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Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.

Sommaire

 

 

À propos de Candide de Voltaire

Extraits

Bibliographie

Voltaire : repères biographiques

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C`est du 11 septembre au 6 octobre 2018 qu`a lieu le spectacle « Candide ou l`optimisme de l`écrivain et philosophe français Voltaire, au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) à Montréal.

La création pour la scène est de Pierre Yves Lemieux, d`après le roman de Voltaire. La pièce est mise en scène par Alice Ronfard, assistée de Claude Lemelin. La distribution comprend Emmanuel Schwartz (Voltaire), Valérie Blais (Madame Denis), Patrice Coquereau, Larissa Corriveau (Cunégonde) et Benoît Drouin-Germain (Candide). La durée du spectacle est d`une heure et 45 minutes.

Mentionnons qu`une conférence donnée par Pierre Yves Lemieux aura lieu lundi, le 24 septembre 2018 de 13h30 à 15h30 dans l`édifice de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

Signalons que cette même pièce sera présentée le 6 novembre prochain à 20h00, à la Salle J.-Antonio-Thompson, à Trois-Rivières.

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À propos de Candide de Voltaire

 

En 1755, installé dans sa propriété Les Délices, en Suisse, Voltaire reprend son activité philosophique et collabore à l`Encyclopédie. Cette même année, Lisbonne (Portugal) est ravagée le 1er novembre par un tremblement de terre avec ses 30,000 morts. S`ajoute à cela la Guerre de Sept ans (1756-1763) qui oppose l`Angleterre et la Prusse à la France entre autres. Or, Voltaire ne voit pas dans ces mêmes événements de raisons d`être particulièrement optimiste.

La rédaction de Candide ou l`optimisme (30 chapitres)  s`échelonne sur dix mois, soit de janvier à octobre 1758. En janvier 1759, l`ouvrage est publié sous le pseudonyme de « Docteur Ralph » dans plusieurs villes européennes (Paris, Genève, Amsterdam) en même temps pour échapper à la censure. La même année, l`ouvrage est réédité une vingtaine de fois. En 1761, Candide est publié dans une édition augmentée (révision du chapitre 22).

Les personnages principaux sont les suivants : Candide, jeune homme naïf et vertueux, amoureux de Cunégonde; Pangloss, son précepteur, philosophe partisan de l`optimisme; Cunégonde, fille du baron de Thunder-ten-tronckh; Cacambo, valet de Candide; Martin, philosophe pessimiste. Les thèmes dominants concernent l`optimisme, le mal, la guerre et le bonheur.

Candide est un conte philosophique en prose dans lequel Voltaire dénonce les illusions de l`optimisme philosophique. En effet, au XVIIIe siècle, le conte est une arme de contestation pour les philosophes : les traditions sont remises en cause, le pouvoir est contesté, les injustices et les abus sont dénoncés. En ayant recours à ce type de récit, les philosophes diffusent leur savoir, luttent contre les préjugés et défendent leurs valeurs.  Ainsi, en utilisant l`ironie ou l`exagération, ceux-ci combattent en faveur des idées nouvelles.

Candide s`en prend à la fois aux théories rousseauistes sur la Providence, à la doctrine leibnizienne de l`harmonie préétablie ainsi qu`à la conception d`un Dieu juste et bon qui donne à chacun selon ses mérites. Dans Candide, Voltaire attaque en les caricaturant les théories du philosophe allemand Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) qui expose dans ses Essais de Théodicée (1710) un optimisme métaphysique résumé par la formule : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ».

 

Extraits

 

Sur la guerre :

 

« Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d’abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque. Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin; il était en cendres : c’était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. ».

(Candide, chapitre 3)

Sur les pratiques de l`Inquisition :

 

« Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n`avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel autodafé; il était décidé par l`université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu en grande cérémonie est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler ».

(Candide, chapitre 6)

 

Sur le bonheur :

 

« Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles : car enfin si vous n`aviez pas été chassé d`un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l`amour de Mademoiselle Cunégonde, si vous n`aviez pas été mis à l`Inquisition, si vous n`aviez pas couru l`Amérique à pied, si vous n`aviez pas donné un bon coup d`épée au baron, si vous n`aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d`Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches. – Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. » [Nous soulignons]

(Candide, chapitre 30)

 

Bibliographie

 

CASTEX, Pierre-Georges. Micromégas, Candide, l`Ingénu de Voltaire. Paris, Éd. SEDES, 1959.

CHOPTRAYANOV, Georges. Essai sur Candide. Paris, Librairie A.G. Nizet, 1969. 111 p.

COBAST, Eric. Premières leçons sur Candide, un conte voltairien. Paris, PUF, coll. « Major Bac », 1995. 128 p.

DUMESTRE, Marie-Hélène. Le Conte philosophique voltairien. 20 sujets entièrement traités à partir de Candide, l`Ingénu, Micromégas, Zadig. Paris, Hatier, coll. « Profil littérature », 1995. 160 p.

MAGNAN, André. Candide. Paris, PUF, coll. « Études littéraires », 1987. 125 p.

MOUGENOT, Michel. Candide de Voltaire. Paris, Éd. Bertrand-Lacoste, coll. « Parcours de lecture », 1991. 126 p.

SAREIL, Jean. Essai sur Candide. Genève, Librairie Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire », no. 73, 1967. 107 p.

VAN DEN HEUVEL, Jacques. Voltaire dans ses contes de Micromégas à l`Ingénu. Paris, Éd. Armand Colin. 1967. 440 p.

 

Voltaire : repères biographiques

 

 

Portrait de Voltaire (v. 1737), d`après le pastel de Maurice Quentin de La Tour (1704-1788)

Copie d`après l`original perdu

Saint-Quentin, Musée Antoine-Lécuyer

 

Il naît à Paris le 21 novembre 1694, dans un milieu bourgeois aisé, où il est le troisième enfant vivant de ses parents. Le 22 novembre de la même année, il est baptisé à la paroisse de Saint-André-des-Arts. Il perd très tôt sa mère, Marguerite D`Aumart, morte en 1701. Grâce aux relations aristocratiques de cette dernière, il est introduit dans les cercles littéraires et mondains. Son père, François Arouet, est conseiller du roi. Fils d`un riche notaire parisien, François-Marie Arouet, dit Voltaire, fait ses études chez les Jésuites du collège royal de Clermont (auj. Lycée Louis-le-Grand). C`est là qu`il se lie d`amitié avec le duc de Richelieu ainsi qu`avec René-Louis, marquis d`Argenson, qui sera ministre des Affaires étrangères de 1744 à 1747. Il est notamment l`élève des PP. Tournemine, Porée et Thoulier, qui lui donnent le goût de l`art classique et le culte du style ingénieux. Plutôt que de faire ses études de droit, dans l`étude de Me Alain, auxquelles le contraint son père, il préfère fréquenter les milieux littéraires (libertins), notamment la Société du Temple, où il est introduit par son parrain, l`abbé de Châteauneuf, en 1706. En 1712, il concourt pour le prix de poésie offert par l`Académie française, en écrivant une Ode à la Vierge, mais il échoue le sujet imposé. Insolent aux yeux de son père, ce dernier l`envoie à Caen, puis à La Haye en 1713, où il est secrétaire d`ambassade. En 1714-1715, il reprend ses études de droit à Paris. Le 5 mai 1716, il est en exil à Tulle, pour avoir écrit un pamphlet contre le Régent. Il écrit aussi des vers dont certains, jugés insolents envers le Régent, Philippe d`Orléans, le font embastiller pour onze mois, du 17 mai 1717 au 11 avril 1718. Peu de temps après sa libération, il prend le pseudonyme de Voltaire (anagramme d`Arouet le jeune, avec un u pour v et li pour lj) afin de mieux échapper à la censure. Le 18 novembre 1718, il fait jouer sa tragédie philosophique et satirique Œdipe, au Théâtre Français.

En 1722, il publie l`Épître à Uranie, où il se proclame l`adversaire de toute révélation et professe le déisme. Le 1er janvier de la même année, son père meurt. De juillet à octobre, il voyage en Belgique. En 1723, il compose La Ligue (bientôt nommée La Henriade), où il retrace les luttes religieuses et les guerres civiles où s`est distingué Henri IV de 1589 à 1594. Vaste épopée nationale, en dix chants, il s`agit d`une édition clandestine et incomplète. À cette époque, il connaît la célébrité et la richesse. En effet, il entreprend de fructueuses opérations financières dans les fournitures aux armées et le commerce avec l`Amérique grâce aux banquiers Pâris. En 1724, il publie sa tragédie Marianne. La même année, il accompagne le duc de Richelieu aux eaux de Forges car sa santé se détériore. Toute sa vie, il souffrira de douleurs intestinales. À cette époque, il peut compter sur les pensions royales, l`héritage paternel et son capital personnel qui lui assurent une rente annuelle de près de 8,000 livres. En 1725, il publie sa comédie l`Indiscret. Célèbre et fêté, il est reçu à la cour et se complaît dans les milieux aristocratiques et mondains. En 1726, il retourne à la prison d`État la Bastille pour deux mois après une querelle avec le chevalier de Rohan-Chabot (qui veut se venger d`une épigramme) et l`outrecuidance qu`il montre en exigeant réparation, lui, le roturier, d`une offense que lui a faite le chevalier. Le 1er mai 1726, il part pour Londres. Or, son banquier londonien ayant fait faillite, il perd 10,000 livres, dès son arrivée en Angleterre. De 1726 à 1729, il effectue un séjour à Londres en Angleterre où il prend contact avec des philosophes, dont John Locke (1632-1704). En 1727, il publie une nouvelle édition intégrale de La Henriade, sous le patronage de la reine d`Angleterre. Voltaire y célèbre la tolérance et s`y élève contre le fanatisme. À cette époque, il découvre le fondement de l`ordre anglais, soit la liberté de pensée. De cette constatation, naissent les Lettres philosophiques ou Lettres anglaises. En mars 1729, il obtient l`autorisation de rentrer en France. Après un séjour à Saint-Germain, il gagne Paris. À ce moment, il spécule sur la Loterie et gagne 500,000 livres.

En décembre 1730, il publie sa tragédie Brutus. En 1731, il publie une étude historique destinée à dénoncer la « folie des conquêtes », soit L`Histoire de Charles XII. L`ouvrage sera interdit. Le 13 août 1732, c`est la première de sa tragédie Zaïre, inspirée du poète dramatique anglais William Shakespeare (1564-1616). Cette dernière œuvre lui vaut un triomphe. En 1733, il publie Épitre à Uranie, qui est une critique des dogmes du christianisme. En mars de la même année, il publie le Temple du goût qui est aussi une critique des écrivains à réputation surfaite. En 1734, les banquiers Pâris intéressent Voltaire aux fournitures de vivres aux armées; il gagne 600,000 livres. En 1734 toujours, il rédige la tragédie Adelaïde du Guesclin. La même année, il publie un ouvrage polémique Lettres philosophiques (au nombre de vingt-quatre) où il fait l`éloge de son exil de trois ans en Angleterre. Il y vante la tolérance religieuse et la politique libérale de cette nation. L`ouvrage provoque un scandale, car il critique sévèrement le régime monarchique français. À partir de là, il est classé parmi les auteurs subversifs. Il quitte alors Paris et se retire alors au château de Cirey (Haute-Marne), chez la marquise Mme Du Châtelet, où il écrit une dizaine de tragédies. Il y compose également un Traité de métaphysique (qui ne sera jamais publié de son vivant) et La Pucelle d`Orléans. Il y réside jusqu`en 1744. De 1734 à 1738, il rédige ses sept poèmes intitulés Discours sur l`homme. Ceux-ci font l`apologie de la religion naturelle et de la morale purement humaine. En 1735, il fait jouer sa tragédie La Mort de César. En janvier 1736, c`est la première de la tragédie Alzire. En avril 1737, il s`établit définitivement à Cirey. En 1738, il publie un ouvrage de vulgarisation sur les Éléments de la philosophie de Newton.

En septembre 1740, il rencontre Frédéric II, à Wesel, près de Clèves. En août 1741, il fait jouer sa tragédie Mahomet. Dirigée contre le fanatisme, la pièce est dédiée par Voltaire au pape Benoît XIV qui lui envoie sa bénédiction. En février 1743, il fait jouer sa tragédie Mérope, inspirée de la tragédie du poète tragique grec Euripide (v.480-v.406). En 1743 toujours, il publie un poème épicurien Le Mondain, qui fait scandale. Il s`agit d`une fantaisie dans laquelle il montre le rôle social du luxe. En 1743-1744, il est en mission diplomatique à Berlin et en Hollande. De 1744 à 1747, protégé de Mme de Pompadour, il connaît une période florissante. En 1744, de nouveau en grâce, il regagne Versailles, puis Sceaux. En 1745, admis à la cour, il publie le Poème de Fontenoy, qu`on lui a commandé. En avril 1745, il est nommé historiographe du Roi Louis XV; il reçoit une pension de 2,000 livres. En avril 1746, il est élu membre de l`Académie française. En décembre de la même année, il est nommé gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi. En 1747, il publie, sans nom d`auteur, le conte philosophique Zadig ou la Destinée, histoire orientale. Ledit conte a pour héros un jeune babylonien bien né qui connaît successivement la gloire et la misère. Voltaire y raille la présomption humaine et critique les abus sociaux. Il s`agit d`une transposition de ses mésaventures de courtisan, mais surtout l`illustration d`une nouvelle conception du bonheur. En 1748, il effectue des séjours à la cour de Stanislas Leszczynski, à Lunéville, en Lorraine. Le 10 septembre 1749, à la mort de la marquise du Châtelet, affligé, il retourne à Cirey, puis à Paris, où il séjourne chez sa nièce, Mme Denis (qui devient sa maîtresse à partir de 1744).

Chargé de négociations secrètes auprès de Frédéric II de Prusse (avec lequel il correspond depuis 1736), il accepte les offres de ce dernier et part s`installer à Berlin. De juin 1750 à 1753, il effectue donc un séjour, à Potsdam, auprès de Frédéric II de Prusse comme correcteur des vers de son hôte. Il y reçoit 20,000 livres de pension, la clef de chambellan et la croix de l`Ordre royal. Il espère avoir de l`influence sur le roi et croit trouver en lui le « despote éclairé » dont il rêve. En 1752, il adopte le genre du conte philosophique avec Micromégas. Il s`y inspire du roman satirique Gulliver (1726) du romancier anglais Jonathan Swift (1667-1745). Il y donne une leçon de relativité, montrant le peu de place occupée par l`homme dans l`univers, et la vanité de sa prétention à tout expliquer. S`étant fâché avec son protecteur, il quitte ce dernier le 26 mars 1753. Il revient alors en France par petites étapes, mais non à Paris. Mais un ordre de Frédéric II le retient prisonnier pendant cinq semaines à Francfort, ville impériale où il doit se dessaisir des poésies royales. En novembre 1754, il s`installe à Prangins. En 1755, son poème héroi-comique, la Pucelle scandalise les catholiques. La même année, brouillé avec le monde, après un passage en Alsace, il s`installe dans sa propriété des Délices (où se trouve aujourd`hui le Musée Voltaire), près de Genève, où il rédige son histoire de la civilisation, l`Essai sur les mœurs. En 1756, son Essai sur les mœurs excite contre lui les protestants. La même année, il rédige son poème philosophique Sur le désastre de Lisbonne, qui marque un tournant dans sa pensée; il s`aliène à ce moment Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Après le tremblement de terre à Lisbonne, où meurt trente mille habitants écrasés sous les ruines, il pose le problème de l`existence du mal. Ainsi, à l`optimisme du Mondain succède un pessimisme dont Candide fixe les limites. En 1756 toujours, il complète son grand ouvrage historique Le Siècle de Louis XIV. En 1756 également, il rédige l`Essai sur les mœurs et l`esprit des nations, qui choque les protestants. Cette œuvre historique est conçue comme un abrégé de l`histoire universelle. S`intéressant d`abord à l`histoire de l`Orient, il laisse, pour des raisons d`information, une place privilégiée à celle de l`Europe, depuis Charlemagne jusqu`au règne de Louis XIII. En 1759, il rédige le conte philosophique Candide ou l`Optimisme, où il réfute l`optimisme outré qu`il attribue au philosophe allemand Wilhelm Gottfried Leibniz (1646-1716) et préconise une sagesse toute pratique. Mais sa collaboration à l`Encyclopédie lui vaut de nouveaux ennuis, du côté de la Suisse, cette fois. Or, pour éviter toute surprise, il achète en France, sur la frontière, les deux terres de Tournay et de Ferney. C`est ainsi qu`en 1759 toujours, à la recherche d`une résidence tranquille, il achète le domaine de Ferney, à la frontière franco-suisse où il passe ses dix-huit dernières années. Profitant de sa liberté de manœuvre, il lance de là, presque quotidiennement, une avalanche de lettres, de libelles, de pamphlets, d`ouvrages petits ou grands, mais toujours efficaces. C`est en ce lieu qu`il reçoit les hommes les plus brillants d`Europe et qu`il y écrit également pour dénoncer les abus du pouvoir et l`intolérance (affaire Calas, Pierre Sirven, le général Lally-Tollendal, chevalier de La Barre). Par conséquent, le petit village de Ferney devient l`une des capitales de l`Europe pensante, un des « lieux saints » de la philosophie. C`est également là qu`il développe de nouvelles techniques agricoles et installe quelques fabriques; il y joue au seigneur éclairé. De 1760 à 1778, le village de Ferney passe de 50 à 1500 habitants.

Après 1760, il se consacre plus activement encore à la propagande philosophique par ses pamphlets, ses lettres, ses interventions pour réhabiliter des victimes d`erreurs judiciaires. En 1763, il rédige le Traité sur la tolérance, plaidoyer inspiré par l`Affaire Calas (1761). Il s`y oppose à tout fanatisme. En 1764, il rédige un conte philosophique Jeannot et Colin. Cette satire des parvenus raconte l`histoire de deux amis, séparés un moment par les préjugés sociaux et que la vie réunira. En 1764 toujours, il publie son Dictionnaire philosophique portatif. L`ouvrage comprend 614 articles qui constituent de franches prises de position, essentiellement sur la religion (attaques contre le clergé et contre le dogme) et la politique (défense de la liberté de pensée et du régime constitutionnel). Il y oppose l`adoration de l`Être suprême, dieu géomètre « de tous les êtres », qui engage à suivre une morale fondée sur le « droit naturel » de chacun. En 1767, il rédige un conte satirique L`Ingénu où il dénonce la corruption des mœurs politiques. Il y illustre le mythe du « bon sauvage », c`est-à-dire de la simple nature perfectionnée grâce aux sciences et aux arts. En février 1778, à 83 ans, il vient à Paris assister à la représentation de sa pièce Irène; Paris lui réserve un accueil triomphal. Son buste est même couronné sur la scène pendant la représentation d`Irène. Il meurt le 30 mai 1778, vers onze heures du soir. La sépulture ecclésiastique est refusée à ses restes par le curé de Saint-Sulpice et l`archevêque de Paris. Son corps, transporté clandestinement, est enseveli par les soins de l`abbé Vincent Mignot, son neveu, à l`abbaye de Seillière, près de Troyes, en Champagne.

En juillet 1791, l`Assemblée Constituante décrète le transfert de ses cendres au Panthéon, à Paris. À sa mort, avec 350,000 livres de rentes, Voltaire est milliardaire. De 1784 à 1790, on publie la première édition complète des Œuvres de Voltaire (Éd. de Kehl), par les soins de l`écrivain français Beaumarchais (1732-1799). De 1817 à 1829, c`est la période de la vogue du Voltairianisme. Durant cette même période, douze éditions des œuvres de Voltaire se succèdent. En 1828 et les années suivantes, on publie les Œuvres complètent par Beuchot. De 1877 à 1882, c`est l`édition de Voltaire par Moland. Le 18 décembre 1897, le tombeau est ouvert et les restes dispersés. Ces constatations réduisent à néant la légende de la profanation de ses restes. De sorte qu`aujourd`hui, c`est donc plutôt un cénotaphe (un tombeau vide) devant lequel les visiteurs passent, dans la crypte réservée aux grands hommes pour la patrie reconnaissante.

Il laisse une volumineuse Correspondance. Forte d`environ 20,000 lettres à environ 800 correspondants, celle-ci constitue une œuvre à part entière. Dans ce corpus, qui va de 1711 à 1778, près de 15,000 lettres sont de la main de Voltaire, qui écrit plus de vingt lettres par jour, à Ferney. Ses amis les plus proches en sont les principaux destinataires : le comte d`Argental, l`imprimeur Gabriel Cramer. On retrouve aussi des correspondants de toute l`Europe : le roi Frédéric II, l`impératrice Catherine de Russie, les philosophes Diderot et d`Alembert.

Polémiste brillant et versatile, il incarne « l`esprit français » de son siècle. Adepte d`une philosophie plus pratique que métaphysique, défenseur d`une civilisation de progrès, il n`a cessé de lutter pour la liberté, la tolérance et la justice. Esprit pratique, hostile à toute métaphysique, il fonde sa morale naturelle sur la tolérance et la bienfaisance.