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Texte de Philippe Larivière – Lauréat du 1er prix au Concours d’écriture sur les femmes philosophes

[NDLR : nous publions ici le texte de Philippe Larivière, étudiant lauréat du 1er prix de 200$ à l’édition 2017 [1] du Concours d’écriture sur la présentation de femmes philosophes.  Ce texte sera aussi publié dans «La Gifle».]


 

LE REMPART

Par Philippe Larivière

(Lauréat du 1er prix [1]

au Concours d’écriture sur la présentation de femmes philosophes – 2017 [1])

 

« Le totalitarisme ne tend pas vers un règne despotique sur les hommes,

mais vers un système dans lequel les hommes sont superflus. »

– Hannah Arendt

 

Il existe quelque chose de particulièrement surréaliste et d’effrayant dans le totalitarisme. Hannah Arendt, dans l’ensemble de son œuvre, réussit à le cerner. Cette femme, qui a assisté à la montée du nazisme en Allemagne en tant que juive et qui a aussi analysé le procès Eichmann après la guerre, a marqué le XXe siècle par sa vision politique et philosophique. C’est sur les socles de compréhension qu’elle a érigés que nous pouvons asseoir notre propre perspective sur la menace quotidienne du totalitarisme. Ces derniers mots peuvent paraître alarmistes, mais les prochaines lignes sont consacrées à la mise en garde d’Hannah Arendt.

 

Concrètement, selon le dictionnaire Larousse, le totalitarisme est un « système politique dans lequel l’État, au nom d’une idéologie, exerce une mainmise sur la totalité des activités individuelles ». Selon moi, le totalitarisme correspond à l’extinction de toute forme d’humanité. Quand la notion d’individu avec sa liberté, ses passions, ses rêves et, surtout, sa dignité vient à être conformée ou détruite, une société tend vers le totalitarisme. Ce dernier déploie ses tentacules dans toutes les sphères de la société pour corrompre la nature humaine. Il vend la solidarité pour la délation. Il achète la violence en échange de sa démocratie. Il consolide ses actifs à coup de répression, de censure et de génocide. Il amène à penser que l’existence d’un être n’a aucune valeur et que sa vie est malléable au profit de l’idéologie. Dans une société totalitaire, le bien et le mal ne sont que marionnettes dirigées par le marionnettiste idéologue. Ce dernier, bien que biologiquement de l’espèce humaine, est gangrénée par la certitude qu’une vie n’a de valeur que si elle constitue une brique dans le mur uniforme de sa société. Les faits deviennent alternatifs et la plèbe n’est que main-d’œuvre productive. Le totalitarisme s’enracine dans un idéal social erroné, il grandit dans le pouvoir et la peur, puis il bourgeonne dans l’annihilation de l’homme. Un système totalitaire remplace les fleurs par du béton, les arbres par du barbelé et l’humain par la machine. Cette machine ne peut ni réfléchir ni espérer. Elle ne peut que se contraindre à survivre et à oublier ce que pouvait être la liberté.

 

Lorsque j’ai marché sur le site d’Auschwitz, j’ai pu lire sur une plaque un message : « Que ce lieu où les nazis ont assassiné un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants, en majorité des Juifs de divers pays d’Europe, soit à jamais pour l’humanité un cri de désespoir et un avertissement. ». Aujourd’hui, le président de la plus puissante démocratie n’accorde plus d’importance aux faits. Des courants d’extrême-droite haussent le ton de l’Europe jusqu’aux Philippines. Ici, on se permet même d’être cynique face à nos institutions et on se désengage du processus démocratique. N’oublions pas l’avertissement du passé, car le confort dont nous jouissons repose sur la santé de notre démocratie. Au quotidien, par nos choix, nos rêves et notre humanisme, nous sommes tous le rempart contre le totalitarisme.

 

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