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Patrice Létourneau est enseignant en philosophie au Cégep de Trois-Rivières depuis 2005. Outre son enseignement, il a aussi été en charge de la coordination du Département de Philosophie pendant 8 ans, de juin 2009 à juin 2017. Il est par ailleurs l'auteur d'un essai sur la création, le sens et l'interprétation (Éditions Nota bene, 2005) ainsi que d'autres publications avec des éditeurs reconnus. Il collabore à PhiloTR depuis 2005.

Exemple de dissertation entière pour les étudiants

Philosophie et rationalité (101)

 

Libellé de la question : Traitez de la question philosophique suivante : « En ce qui concerne les jugements de valeur, est-il raisonnable de croire qu’une vérité est possible au-delà des opinions personnelles ? »

(Les étapes sont en gras)

_______________________________________

 

Titre : L’être humain : la norme pour définir les valeurs ?

Section #1 : Introduction

Sujet amené, incluant une référence à un ou des philosophes à l’étude :

Au 5e siècle avant Jésus-Christ, alors qu’Athènes était autonome politiquement et faisait l’expérience d’une démocratie directe, tant Socrate que Protagoras et les sophistes s’interrogeaient sur la valeur à accorder aux différentes opinions. Alors que Socrate s’efforçait de trouver des conceptions véridiques et universelles concernant des vertus/valeurs comme la justice et la sagesse, Protagoras et les sophistes soutenaient au contraire que la « vérité » est relative (relative à notre sensibilité, notre culture, notre époque, etc.).  Plus précisément, Protagoras et les sophistes prétendaient que la vérité n’existe pas au niveau des jugements de valeur et d’interprétation, estimant que toutes les opinions se valent puisqu’elles reflètent toutes à leur manière quelque chose de vécu au travers d’expériences particulières.  Environ 2500 ans plus tard, le débat est toujours présent, mais de manière parfois beaucoup plus sanglante.  En effet, les attentats terroristes revendiqués au nom de causes quelles qu’elles soient, indiquent que nous ne nous entendons pas tous sur ce qui est juste et bien. Mais au fond, ce débat n’est pas présent seulement que dans des cas où il ressort de manière aussi sanglante.  Lorsqu’on débat à savoir si on doit interdire ou non tel ou tel conférencier dans une université, c’est aussi que l’on ne s’entend pas sur ce qui est acceptable ou non.  Et ça ne se limite pas qu’aux débats publics.  Par exemple, c’est aussi le cas lorsque des couples ne s’entendent pas sur ce qui constitue une bonne éducation pour leur enfant.  Ou encore, lorsqu’un homme ouvrant la porte à une femme est jugé par certains comme galant, tout en étant jugé par d’autres comme paternaliste.  Et puis, après tout, combien de fois est-ce qu’on entend des phrases telles que : « à chacun sa vérité ».  Pourtant, si chacun a « sa » propre vérité, c’est qu’il n’y a plus de vérité : tout ne serait en fait qu’une affaire d’opinions et de convictions personnelles.  Cette situation m’amène donc à me poser la question suivante :

Sujet posé (la question philosophique – avec, en souligné, les concepts-clés)

Au niveau des jugements de valeur, est-il raisonnable de croire qu’une vérité est possible au-delà des opinions personnelles ?

 

Section #2 : conceptualisation des termes du sujet posé

Formulation de la définition réelle du premier concept-clé de la question philosophique :

Vérité : c’est une idée (ou affirmation, ou pensée, ou discours) qui est conforme à son objet, qui est conforme à ce sur quoi elle porte (ou encore qui a une valeur universelle).

Exemple venant illustrer clairement le premier concept-clé :

Par exemple, si j’affirme que tout être humain devra faire face à sa propre mort un jour ou l’autre, cette affirmation est conforme au réel, est conforme à la condition humaine, puisqu’aucun être humain n’a vécu éternellement dans ce monde.

Formulation de la définition réelle du deuxième concept-clé de la question philosophique :

Opinion : c’est une idée (ou affirmation, ou pensée, ou discours) qui est personnelle, ou encore qui est propre à un groupe.

Exemple venant illustrer clairement le deuxième concept-clé :

Par exemple, je trouve qu’une petite dose d’ironie peut être agréable. C’est ma manière de concevoir cette forme d’humour de situation, mais c’est une idée personnelle puisque d’autres pourraient très bien trouver que l’ironie peut engendrer des confusions lorsqu’elle n’est pas comprise, ou encore trouver que de toute manière, l’humour, ça ne fait pas très sérieux.  Ou encore, pour illustrer l’opinion propre à des groupes, on peut par exemple songer à l’emphase que certains mettent sur l’autonomie de l’être humain, alors que d’autres considèrent que les individus demeurent toujours dépendants de circonstances favorables ou non.

Reformulation de la question philosophique à la lumière des définitions réelles [il s’agit ici de remplacer les concepts-clés par les définitions réelles, en s’assurant de maintenir le sens de la question] :

Voici la question philosophique reformulée avec les définitions : En ce qui concerne les jugements de valeur, est-il raisonnable de croire qu’une idée qui est conforme à ce sur quoi elle porte est possible au-delà des idées personnelles ou propres à un groupe ?

Section #3 : problématisation

 

Démonstration du caractère philosophique de la question :

a) Faire la démonstration du caractère fondamental de la question (en identifiant clairement au moins une conséquence significative) :

Les jugements de valeur et d’interprétation sont parmi les plus fréquents et leurs enjeux sont déterminants.  Par exemple, qui voudrait être en couple avec une personne qui n’a pas la même conception de la fidélité qu’elle ?  Qui voudrait faire des affaires avec une personne qui n’a pas la même opinion de l’honnêteté qu’elle ?  Qu’il y ait ou non une vérité au niveau des valeurs et des interprétations ne change pas que ces jugements demeureront incontournables.  Cependant, si on considère qu’il n’y a pas de vérité au niveau des jugements de valeurs et d’interprétations, alors une conséquence fondamentale est qu’il est alors par principe impossible de déterminer lequel des jugements est le plus juste ou exacte (ce qui présuppose la vérité).  Ainsi, si on adopte cette position où l’on dit qu’il n’y a pas de vérité pour trancher et que des opinions divergentes sur un même sujet peuvent être aussi valables l’une que l’autre, ça implique qu’ultimement les diverses positions ne renvoient à rien d’autre qu’à des jeux de pouvoir pour s’imposer, qu’à des rapports de force pour faire passer notre avis (et ce, des relations individuelles – amis, couple, famille, etc. – jusqu’aux relations entre communautés ou États).  D’une certaine manière, c’est une conséquence de la position des sophistes que tire J.K. Rowling dans Harry Potter, lorsqu’elle met dans la bouche d’un personnage manipulé par le ténébreux Voldemort que : « Voldemort m’a montré… qu’il n’y a pas de bien ni de mal, il n’y a que le pouvoir » (Harry Potter à l’école des sorciers, p. 219).  Une autre conséquence qui en découle, c’est que les conflits et les guerres sont inévitables – et les « terrains d’entente » se réduisent qu’à la lutte pour obtenir le plus possible en perdant le moins, en mettant dès le départ hors-jeu la recherche de ce qui apparait raisonnablement valide, vrai.  Tout ceci a aussi des impacts dans nos rapports avec les autres : si vraiment on considère qu’il n’y a pas de vérité (ni donc de fausseté) dans les jugements de valeur des uns et des autres, dans nos opinions, alors nos relations envers les opinions des autres se réduisent à n’avoir aucune autre valeur que le ressenti passant selon les cas de soit « j’aime », soit « j’aime pas », soit « je m’en fous et ça me laisse indifférent ». Ainsi, la cohabitation des opinions contraires n’est alors plus une tolérance, mais une indifférence – jusqu’au jour où une étincelle brise l’indifférence et allume la boite de dynamite sur laquelle on s’est assis, ce qui mène alors à des conflits – ou à bouder.  À l’inverse, si une vérité est possible, ça ne veut pas nécessairement dire que l’on va s’entendre sur la vérité ou partager les mêmes idées, mais au moins il y a alors une base sur laquelle discuter qui soit autre chose que notre seul ressenti en « j’aime » ou « j’aime pas » – ou « je m’en fous ».  Et puis, si l’on considère qu’une vérité est possible pour les valeurs, il y a un espoir que la vérité puisse transformer, qu’elle puisse renouveler la manière de voir les choses.  D’ailleurs, comment reconnaitre nos fautes, si à la base on ne croit pas que l’on a pu s’écarter de la vérité, qu’on a pu mal faire ou être dans l’erreur (moralement ou dans nos jugements de valeur) ?

b) Faire la démonstration du caractère controversé de la question :

Cette question est très certainement controversée, et en y songeant, on peut se demander qui peut établir ce qui est vrai, qui peut légitimement décider qu’une opinion ou une interprétation est meilleure qu’une autre.  D’ailleurs, est-ce possible de le faire ?  Certains, comme Protagoras et les sophistes, croient que des opinions divergentes peuvent être aussi valables l’une que l’autre, car nos opinions proviennent de nos impressions et de nos expériences, qui elles ont bien une « existence » et qu’en cela elles ne peuvent être fausses. Cependant, le problème est qu’il peut y avoir autant d’impressions concernant une même chose que de personnes pour en juger, ce qui pourra nous conduire à des contradictions.  Aussi, certaines autres personnes, comme Socrate, affirment que des opinions différentes ne peuvent être toutes deux porteuses de vérité, car la vérité en tant que telle ne doit comporter aucune contradiction. Or, des opinions contraires sont justement basées sur un ensemble de contradictions.  Il faudrait donc, selon eux, admettre qu’il existe une vérité au-delà des opinions, afin de ne pas sombrer dans l’incohérence.

 

Section #4 : la prise de position et l’argumentation

Votre thèse (votre prise de position sur la question philosophique ; il n’y a pas de point, c’est personnel)

En ce qui concerne les jugements de valeur, je pense qu’il est raisonnable de croire qu’une vérité est possible au-delà des opinions personnelles.

 

Articulation d’un 1er argument

Formulation du premier argument (« je crois que p parce que q ») :

Je pense qu’il est raisonnable de croire qu’une vérité est possible au-delà des opinions personnelles, parce que dans le cas contraire on serait conduit à admettre que des contradictions sont valables.

Explication du lien entre l’argument et votre thèse :

Si on n’admet pas qu’une vérité est possible, ça signifie qu’il n’y a pas de repère pouvant servir à évaluer le degré d’exactitude d’un jugement de valeur ou d’un jugement d’interprétation.  Non seulement vérité et fausseté sont deux notions qui se présupposent, mais en plus, sans ces notions il n’est même plus possible de dire qu’une interprétation est meilleure qu’une autre.  Car en quoi une interprétation pourrait être meilleure qu’une autre si ce n’est pas justement parce qu’elle apparait comme plus conforme à ce qui en est véritablement ?  Il faut croire qu’une vérité est possible pour pouvoir croire que certaines interprétations sont meilleures, et que d’autres sont moins valables.  Étant donné que les opinions varient, il peut arriver que deux personnes aient une opinion totalement contraire sur un même sujet.  Or, si l’on exclut la possibilité de la vérité, on est obligé de dire qu’il n’y a pas une opinion meilleure que l’autre et que, par conséquent, deux opinions contradictoires sont tout aussi valables.  On se souvient d’ailleurs que c’est, en quelque sorte, la raison pour laquelle même si Socrate ne prétendait pas détenir la vérité (il disait que la seule chose qu’il savait, c’était de savoir qu’il n’avait pas de certitude), il croyait tout de même que la vérité existait et que par conséquent elle se devait d’être universelle (c’est-à-dire, qu’elle ne pouvait pas changer d’une personne à l’autre, ou d’une époque à l’autre, sinon on retournerait aux contradictions et ce ne serait plus une vérité).  En somme, si l’on ne croit pas qu’une vérité est envisageable, du moins en principe, on exclut aussi la notion de fausseté et, qu’on le veuille ou non, on est alors obligé de présupposer que des contradictions sont valables dans les jugements d’interprétation/valeur, ce qui devient absurde.

Exemple venant illustrer votre argument, développé en prenant le soin de faire ressortir les liens entre votre illustration et l’argument :

Par exemple, avant la guerre de Sécession aux États-Unis, dans les États du Sud plusieurs croyaient que l’esclavage était moralement acceptable (sous prétexte que ceux-ci étaient logés et nourris, notamment).  Aujourd’hui, il est clair que l’esclavage nous semble moralement inacceptable, car il nous semble que ça ne respecte pas la liberté des individus ni la dignité humaine (même si en même temps, on accepte que dans notre société des individus vivent dans des conditions extrêmement précaires…).  Si l’on ne croit pas qu’une vérité est possible au-delà des opinions, alors on est forcé d’admettre que le même esclavage est à la fois moralement acceptable et inacceptable, ce qui devient contradictoire.

Section : être en mesure de concevoir une objection pertinente que l’on pourrait adresser à votre prise de position et être en mesure d’y répondre par un autre argument

 

Articulation d’un argument que l’on pourrait vous objecter

(c’est-à-dire, un argument en faveur de la position adverse dont vous êtes conscient – la question philosophique ayant forcément un caractère controversé)

 

Formulation du lien entre l’objection et son argument (« certains pourraient m’objecter que p parce que q ») :

Certains pourraient m’objecter qu’il n’est pas raisonnable de croire qu’une vérité est possible au-delà des opinions, parce que les jugements de valeur et d’interprétation sont toujours inévitablement formulés selon un point de vue qui est relatif à notre sensibilité ou à notre culture et notre époque.

 

Explication du lien entre l’argument et la position de l’objection :

Protagoras, l’un des plus célèbres sophistes, disait que « l’être humain est la mesure de toutes choses ».  C’est-à-dire que tout ce qui peut être jugé ou connu l’est toujours par un individu, ou par une communauté d’individus.  Cela ne pose pas nécessairement de problèmes criants pour les jugements de fait ou pour les sciences physiques, puisqu’il est alors question de décrire une réalité extérieure à nous, où notre sensibilité n’a pas à entrer en jeu.  Par contre, dans les jugements de valeur et dans les jugements d’interprétation, il ne s’agit pas seulement de décrire une situation, un comportement ou un état de fait : il s’agit de lui donner un sens, une signification, une valeur.  En faisant cela, il y a un apport humain, puisqu’il ne s’agit plus d’une réalité complètement extérieure à l’humain et qu’il s’agit en quelque sorte de la saisir précisément pour donner un sens à cette réalité – ou à cet événement ou comportement.  Pour Protagoras, cela ne peut pas être fait sans qu’entre en jeu comme points de références, un mélange de repères constitués de notre sensibilité, de nos propres expériences, de notre culture, notre éducation, les croyances et modes de vie de notre époque, notre vision du monde, etc.  En somme, Protagoras voulait rappeler que l’on n’est que des êtres humains et qu’on ne peut pas prétendre que notre point de vue humain/culturel est l’équivalent d’un point de vue absolu, neutre et intemporel, car sinon ça serait prétendre que notre avis humain est l’équivalent d’un point de vue « divin » – éternel, omniscient, juste et absolu.  Ainsi, selon Protagoras et les sophistes, toutes nos interprétations et tous nos jugements de valeur ne sont qu’un produit de l’être humain et en définitive, ces jugements que nous formulons ont une origine « humaine, trop humaine » pour prétendre à l’universalité ou à la vérité.  Bien sûr, on peut aboutir à des consensus sur certaines choses qui nous semblent plus plausibles que d’autres.  Mais après tout, un consensus n’est qu’un consensus, en aucun cas on ne peut dire que le fait d’avoir obtenu un consensus est la preuve que ce qui est affirmé par ce consensus correspond bel et bien à la réalité – ou à ce qui devrait être.

Exemple venant illustrer l’argument de l’objection, développé en prenant le soin de faire ressortir les liens entre l’illustration et l’argument de l’objection :

Par exemple, une personne qui rend constamment des services peut être jugée comme généreuse par certains, alors que d’autres peuvent trouver qu’elle se fait simplement « manger la laine sur le dos » et laisse simplement les autres profiter d’elle sans s’affirmer.  Or, il n’y a pas un point de vue humain parfaitement neutre, permettant de dire lequel de ces deux jugements de valeur est le bon, bien que l’un est positif (la générosité) et l’autre plutôt négatif (la difficulté à dire non, à mettre ses limites).

 

Articulation d’un argument avec son explication pour répondre à l’objection

Réponse à l’objection (argument et explication de celui-ci), en prenant le soin de bien montrer en quoi la réponse remet en cause la valeur de l’objection :

Je reconnais que cette objection est de taille et qu’elle mérite d’être sérieusement prise en considération.  Une des grandes forces de la position de Protagoras et des sophistes est sans doute de nous rappeler qu’après tout, même nos constructions théoriques les plus complexes et les plus raffinées conservent une origine « humaine, trop humaine ».  Ça nous force à plus de modestie, à plus d’humilité en nous rappelant que ce qui nous convainc et que nous tenons pour vrai ne correspond pas nécessairement à ce qui en est réellement ou à ce qui devrait être.  Il est bon de se le rappeler, ne serait-ce que pour éviter de confondre notre point de vue ou celui d’un groupe dominant avec la Vérité.  Cependant, il me semble que je ne peux raisonnablement pas céder tout à fait à l’objection.  La justification de Protagoras et des sophistes repose sur l’idée qu’on est tellement englué dans notre subjectivité, notre sensibilité, notre culture et notre époque qu’il devient impossible de formuler une interprétation ou un jugement de valeur pouvant être conforme au réel.  C’est là la base de l’objection, car si on admet que malgré cette condition bien humaine, il demeure possible d’entrevoir ne serait-ce qu’une affirmation vraie dans ce type de jugements, alors ça implique qu’il est possible (au moins en principe) de se déprendre suffisamment de notre subjectivité pour s’approcher de la vérité.  Or, il faut remarquer que c’est bel et bien là une « action » accomplie par Protagoras lui-même sans s’en rendre compte, lorsqu’il dit qu’il n’y a rien au-delà des opinions : en disant cela, il ne fait pas que faire du bruit avec sa bouche, il prétend dire quelque chose de valable, quelque chose qui correspond à la réalité.  Bref, en disant qu’il n’y a pas de vérité et qu’il n’y a que des opinions et des consensus… eh bien, il prétend dire quelque chose de vrai à propos de la valeur à accorder aux jugements de valeur et d’interprétation.  C’est comme si, en examinant quelle est la valeur à accorder aux jugements de valeur, il disait qu’il est vrai qu’il n’y a pas de vérité possible.  C’est contradictoire, ce n’est pas cohérent logiquement !  Par conséquent, si au moins à cette occasion on peut prétendre pouvoir se déprendre suffisamment de notre subjectivité pour faire un tel jugement, alors pourquoi est-ce qu’on n’admettrait pas que notre condition humaine n’empêche pas que la vérité puisse exister au-delà de nos opinions personnelles – même si on doute des certitudes humaines.  Du moins, cette position semble plus raisonnable et plus conséquente que l’inverse, même si l’objection mérite aussi notre attention.

Exemple venant illustrer l’argument de la réponse à l’objection :

Dans cet argument pour répondre à l’objection, il s’agissait de faire ressortir l’exigence d’une cohérence interne.  Voici un exemple pour l’illustrer : je ne peux pas dire à une personne que j’aimerais souper avec elle, tout en lui disant que je n’aimerais pas souper avec elle.  Ça serait contradictoire et absurde.  Je ne dirais pas non plus qu’il est juste qu’une décision soit injuste, ni que l’injustice est juste, car ça serait incohérent.  Il en est de même si une personne dit qu’on doit la croire que c’est un jugement de valeur vrai, valable, d’affirmer qu’il n’y a pas de vérité dans les jugements de valeur. Le simple fait de prononcer un tel jugement pose une contradiction logique, puisque la valeur de l’affirmation présuppose ce qu’elle nie.

**Section : Conclusion** 

Conclusion :

En examinant s’il était raisonnable de croire qu’une vérité est possible au-delà des opinions personnelles en ce qui concerne les jugements de valeur, il m’a semblé que oui.  Tout d’abord, parce que la vérité est présupposée en tant que possibilité de mesure pour départager la valeur et la validité de diverses interprétations pouvant être contradictoires.  Cela dit, il m’a cependant semblé que l’objection méritait aussi d’être considérée sérieusement : nous ne sommes après tout que des êtres humains et nous n’avons jamais nous-mêmes un point de vue absolu.  Il me semble qu’il faut en tenir compte, d’où l’importance de la tolérance.  Quoiqu’il m’a cependant semblé que cette objection tend à se contredire, puisqu’elle revient ultimement à considérer qu’il est vrai qu’il n’y a pas de vérité.  Bref, aujourd’hui comme lorsque Socrate en débattait avec Protagoras et les sophistes cinq siècles avant Jésus-Christ, cette question n’est pas facile à trancher.

Finalement, il me semble raisonnable de croire qu’en ce qui concerne les jugements de valeur et d’interprétation, une vérité est possible au-delà des opinions, même s’il me semble tout aussi difficile de prétendre que cette vérité soit humainement/culturellement établie ou basée sur nos ressentis.  En quelque sorte, la vérité doit être indépendante de nous, ce qui n’est pas évident pour les valeurs.  Mais après tout, j’en viens à me demander si ce n’est pas un peu pour ça qu’on peut dire que toutes les interprétations n’ont pas la même valeur, en même temps qu’on peut aussi reconnaitre que bien des questions fondamentales conserveront toujours un caractère controversé où tous les humains ne seront pas d’accord.