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Blaise Pascal peut-être bientôt béatifié…

 

Sommaire

 

 

Présentation

Le titre de « Bienheureux »

Philosophes béatifiés

Blaise Pascal : repères biographiques

Choix de citations

 

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Présentation

 

C`est le 8 juillet 2017 qu`a eu lieu dans son logement (suite 201) de la Résidence Sainte-Marthe du Vatican,  une rencontre entre le pape François et Eugenio Scalfari, 93 ans, figure tutélaire de la gauche italienne et fondateur du quotidien La Repubblica. Lors de cet entretien, publié samedi par le quotidien italien, le pape François s`est déclaré favorable à la béatification du savant, philosophe et écrivain français Blaise Pascal (1623-1662), célèbre apologiste du christianisme. « Moi aussi, je pense qu’il mériterait la béatification », a répondu très spontanément le pape à la suggestion de son interlocuteur, avant de renchérir : « J’envisage de demander la procédure nécessaire et l’avis des organes du Vatican chargés de ces questions, en faisant part de ma conviction personnelle positive ». Rappelons qu`au  XVIIe siècle,  Pascal se révèle proche des jansénistes, ennemis jurés de la congrégation jésuite dont est issu l`actuel souverain pontife.

Suite à cela, la Congrégation pour la cause des saints, l’organe au Vatican qui s’occupe de ces questions pourrait donc très prochainement ouvrir un dossier « Pascal ». Par conséquent, le processus de béatification sera sans doute long et la vie et l’oeuvre de Blaise Pascal seront décortiqués même s`il est considéré comme un des grands écrivains catholiques français.

 

Le titre de « Bienheureux »

 

La béatification (du latin beatificatio, » action d`apporter le bonheur »)  est l`acte  par lequel le pape, au cours d`une cérémonie solennelle, confère le titre de « Bienheureux » à une personne décédée dont la vie ou la mort ont été édifiantes ou marquée par des événements exceptionnels (apparition, miracles, etc.) et à laquelle peut être rendu un culte public dans certains lieux ou groupements déterminés (un diocèse, un État, une congrégation). À cette occasion, le pape dévoile un portrait du bienheureux qu`il offre à la vénération des fidèles; on chante aussi l`oraison du nouveau bienheureux.

Cette déclaration propose un modèle de vie chrétienne dont on constate l`achèvement en Dieu. Les miracles servent à attester cette réalité. Un bienheureux et une bienheureuse peuvent être honorés publiquement dans une certaine partie du monde, généralement leur pays d`origine ou celui dans lequel ils ont œuvré principalement; ils ne sont pas l`objet d`un culte dans l`Église universelle. Pour leur part, les saints et les saintes sont des modèles de vie chrétienne achevée proposés aux fidèles du monde entier. Ladite déclaration  est promulguée par lettre apostolique, en forme de bref pontifical, sub annulo Piscatoris, « sous l`anneau du pêcheur », signée par le secrétaire d`État.

La béatification est dite formelle quand elle résulte d`un procès sur l`héroïcité des vertus et d`une déclaration officielle de l`Église. Elle est dite équipollente quand spontanément les fidèles rendent un culte et que l`Église ne s`oppose pas au culte rendu.

Le « procès en béatification » est l`enquête préliminaire menée en vue d`une éventuelle béatification; il ne représente que la  première étape avant la canonisation dans le cursus romain. En réalité, ce n`est qu`un acte  préparatoire, une déclaration de l`Église permettant de croire qu`il y a des motifs très sérieux de penser que celui ou celle qui est proclamée bienheureux (se) jouit dans le ciel de la béatitude éternelle.

Elle est précédée d`un examen très minutieux. Pour les martyrs, il faut prouver historiquement que leur sang a bien été répandu pour la foi et l`Église. Pour les non-martyrs, on s`appuie sur les témoignages de personnes les ayant connus, sur l`appréciation de leurs écrits, leur réputation de sainteté, et l`évidence de leur intercession dans un miracle ou une guérison.

Au Moyen Âge, la béatification est prononcée par l`évêque du diocèse auquel appartient le serviteur de Dieu. Elle se change automatiquement en canonisation quand le culte se répand aux autres diocèses, puis à l`Église. En 1170, sous le pape Alexandre III (v. 1110-1181), la béatification formelle qui est devenue peu avant le fait des conciles pléniers, est réservée au pape. En 1634, le pape Urbain VIII (1568-1644) fixe juridiquement la distinction formelle entre saint et bienheureux. À partir de 1971, le pape Paul VI (1897-1978) préside une seule cérémonie à la Basilique Saint-Pierre de Rome. Puis, après 1978, le pape Jean-Paul II (1920-2005) programme des béatifications hors de Rome lors de ses voyages apostoliques. Dès le début de son pontificat, le pape Benoît XVI introduit une modification importante dans la célébration du rite. Il a toujours lieu désormais dans le diocèse du bienheureux, sous la présidence du préfet de la congrégation pour les Causes des saints ou d`un autre prélat, sans lien avec un voyage pontifical, afin de souligner la différence avec la canonisation, qui fait sens pour l`Église universelle, et valoriser le rôle de l`élu dans le peuple dont il est originaire ou qu`il a servi.

 

Philosophes béatifiés

 

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Titus Brandsma (1881-1942), prêtre carme et journaliste catholique néerlandais. Béatifié le 3 novembre 1985, en la basilique Saint-Pierre de Rome, par le pape Jean-Paul II.

Il naît le 23 février 1881 à Oegekleaster (Pays-Bas). Après des études secondaires au lycée de Megen, il entre à 17 ans au noviciat des Grands-Carmes à Boxmeer. De 1905 à 1909, il étudie la philosophie et la sociologie à l’Université grégorienne de Rome où il obtient son doctorat de philosophie. De 1909 à 1923, il enseigne la philosophie, la sociologie et l’histoire de l’Église au Philosophicum, séminaire des Carmes, à Oss (Pays-Bas). En 1923, à la fondation de l’Université catholique de Nimègue (l’actuelle Université Radboud de Nimègue), il est nommé professeur d’histoire de la philosophie et de la mystique.

En 1935, il devient le porte-parole de l’archevêché d’Utrecht et dès ce moment il s’oppose fermement aux théories nazies et à la persécution des Juifs. En 1938-1939, il donne une série de cours sur les principes néfastes du nazisme et prend la défense des Juifs.

Le 19 janvier 1942, Titus Brandsma est arrêté à Nimègue et emprisonné à Arnhem, puis transféré à La Haye pour deux jours d’interrogatoires. Du 20 janvier au 12 mars, il est en prison à Scheveningen; puis du 12 mars au 28 avril au Polizeiliches Durchgangslager Amersfoort, un camp de transit. Du 28 avril au 16 mai, il est de nouveau à la prison de Scheveningen. Selon le témoignage de ses codétenus, dans chaque prison, il apportait réconfort et consolation. Du 16 mai au 13 juin, il est à la prison de Clèves où selon un juge, il défend le catholicisme contre le nazisme. Le 13 juin, il est transféré au camp de concentration de Dachau où il arrive le 19 juin. Très faible, il passe plusieurs fois par l’infirmerie. Inconscient durant plusieurs jours, il reçoit une injection mortelle donnée par l’infirmière du camp et décède en quelques minutes, le 26 juillet à 14h00. Il est incinéré dans un des fours crématoires de Dachau.

 

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Edith Stein (1891-1942), philosophe et théologienne allemande. Béatifiée le 1er mai 1987 dans la cathédrale de Cologne par Jean-Paul II, puis canonisée le 11 octobre 1998 par ce dernier. Copatronne de l`Europe le 1er octobre 1999 par Jean-Paul II, elle est fêtée le 9 août.

Elle naît le 12 octobre 1891, à Breslau (alors en Silésie), dans l’Empire allemand. Elle est la fille cadette d`une riche famille juive de sept enfants. Son père, commerçant en bois, meurt en 1893 quand elle n’a pas encore trois ans.

En 1911, elle obtient son diplôme de fin d’études secondaires et commence des cours d’allemand et d’histoire à l’Université de Wroclaw. De 1912 à 1916, elle étudie à Göttingen et se familiarise avec les travaux du philosophe allemand Edmund Husserl (1859-1938) sur la phénoménologie (Recherches logiques, 1900-1901) Là, elle y fréquente le groupe des phénoménologues dont le philosophe allemand Max Scheler (1874-1928), disciple d`Husserl, qui l`amène à réfléchir sur le christianisme. Elle est l’une des rares femmes de son époque à fréquenter l’université ; elle sera la 1re femme docteur en philosophie avec sa thèse sur l’empathie (einfühlung).

Durant la guerre 14-18, elle travaille comme infirmière dans un hôpital militaire et devient l`assistante et le disciple la plus proche d`Husserl, à Fribourg-en-Brisgau. En janvier 1915, elle réussit avec distinction son examen d’État. En 1917, elle obtient sa thèse  » summa cum laudae  » dont le titre est: « Sur le problème de l’empathie ». À l’automne 1918, elle cesse d’être l’assistante d`Edmund Husserl.

En 1922, elle se convertit au catholicisme, à la lecture de la  Vie de la carmélite et mystique espagnole Thérèse d`Avila (1515-1582). Elle est baptisée, le 1er janvier, dans la cathédrale de Cologne. En 1925, le philosophe, théologien et jésuite allemand Erich Przywara (1889-1972) l`initie au monde du cardinal et théologien anglais John-Henry Newman (1801-1890). Stein traduit en allemand l`ouvrage L`idée d`université, conférences données par Newman entre 1852 et 1858. En 1929, elle publie La Phénoménologie de Husserl et la philosophie de saint Thomas d`Aquin. En 1930, elle rend visite à Husserl pour la première fois depuis sa conversion. Jusqu`en 1932, elle enseigne l`allemand à Spire (Allemagne), chez les Dominicaines, se passionne pour la philosophie de Thomas d`Aquin, poursuit ses recherches philosophiques et donne des conférences. En 1932, on lui donne une chaire dans une institution catholique, l’Institut de Pédagogie scientifique de Münster, où elle peut développer son anthropologie. En 1933, Adolf Hitler (1889-1945) arrive au pouvoir et prend les premières mesures antijuives. Dès lors, Édith Stein est interdite d`enseignement, étant non-aryenne. Le 14 octobre 1933, elle entre au monastère des Carmélites, à Cologne. Le 14 avril 1934, a lieu la cérémonie de sa prise d’habit. À partir de ce moment Édith Stein portera le nom de soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Le 21 avril 1935, elle fait des voeux temporaires. Le 14 septembre 1936, elle renouvelle les vœux prononcés l`année précédente. Le 21 avril 1938, a lieu sa profession perpétuelle comme carmélite déchaussée. À la demande de ses supérieures, elle reprend ses travaux philosophiques, qui vont se condenser dans l`ouvrage L`être infini et l`être éternel.

 

[3]

 

Dans la nuit du 1er janvier 1938, elle traverse la frontière des Pays-Bas et est emmenée dans le monastère des Carmélites de Echt, pour échapper aux persécutions raciales des nazis. Le 2 août 1942, elle est arrêtée par la Gestapo comme catholique d`origine juive et déporté au camp d`extermination nazi d`Auschwitz, en Pologne. Le 9 août 1942, elle meurt, avec sa sœur Rose, dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau II, à la fois victime de la Shoah et témoin du Christ.

En 1950, on publie son ouvrage posthume L`être infini et l`être éternel : Essai d`une atteinte du sens de l`être, rédigé dans les années 1935-1936 (Éd. Nauwelaerts, 1972) dans lequel elle cherche à comprendre le rapport de la connaissance avec la foi. La même année, on publie son ouvrage posthume La Science de la Croix (Éd. Nauwelaerts, 1957; Cerf/Éditions du Carmel/Ad Solem, 2014). Il s`agit d`une synthèse de l`expérience mystique du carme et mystique espagnol saint Jean de la Croix (1542-1591). En 1987, on publie son ouvrage posthume Phénoménologie et philosophie chrétienne (Cerf). On lui doit une traduction allemande du De Veritate du théologien et philosophe italien Thomas d`Aquin (1225-1274).

 

 

[4]

 

Jean Duns Scot (1266-1308), théologien et philosophe écossais, surnommé le « Docteur subtil » en raison de son habileté à manier la dialectique. Il est un des grands représentants de la philosophie scolastique au Moyen Âge. Franciscain, partisan de l`augustinisme, il critique Aristote et saint Thomas d`Aquin. Béatifié le 20 mars 1993, en la basilique Saint-Pierre de Rome, par le pape Jean-Paul II pour sa contribution décisive à la théologie de l`Immaculée Conception de la Vierge Marie, (qu`il soutient contre les Dominicains), en enseignant qu’en tant que Mère de Dieu, Marie ne peut selon lui être entachée comme les autres par le péché originel. Sa doctrine est proclamée dogme en 1854 par le pape Pie IX. De plus, il figure au sanctoral liturgique de la Famille franciscaine.

Il naît dans le village de Duns, au sud-est d`Édimbourg (Écosse) vers 1266 dans une famille de petite noblesse écossaise. En 1278, il entre très jeune dans l`ordre des Franciscains de Dumfries. En 1281, il prend l`habit franciscain.

Il fait ses études en Écosse, puis dans les deux grands centres universitaires d`Oxford et de Paris. Vers 1290, il étudie au Merton College à Oxford où il subit le prestige dont jouissent les sciences mathématiques et expérimentales, ainsi que l`influence de l`esprit antithomiste. Là, il devient maître ès arts. En Angleterre, il subit l`influence du théologien anglais John Peckham (v. 1220-1292), évêque de Cantorbéry et adversaire du thomisme. Le 19 mars 1291, il est ordonné prêtre dans l’ordre des frères mineurs au prieuré de Saint Andrew à Northampton. Entre 1291 et 1293, il étudie au  Studium  écossais de Northampton. Entre 1293 et 1297, il se rend à Paris pour une première fois où il est licencié en théologie. À ce moment-là, il a pour maître Guillaume de la Ware (1255-1305) qui exerce sur lui une réelle influence. Vers 1295, il formule un commentaire d`Aristote intitulé Quaestiones subtilissimae in Metaphysicam. Entre 1297 et 1300, à Cambridge, il lit (comme le fait tout bachelier depuis le XIIe siècle dans toutes les écoles de l`Occident chrétien)  le traité de théologie, le Livre des Sentences (1152) du théologien scolastique et évêque français d`origine italienne Pierre Lombard (v. 1100-1160). En 1300, il est de retour à Oxford, il commence son œuvre théologique, le Commentaire sur les Sentences, ou Opus oxoniense) qui demeure inachevé.

En 1301, il revient à Paris. En 1302-1303, son deuxième commentaire, rédigé à Paris, s`intitule Reportata parisiensia. En 1303, il est banni par le roi de France Philippe IV le Bel (1285-1314) pour avoir soutenu le pape Boniface VIII (v. 1235-1303). Ce dernier porte à l`extrême la doctrine de la souveraineté spirituelle et temporelle du pape et se heurte par là, à la politique très « séculière » de Philippe IV le Bel. En 1304, le philosophe et théologien franciscain Gonzalve d’Espagne (v.1255-1313), devenu ministre général de l’Ordre, qui se souvient de son brillant élève, le fait revenir à Paris. En 1305,  il accède au grade de magister regens (docteur), du Studium général franciscain à Paris, où il enseigne jusqu`en 1307. À la fin 1307, son ordre l`envoie à Cologne comme lecteur principal au  Studium franciscain.

Le 8 novembre 1308,  il meurt à Cologne où il est enterré dans l`église franciscaine. Il laisse derrière lui une masse de commentaires, de notes de cours, etc., qui sont réunis en 12 volumes.

Après son décès, il est vénéré dans l’Ordre franciscain, et en 1701, le diocèse de Nole, en Italie, obtient l’autorisation de célébrer annuellement son culte. En 1952, Étienne Gilson publie Jean Duns Scot : Introduction à ses positions fondamentales (Vrin). En 1966, les participants du Congrès international d`études scotistes inaugurent une statue et une plaque commémorative en sa mémoire, à Duns.

 

[5]

 

Antonio Rosmini-Serbati (1797-1855), prêtre, philosophe et patriote italien.  Béatifié le 18 novembre 2007 au Palazzetto dello Sport, Novara (Italie), par Benoît XVI.

Il naît le 24 mars 1797 à Rovereto (Tyrol), dans une Italie encore morcelée et sous domination autrichienne.  De 1817 à 1819, il fait ses études universitaires en philosophie, à Padoue. En 1821, il est ordonné prêtre. En 1828, il fonde l’Institut de la Charité, ou Rosminiens, à Domodossola, une organisation religieuse catholique pour les travaux éducatifs et de bienfaisance. Sur la base de la règle jésuite, l’ordre exige un dévouement absolu à l’église et une obéissance stricte aux supérieurs. Il est approuvé par le pape Grégoire XVI en 1839. Il fonde également l’ordre des religieux de la Providence et le Collegio degli educatori elementari, spécialement destiné à propager l’instruction dans les classes populaires. En 1830, il publie son ouvrage principal Nuovo saggio sull’origine delle idee (Nouvel Essai sur l’origine des idées, 3 vol.), où il entend restaurer la connaissance, ruinée par l’empirisme du XVIIIe siècle et par Emmanuel Kant. En 1831, il publie Principi della scienza morale (Les principes de la science morale). En 1836, il publie La restauration de la philosophie en Italie. En 1837, il publie Philosophie de la politique. En 1838, il publie Anthropologia morale. En 1840, il se retire à Stresa. En 1845, il publie Théodicée. En juin 1849, deux de ses ouvrages sont mis à l’Index : Les Cinq Plaies de l’Église et Constitution selon la justice sociale. Il accueille le mouvement nationaliste italien, mais il critique ses tendances anticléricales et anticatholiques. En 1848, il entre en étroite association avec le pape Pie IX (1792-1878), et après l’éclatement de la révolution romaine, il accompagne le pape en exil, à Gaète, en novembre 1848. En 1849,  deux de ses œuvres qui proposent des réformes ecclésiastiques sont placées sur l’Index des livres interdits. Puis, soumis à l`autorité papale, il se retire à Stresa (Italie), où il vit dans la retraite, partageant son temps entre les études philosophiques et la direction de son Institut. En 1853, il publie Logique. En 1854, après de nouvelles attaques et de l’examen papal, toutes les œuvres de Rosmini sont déclarées acceptables. Il meurt le 1er juillet 1855, à Stresa.

En 1863, on publie à titre posthume Teosofia (traduit en 1888). En 1973, paraît  Introduction à l’ontologie personnaliste d’Antonio Rosmini (Beauchesne, 1973), de François Evain, traducteur et co-fondateur de la Société internationale de philosophie rosminienne. En 1991, paraît Antonio Rosmini (1797-1855) : un grand spirituel à la lumière de sa correspondance (Cerf) par Lucienne  Portier (1894-1996), italianisante et historienne du christianisme. Cette dernière a été professeur à la Sorbonne.

 

De 1975 à 2005, l`œuvre de Rosmini, formée de quatre-vingts volumes, est éditée chez Città Nuova (Rome). Voici quelques titres : Letteratura ed arti belle, Intra, 1870-3), Predicazioni (Milan, 1843), Teodicea (Milan, 1845), Scritti vari di ascetica ed apologetica (Milan, 1840), Nuovo Saggio sull’ origine delle idee (première éd., Rome, 1830), Rinnovamento della flosofia in Italia (Milan, 1836), Filosofia della politica (Milan, 1837), Filosnia, della morale (Milan,1838-41), La Societa ed il suo fine (Milan, 1839), Filosofia del diritto (Milan, 1841-3), Introduzione alla filosofia (Casale, 1850), Logica (Turin, 1853), Teosofia (Turin, 1859-64). Mentionnons que de ses nombreuses œuvres, dont une édition collectée en 17 volumes a été émise à Milan (1842-1844), complétée par un poste Opere dans 5 vols (Turin, 1859-1874). La correspondance de Rosmini est phénoménale et compte 8 919 lettres.

 

 

Blaise Pascal : repères biographiques

 

 

(Cette partie ne tient pas compte des travaux et publications scientifiques de Blaise Pascal. Elle met plutôt l`accent sur son œuvre littéraire et sa vie religieuse).

 

Il naît à Clermont-Ferrand, en Auvergne, le 19 juin 1623, dans une famille de magistrats. Il est le fils d`Étienne Pascal, président à la Cour des Aides de Clermont. Ce dernier, passionné de mathématiques, est en relations avec le savant français le Père Marin Mersenne (1588-1648), ami et correspondant du philosophe français René Descartes (1596-1650). Il a deux sœurs : Gilberte (Mme Périer), de trois ans son ainée, et Jacqueline, de deux ans sa cadette. En 1626, sa mère, Antoinette Begon, décède. En 1631, la famille Pascal s`installe à Paris, où son père est nommé par le cardinal de Richelieu (1585-1642), membre de l`Académie française (1634) qu`il vient de créer.

En 1640, la famille Pascal s`installe à Rouen, où son père vient d`être nommé intendant pour l`impôt et la levée des tailles. En janvier 1646, son père  se brise la jambe lors d`une chute. Ce  dernier entre alors en contact avec deux célèbres chirurgiens, deux gentilshommes gagnés au jansénisme, les frères Deschamps, qui passent trois mois dans sa maison. Or, cette rencontre marque toute l`existence de Blaise Pascal. Les frères Deschamps le convertissent au jansénisme mais aussi à une doctrine de spiritualité exigeante et austère, tout imprégnée de la pensée de saint Augustin (354-430). Dès 1646, alors qu`il demeure à Rouen, comme son père et ses sœurs, il est en relation avec le milieu janséniste de Port-Royal. S`en suit une conversion sous l`effet de la lecture de l`abbé de Saint-Cyran (1581-1643), ami du théologien hollandais Jansénius (1585-1638) et directeur spirituel du monastère de Port-Royal (1636). En septembre 1647, de retour à Paris, il reçoit à deux reprises la visite du philosophe et savant français René Descartes.

En septembre 1651, son père décède. À partir de là, il  se tourne vers une vie très mondaine et fréquente le salon aristocratique de Madame  d`Aiguillon (1604-1675), nièce du cardinal Richelieu et celui de Madame de Sablé (1599-1678), femme de lettres française ainsi que les libertins. D`ailleurs, il en vient à critiquer ces derniers (« les demi-habiles ») parce qu’ils veulent révéler des vérités dangereuses et ne savent pas s’élever à des vérités d’un rang supérieur. De 1651 à 1654, il fréquente la société des « honnêtes gens », entre autres, l`écrivain et moraliste français Antoine Gombaud, chevalier de Méré (1607-1684) qu`il rencontre dans le cercle des Roannez ainsi que l`écrivain français Damien Mitton (1618-1690) dont Pascal fait le modèle du « libertin » dans ses Pensées. À cette époque, il pense même à acheter une charge et à se marier.

Le 4 janvier 1652, sa sœur cadette Jacqueline (1625-1661) entre en religion à l`abbaye de femmes de Port-Royal  et prend le nom de sœur Sainte-Euphémie. Dès lors, elle exerce une grande influence sur son frère si bien que Pascal décide de quitter complètement le monde.

En 1654, un accident de voiture au pont de Neuilly met ses jours en danger. Cet événement le frappe tellement (il se croit marquer par la Providence) qu`il renonce pour jamais aux études profanes et se livre tout entier aux exercices de la pénitence la plus rigoureuse. C`est cette expérience mystique qu`il consigne dans le « Mémorial », feuille manuscrite d`une trentaine de lignes découverte cousue dans la doublure de son pourpoint après sa mort : « Feu. Dieu d`Abraham, Dieu d`Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix… Joie. Joie. Joie, pleurs de joie. ». Dans la nuit du 23 novembre 1654, il connaît une extase mystique (dont le texte du Mémorial garde le souvenir), à la suite de laquelle il décide de consacrer sa vie à la foi et à la piété. Dès lors, il « se convertit » lui-même et prend alors le parti des jansénistes. Décidé à rompre avec le monde, il effectue de fréquentes retraites à Port-Royal et s`abandonne à une vie de prière et de dévotion.

En janvier 1655, il est en retraite à Port-Royal-des-Champs, sous la direction spirituelle du théologien  bibliste et humaniste français Louis-Isaac Le Maistre, sieur de Sacy (1613-1684). C`est à ce moment qu`il rédige  l`Entretien de M. Pascal et de M. de Sacy sur la lecture d`Épictète et de Montaigne. Cet écrit est publié en 1728 par le secrétaire de M. de Sacy, Nicolas Fontaine, écrivain et théologien français (1625-1709). En 1655, retiré chez les Solitaires de Port-Royal-des-Champs, il publie, sous le pseudonyme de Louis de Montalte, ses fameuses Lettres provinciales contre les Jésuites, qui les premiers dénoncent les doctrines jansénistes d`Antoine Arnauld (1612-1694), auteur, avec l`écrivain et moraliste français Pierre Nicole (1625-1695) de la Logique de Port-Royal (1661). En 1655 aussi, il rédige aussi la Comparaison des chrétiens des premiers temps avec ceux d`aujourd`hui (posthume, 1779) ainsi que l`Abrégé de la vie de Jésus-Christ (posthume, 1846; DDB, coll. « Les Carnets », 1992).

Vers 1655-1656, il rédige les quinze Écrits sur la grâce. Celui-ci cherche à y défendre la vision janséniste de la grâce auprès du grand public, en appliquant ses méthodes d’argumentation. Restée inachevée, l’œuvre est publiée après sa mort, en 1779.

En mars 1656, au moment où s`aggravent les persécutions contre Port-Royal, il accepte à la demande d`Antoine Arnauld de mettre sa plume au service de la cause janséniste contre la Sorbonne. C`est ainsi qu`entre janvier 1656 et mars 1657, il publie, sous le pseudonyme de Louis de Montalte, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis et aux RR. PP. Jésuites sur le sujet de la morale et de la politique de ces Pères. Dans ses dix-huit lettres parues clandestinement sans autorisation de janvier 1656 à mars 1657, il y débat de la liberté et de la grâce en prenant la défense d`Antoine Arnauld contre les Jésuites molinistes, les adversaires des jansénistes. Il reproche aux Jésuites leur doctrine du probabilisme, leur casuistique, la morale relâchée de certains de leurs théologiens, leur politique. Toutefois, le succès de scandale qui accueille ces lettres le force à se cacher pendant leur publication.

En 1657, Les Provinciales sont mises à l’index par la papauté.

En 1658, il collabore, avec Pierre Nicole et Antoine Arnauld,  à la rédaction des Écrits des curés de Paris. Il s`agit d`un ensemble de neuf libelles, publiés entre janvier 1658 et juin 1659, dans le but de faire condamner l’Apologie pour les casuistes (1657), et plus généralement de faire la critique de la Compagnie de Jésus. En 1658 également, il présente à Port-Royal son projet d`une Apologie de la religion chrétienne, à l`adresse des incrédules, mais il meurt sans l`avoir terminée. Des fragments de cet ouvrage sont groupés et publiés après sa mort sous le titre de Pensées (1670). Dans ces « notes », il nie toute certitude logique absolue; il s`interroge sur la nature de l`homme, sa destinée. Il en vient alors à conclure que la religion seule peut lui venir en aide. En 1658, la maladie lui interdisant tout travail intellectuel prolongé, il abandonne son activité scientifique, pour se consacrer au mysticisme et à la charité.

En 1661, suite à un désaccord  avec Antoine Arnauld et Pierre Nicole, maîtres à penser du jansénisme, qu`il accuse de tiédeur face aux persécutions religieuses déclenchées par Louis XIV (1638-1715), il rentre chez-lui, à Paris, distribuant ses biens aux pauvres, vivant lui-même dans un dénuement monastique. La même année, c`est la fermeture de Port-Royal-des-Champs. Le 4 octobre 1661, sa sœur Jacqueline décède.

En 1662, sa sœur Gilberte Périer rédige La Vie de Monsieur Pascal. Ledit texte figure en préface à la septième édition des Pensées, en 1686. Le 29 juin 1662, la maladie de Pascal s`aggrave; il se fait alors transporté chez sa sœur Mme Périer. Le 5 août, il rédige son testament. Le 17 août, il reçoit l`Extrême-onction. Le 19 août 1662, il meurt à Paris des suites d`une grave affection nerveuse à l`âge de trente-neuf ans. Le 21 août, il est inhumé en l`église de Saint-Étienne-du-Mont, à proximité de la Chapelle de la Vierge, à Paris.

En 1670, on publie l`Édition dite de Port-Royal des Pensées.  Celles-ci sont une démonstration de la nécessité de croire en Dieu. Il y fait une description pessimiste de la vie humaine, incapable d`atteindre la vérité ni le bonheur par suite de la faiblesse de la raison, de la force de l`imagination « maîtresse d`erreur », et malgré tout dotée d`une certaine grandeur par la supériorité de la pensée. Il y résout l`opposition entre la grandeur et la misère de l`homme par le christianisme, par la foi en un Dieu « sensible au cœur, non à la raison ». C`est d`ailleurs dans ce même ouvrage qu`il expose son « pari », expliquant qu’il n’y a rien à perdre et tout à gagner à croire en Dieu.

À la fin du XIXe siècle, le philosophe français Léon Brunschvicg (1869-1944) classe et numérote dans une présentation (Pascal, pensées et opuscules, Paris, Hachette, 1897) qui fait désormais autorité, les notes prises par Pascal pour son Apologie de la religion chrétienne qu`il n`a pas eu le temps d`écrire.

 

 

Choix de citations

 

[6]

 

Page de titre des Provinciales

 

 

« En vérité, mes Pères, il y a bien de la différence entre rire de la religion et rire de ceux qui la profanent par leurs opinions extravagantes. Ce serait une impiété de manquer de respect pour les vérités que l`esprit de Dieu a révélées : mais ce serait une autre impiété de manquer de mépris pour les faussetés que l`esprit de l`homme leur oppose ».

 

Les Provinciales, XIe lettre.

 

 

« Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu`à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l`irriter encore plus. Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre; quand on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n`ont que la vanité et le mensonge; mais la violence et la vérité ne peuvent rien l`une sur l`autre ».

 

Les Provinciales, XIIe lettre.

 

 

« Qu`on ne s`étonne donc pas de voir les Jésuites calomniateurs : ils le sont en sûreté de conscience, et rien ne les en peut empêcher; puisque par le crédit qu`ils ont dans le monde, ils peuvent calomnier sans craindre la justice des hommes ».

 

Les Provinciales, XVe lettre.

[7]

Frontispice de la première édition des « Pensées », publiée à titre posthume

par les amis de Pascal

 

 

« La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l`orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu parce que nous y trouvons, et Dieu, et notre misère ».

 

Pensées, 192 (Seuil, 1962, p. 101)

 

 

« Car enfin qu`est-ce que l`homme dans la nature ? Un néant à l`égard de l`infini, un tout à l`égard du néant, un milieu entre rien et tout, infiniment éloigné de comprendre les extrêmes; la fin des choses et leurs principes sont pout lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, que pourra-t-il donc concevoir ? Également – incapable de voir le néant d`où il est tiré et l`infini où il est englouti ».

 

Pensées, 199 (Seuil, 1962, p. 104)

 

 

« C`est le cœur qui sent Dieu, et non la raison : voilà ce que c`est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison ».

 

Pensées, 424 (Seuil, 1962, p. 180)

 

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L`image à la une de cet article représente un portrait au crayon rouge de Blaise Pascal adolescent (16 ans). Il est dessiné par son ami Jean Domat (1625-1696), célèbre jurisconsulte clermontois et fervent janséniste. D`ailleurs, c`est à ce dernier que Pascal confie ses papiers personnels en mourant. En cela, Domat s’élève avec vigueur contre les insinuations des Jésuites relatives à une rétractation de Pascal à l’article de la mort. En 1649, à l’arrivée de Pascal dans la ville de Clermont, il fréquente celui-ci et est à ses côtés dans toutes les luttes jansénistes. Ce même dessin (reproduit à nouveau ci-après) est collé à l’intérieur de la couverture d’une édition du « Digeste » et authentifié par une inscription de Domat fils; il est conservé dans la Réserve des livres rares, à la Bibliothèque nationale de France. D`ailleurs, il est le seul portrait vraiment authentique que nous ayons de Pascal, sanguine crayonnée par Domat sur la page de garde d`un traité de droit. Les autres portraits de Pascal ont été réalisés d`après son masque mortuaire.

 

 

[8]

 

 

Portrait de Blaise Pascal, sanguine de Jean Domat