NDLR : la présente lettre ouverte a d’abord été publiée sur le HuffingtonPost et, rédigée/coordonnée en bonne partie par le président du CEEP (Martin Godon), elle a été cosignée par les membres du sous-comité du CEEP, par le président de la Napac, par le président de la SPQ, par la présidente de l’ACP, par le président du groupe PÉS, ainsi que par plus d’une centaine de profs de philosophie des cégeps d’un peu partout au Québec.  On trouvera la liste de toutes les personnes ayant cosigné cette lettre au bas de celle-ci.


 

La philosophie, plus pertinente que jamais !

 

En cette Journée Mondiale de la Philosophie qui coïncide avec le 50e anniversaire de l’enseignement de la philosophie dans les cégeps du Québec, nous tenions à rappeler que la philosophie est plus pertinente que jamais. Au moment de la Révolution Tranquille et du processus de sécularisation qui l’a accompagné, le Québec créait les cégeps, une des institutions les plus innovantes de son histoire. Démocratisant l’enseignement supérieur, ce niveau d’études donnait accès à une solide formation générale en offrant notamment des cours de philosophie. Au sortir de cette époque que l’on jugeait sombre et étouffante pour la libre pensée, on voyait désormais d’un bon œil l’idée d’encourager les étudiantes et les étudiants à penser par eux-mêmes, à leur donner des outils intellectuels afin qu’ils soient plus en contrôle de leur destinée. On souhaitait alors leur permettre de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivaient afin de mieux s’y engager comme citoyennes et citoyens. En outre, les cours de philosophie devaient contribuer à consolider la transmission d’une culture commune en leur présentant les systèmes d’idées qui ont le plus marqué l’Occident. En passant par les cégeps, deux générations de Québécoises et de Québécois ont pu ainsi affronter et s’approprier quelque peu ce riche héritage fait d’interrogations et de débats critiques légués par les grands penseurs, notamment Platon, Aristote, Épicure, Descartes, Hume, Kant, Marx, Darwin, Mill, Nietzsche, Freud, Arendt, De Beauvoir, Dumont, etc. De nouvelles préoccupations et de nouveaux défis se présentent et nous incitent aujourd’hui à contester cet héritage toujours à reconquérir et à transmettre.

 

Un consensus s’est ainsi progressivement établi à propos de l’apport des cours de philosophie eu égard au développement de l’esprit critique. La jeunesse du Québec est ainsi mieux préparée à faire face aux défis technologiques, scientifiques, politiques, écologiques, sociaux et économiques de notre monde. Devenant alors moins perméable aux canulars, aux « faits alternatifs », aux « fausses nouvelles » et autres manipulations médiatiques, la jeunesse est invitée à s’approprier de manière sérieuse et réfléchie cet héritage culturel en dehors duquel elle ne saurait se situer.

 

Résistant à une vision étroite selon laquelle l’être humain ne serait guère plus qu’un consommateur et un contribuable, les cours de philosophie permettent de penser l’humain dans son intégralité en tant qu’individu capable de faire face aux défis qu’il doit relever. Mieux que n’importe où, ces cours aident à élucider les conditions qui favorisent l’aliénation, sous quelque forme que ce soit, aidant la jeunesse québécoise à prendre en charge sa liberté, à en évaluer les divers ressorts, permettant ensuite un engagement responsable. Prenant le contrepied des discours haineux, ces cours ont favorisé une société plus ouverte sur le monde, plus tolérante. Ces 50 dernières années de réflexion ont grandement contribué au progrès de la cause de toutes ces personnes qui traditionnellement étaient maintenues dans un état de minorité ou d’exclusion, qu’il s’agisse des femmes, des homosexuels, des transsexuels, des autochtones, des handicapés, des immigrants, etc. Au terme de son parcours, l’étudiante et l’étudiant de cégep peuvent ainsi mieux faire face aux complexités de la société dans laquelle ils seront appelés à vivre.

 

La classe de philosophie offre un espace de réflexion qui permet aux étudiantes et aux étudiants de développer leur sensibilité éthique, de prendre la mesure du relativisme moral ambiant, des avantages et des inconvénients des réponses qui s’offrent à eux. Les étudiantes et les étudiants peuvent ainsi réfléchir posément aux thèmes du sens de l’existence, d’une vie heureuse et authentique. À l’abri du fracas et de la brutalité des médias sociaux, indépendamment de toute pression démagogique ou publicitaire, ils peuvent s’interroger sur les valeurs fondatrices de nos démocraties, sur les devoirs, les pouvoirs et le rôle du citoyen. Contribuant à la formation du futur travailleur, de la personne et du citoyen, la pertinence sociale, culturelle et citoyenne des cours de philosophie s’est maintenue et même accrue depuis 1967.

 

Parce que les idées ont une influence sur nos vies, parce que les sciences ne peuvent concrètement résoudre tous nos problèmes de façon satisfaisante, parce que les changements technologiques et sociaux s’accélèrent, parce que des intérêts particuliers qu’on croirait aveugles et inconscients semblent mettre la nature en péril, les jeunes doivent réfléchir à propos de ce que sera demain. Parce qu’ils ont soif d’une existence signifiante et bonne, enfin, au nom de la dignité humaine, les jeunes femmes et les jeunes hommes du Québec méritent une éducation de qualité et plus que jamais ont besoin de leurs cours de philosophie.

 

Signataires :

 

Martin Godon,

Président du Comité des Enseignantes et Enseignants en Philosophie (CEEP).

 

Samantha Brennan,

Présidente de l’Association Canadienne de Philosophie (ACP).

 

Pierre Després,

Président du groupe Philosophie, Éducation et Société (PÉS).

 

François Dugré,

Président de la Nouvelle Alliance pour la Philosophie Au Collégial (NAPAC).

 

Patrick Turmel,

Président de la Société de Philosophie du Québec (SPQ).

 

Cette lettre a également été signée par :

 

Les membres du sous-comité du CEEP :

Pierre-Olivier Bois, cégep de Montmorency

Isabelle Bouchard, cégep de Jonquière

Katerine Deslauriers, collège Brébeuf

Vincent Fortier, cégep Valleyfield

Patrice Létourneau, cégep de Trois-Rivières

Martin Marrier, cégep de Saint-Hyacinthe

Éric Tremblay, cégep de Chicoutimi

 

De même que :

Sylvain Fournier, président de l’AQÉCR

 

Ainsi que les professeurs de philosophie suivants :

 

Du cégep Beauce-Appalaches

Étienne Groleau

 

Du collège Brébeuf

Dave Anctil

Arnaud Theurillat-Cloutier

 

Du Cégep de Chicoutimi

Louis Munger

 

Du cégep de la Gaspésie et des Îles

Adam Bujold

Pier-Yves Champagne

Éric Labbé

Olivier Provencher

 

Du Cégep Gérald-Godin

Marie-Sophie Briquet

Réjean Bergeron

Hélène Chabot

Karine Jean St-Gelais

Yves Jalbert

François Lett

 

Du cégep de Granby

Simon Blouin

Mélissa Caron

Jean-François Dubé

Frédéric Dulac

Touba Gueye

Martin Champagne

Bella Jalbert

Rémi Robert

Anna Katia Tremblay

Joëlle Tremblay

 

Du cégep de Jonquière

François Bégin

Réal Gauthier

François Lavoie

Manon Lortie

Manuel Pelletier

Maryse Plourde

 

Du cégep Lionel-Groulx

Claudine David,

Alexandre Simard

Antoine C. Dussault,

Éric Demers

Mathieu Martel

Catherine Olivier

Sylvain Pinard

 

Du cégep Montmorency

Geneviève Barrette

Tania Basque

Mathieu Burelle

Marjolaine Deschênes

Christian Downs

Madeleine Ferland

Emmanuelle Gruber

Martin Leblanc

Jean-Philippe Martin

Benoît Mercier

Véronique Pageau

Martin Thibodeau

 

Du Campus Notre-Dame-de-Foy

Céline Bélanger

Renaud Blais

Geneviève Lacroix

Sol Zanetti

 

Du Cégep de Rimouski

Marie-Claude Chénier

Alexandre Côté

François Durette

Geneviève Godbout

Stéphane Imbeault

Emma Larsson

Alain Morneau

 

Du cégep de Rosemont

Ludovic Chevalier

 

Du cégep Saint-Félicien

Luc Bouchard

Denis Boivin

Samuel Girard Tremblay

Pierre-Luc Ménard

Jessica Rivest

 

Du Cégep de Saint-Jérôme

Marianne Di Croce

Luc Haché

Karim-Mathieu Lapierre

Mathieu Menier

Guillaume Simard Delisle

 

Du cégep Saint-Laurent

Ivan Bendwell

Sonia Déragon

Pierre-Alexandre Fradet

Catherine Guindon (du groupe PÉS)

 

Du cégep de Trois-Rivières

Joël Bégin

Philippa Dott

Natacha Giroux

Martin Hould

 

Du cégep de Victoriaville

Alexandre Alberti

Richard Lair

Silvie Lemelin

 

Du cégep du Vieux Montréal

Anne-Marie Claret

René Dansereau

Victor Drouin-Trempe

Mario Dufour

Stéphanie Kemp

Emmanuelle Marceau

Philippe Painchaud

Tony Patoine

Ginette Pelland

Marie-Josée Rhéaume

Michel Robert

 

De l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA – SH) de Saint-Hyacinthe

Josée Brunet

Thierno Guèye

Sylvie Laramée

 

Ainsi que

Catherine Audrain, Centre International PhiloJeunes

Samuel Élie Lesage, diplômé en philosophie, Université de Montréal

Cédric Lamathe, département de mathématique, cégep du Vieux Montréal

Francine Tremblay-Quesnel, retraitée de l’enseignement de la philosophie