis sa carrière universitaire qui l’amènera à jouer un rôle décisif à la direction de l’École normale supérieure en sciences sociales. En 1997, il est promu au grade de Commandeur de l`Ordre des Arts et des Lettres. La même année, il publie Pour l`amour des villes : Entretiens avec Jacques Lebrun (Éd. Textuel, « Histoire ») où il rappelle le rôle éminemment dynamique des villes médiévales, au moment où moins de 20 % de la population est urbanisée. À travers quatre thèmes (l’innovation et l’échange, la sécurité, le pouvoir et l’esthétique urbaine), Le Goff chemine au cœur des fonctions de la ville. En 1998, Jean-Claude Schmitt et Jacques Revel dirigent la publication de L`Ogre historien : Autour de Jacques Le Goff (Gallimard). Ici, la métaphore illustre à souhait l’énergie physique et intellectuelle, la force de travail peu commune de cet historien qui tient de Michelet, mais aussi de Balzac. C’est à l’évoquer, lui et son œuvre et, plus encore, sa manière de faire de l’histoire que se consacre cet ouvrage collectif.

 

J. Le Goff. Dict rai. Occ médiéval

 

En 1999, il publie, en collaboration avec Jean-Claude Schmitt, Le Dictionnaire raisonné de l`Occident médiéval (Fayard). L`ouvrage aborde, en quatre-vingts essais synthétiques les différents aspects des civilisations de l’Europe médiévale. En 1999 aussi, il dirige La Nouvelle histoire (Nouvelle Éd., Complexe; « Complexe poche, no. 47 », 2006). Cet ouvrage renferme dix essais fondamentaux sur les domaines ou concepts clés de la  « nouvelle histoire ». L’ensemble de ces textes permet au lecteur d’appréhender et de connaître l’histoire « nouvelle » dans ses idées principales, ses objectifs, son territoire intellectuel et scientifique et ses réalisations. En 1999 également, il publie une étude magistrale Saint François d`Assise (Gallimard, « Bibliothèque des Histoires ») où il livre le résultat de ses recherches et méditations sur l’une des grandes figures du christianisme.

 

En 2001, il publie Cinq personnages d`hier pour aujourd`hui : Bouddha, Abélard, saint-François, Michelet, Bloch (Éd. La Fabrique). Mentionnons que du 20 au 24 décembre 2009, dans une série de cinq émissions sur France Culture, Jacques Le Goff présente cinq personnages qui lui paraissent remarquables, moins par la pérennité de leur enseignement que par le fait qu’ils ont créé du scandale en leur temps. En 2001 également, il collabore à la publication d`un ouvrage collectif (Jean-Claude Bonne, Éric Palazzo, Marie-Noëlle Cadette) Le Sacre royal à l`époque de Saint-Louis (Gallimard, « Le Temps des images ») d`après le manuscrit latin 1246 de la BNF. Il s`agit d`un ouvrage très technique et savamment illustré, qui s’adresse aux passionnés de l’époque médiévale. En effet, l`ouvrage démontre le poids du rituel de couronnement royal au XIIIe siècle, dans la conception même du pouvoir et de la politique. En 2002, il publie À la recherche du Moyen Âge, avec la collaboration de Jean-Maurice de Montreny (Éd. Louis Audibert; Seuil, « Points Histoire, no. 357 », 2006) où il raconte comment, à 12 ans, il  découvre l`Histoire et plus précisément le Moyen Âge en lisant le roman historique Ivanhoé (1819) de l`écrivain écossais Walter Scott (1771-1832). Par la suite, ses études l`amènent à nuancer entre la vision noire de cette époque, qui remonte à la soi-disant Renaissance, et la vision dorée, qui se construit après la Révolution, sous l`influence de l`écrivain français François René de Chateaubriand (1768-1848) et du romantisme. En ce sens, il conteste l`idée reçue selon laquelle la Renaissance aurait mis fin à l`obscurantisme médiéval. En 2004, il reçoit le prix Dr A.H. Heineken pour « avoir fondamentalement changé la perception du Moyen Âge », décerné par l`Académie royale néerlandaise des Arts et des Sciences. En 2003, il publie L`Europe est-elle née au Moyen Âge ? (Seuil, « Faire l`Europe »; « Points Histoire », 2010), où il entraîne le lecteur dans une synthèse magistrale d’histoires médiévales, qui sont autant de moments décisifs pour l’Europe. La même année, il publie avec le journaliste au Monde de l`Éducation Nicolas Truong, Une histoire du corps au Moyen Âge (Éd. Liana Lévi, « Histoire »; « Piccolo, no. 44 », 2009). Le livre présente un panorama des représentations, du rôle et des usages du corps au Moyen Âge. En 2003 toujours, il publie Le Dieu du Moyen Âge (Bayard, « Qui est donc Dieu ? ») où il livre son regard personnel sur le Dieu de l’Occident médiéval. Le 11 décembre 2004, son épouse Hanka décède à l`âge de 70 ans à Paris, à l`hôpital Saint-Louis, emportée par une leucémie foudroyante. La même année, il publie Un long Moyen Âge (Talladier, « L`Histoire »; Hachette Pluriel Référence, 2011). Il s`agit d`un recueil de textes, pour la plupart paru dans la revue L’Histoire, qui permet une première approche des grands thèmes liés à la période médiévale. En 2004 toujours, il publie Héros du Moyen Âge, le Saint et le Roi (Gallimard, « Quarto »). Ce volume contient deux de ses ouvrages essentiels, Saint François d’Assise et Saint Louis. Deux livres qui ne traitent pas de la royauté et de la sainteté en termes abstraits, mais d’un roi qui devint un saint, et d’un saint qui réagit à l’apparition des « nouveaux pauvres » dans les villes du XIIIe siècle. En 2005, il publie Héros et Merveilles du Moyen Âge (Seuil; Points, « Points Histoire »). L’ouvrage explore l’imaginaire médiéval en fonction de ses deux composantes majeures : d’une part, les héros, comme Charlemagne, le Cid, le roi Arthur, Roland, la papesse Jeanne, Robin des Bois, sans oublier la fée Mélusine et l’enchanteur Merlin mais aussi le renard et la licorne et, d’autre part, les merveilles, trois édifices ou puissances qui dominent la société, à savoir la cathédrale, le châteaufort et le cloître. Signalons que du 1er au 16 septembre 2007, l`Abbaye de Fontevraud (auj. Centre culturel situé dans la commune de Maine-et-Loire)  consacre une grande exposition, « Héros et merveilles du Moyen Âge », autour de l`œuvre de Jacques Le Goff. Mentionnons également que la revue Les Collections de l`Histoire, no. 36 (juillet-septembre 2007)  publie un dossier thématique intitulé «Héros et merveilles du Moyen Âge » dans lequel on peut lire un entretien avec Jacques Le Goff. En 2006, il préface le livre publié sous la direction de l`historien et philosophe algérien Mohamed Arkoun (1928-2010), Histoire de l`islam et des musulmans en France du Moyen Âge à nos jours (Albin Michel), qui souligne notamment les emprunts de la France à l`Islam. En 2007, il publie L`Europe expliquée aux jeunes (Seuil). Ici, l’histoire de l’Europe est abordée de façon linéaire et les plus grandes questions sur l’évolution de l’Europe sont soulevées en petits chapitres ou paragraphes. En 2008, il publie Avec Hanka (Gallimard, « Hors série Connaissance »), un livre en mémoire de son épouse décédée.

 

En 2010, il publie Le Moyen Âge et l`argent : Essai d`anthropologie historique (Perrin, « Pour l`Histoire »). Dans cet essai, il explique quel a été le sort de la monnaie, ou plutôt des monnaies, dans l’économie, la vie et la mentalité médiévales ; et, dans cette société dominée par la religion, comment l’Église a considéré et enseigné l’attitude que le chrétien doit observer face à l’argent et l’usage qu’il peut en faire.  En 2011, il publie À la recherche du temps sacré, Jacques de Voragine et la légende dorée (Perrin, « Pour l`histoire »). En 2012, il dirige Hommes et femmes du Moyen Âge (Flammarion), ouvrage qui explore le Moyen Âge de l’intérieur, à travers 112 portraits d’hommes et de femmes qui ont vécu et donné vie à dix siècles de questionnements, d’échanges et de découvertes. En 2013, il publie avec Jean-Louis Schlegel, Le Moyen Âge expliqué en images (Seuil, « Beaux Livres Reliés »). Ce livre est une synthèse du Moyen Âge à travers les chevaliers, les constructions, les fêtes religieuses et pèlerinages, les créations littéraires et inventions musicales, etc. En janvier 2014, il publie son dernier ouvrage Faut-il vraiment découper l`histoire en tranches ? (Seuil), où il livre sa réflexion sur la nécessité de combiner « continuité et discontinuité » dans notre façon de voir le temps historique. En ce sens, il étend ce qu`il appelle le « long Moyen Âge occidental » de la mort de Justinien (565) et de l`apparition de l`Islam (622) à la veille de la Révolution française (1789) et de la révolution industrielle. En 2014 aussi, il signe la préface de l`ouvrage Saint-François (Flammarion) du journaliste et écrivain français Jacques Duquesne.

 

Il était père de deux enfants : Barbara et Thomas.