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Décès de Stanley Cavell (2018)

Le 19 juin 2018 est décédé d`un arrêt cardiaque à l`âge de 91 ans dans un hôpital de Boston (Massachusetts), le philosophe américain Stanley Cavell. Il a enseigné à l’Université Harvard pendant plus de trois décennies. Il était considéré comme l’un des plus grands penseurs américains contemporains. Il était également connu pour ses travaux variés et traditionnels sur l’esthétique, le langage, la littérature, le cinéma, la morale et l’histoire de la philosophie.

Partisan du perfectionnisme moral, il s`emploie à faire dialoguer pensée et cinéma, trouvant dans les films, une source inépuisable d’histoires et de dilemmes moraux traditionnellement liés à la philosophie. Il représente un courant tout à fait original dans la philosophie contemporaine et revendique une nouvelle façon de philosopher à partir de l’ordinaire et du quotidien.Son œuvre abondante veut jeter les bases d’une philosophie américaine, dont il attribue les prémices à l`écrivain américain Henry David Thoreau (1817-1882) ainsi qu`au philosophe américain Ralph Waldo Emerson (1803-1882), fondateur du transcendantalisme.

Repères biographiques

En 1943, il part pour Berkeley pour obtenir son baccalauréat en musique, peu après avoir pris la décision de changer son nom en Cavell, une anglicisation du nom polonais original de sa famille, Kawaliersky. La même année, il est réformé malgré sa volonté de s’engager dans les forces armées américaines à cause d’un accident à l’oreille. En 1947, il reçoit le diplôme de Bachelor of Arts in Music à l`Université de Californie, à Berkeley. En 1948, il retourne en Californie pour s’inscrire en tant qu’étudiant à l`Université de Californie, à Los Angeles  (UCLA), d’abord en psychologie, puis en philosophie. Ensuite, il déménage à Harvard (Boston) pour écrire sa thèse de doctorat,  soumise en 1961.

Il naît sous le nom de Stanley Louis Goldstein, dans une famille juive d`origine polonaise, le 1er septembre 1926 à Atlanta (Géorgie) aux États-Unis. Adolescent, il s`engage dans des études musicologiques pour se tourner, jeune adulte, vers la philosophie.

Les années 1950

De 1953 à 1956, il est un camarade junior dans la société des compagnons de l`Université Harvard, située à Cambridge, près de Boston. Par la suite, il enseigne pendant six ans à l’Université de Californie à Berkeley.

Les années 1960

Au début des années 1960, il étudie avec le philosophe anglais John Langshaw Austin (1911-1960) à l`Université Harvard. Mentionnons qu`Austin, auteur de Quand dire, c`est faire (1962), est connu pour sa théorie des speech acts, des actes de langage et notamment du performatif. Ce dernier cherche à résoudre les problèmes philosophiques en utilisant le « langage ordinaire » à la place du jargon académique.

À la fin des années 60, il se fait un nom en philosophie autour de la défense d’Austin et de son enseignement sur les investigations philosophiques du philosophe et mathématicien autrichien Ludwig Wittgenstein (1889-1951), auteur des Investigations philosophiques (1953), où il traite principalement de sémantique et de la façon dont les confusions concernant l’usage du langage sont à l’origine de la plupart des problèmes philosophiques. En 1969, il publie à New York chez Scribner,  un recueil d’essais intitulé Must We Mean What We Say? : A book of Essays (Doit-on dire ce que nous disons ?), traduit en français par Christian Fournier et Sandra Laugier, Dire et vouloir-dire (Cerf, coll. « Passages », 2009, 528 p.). Sandra Laugier est philosophe, professeure et directrice du Centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne et par ailleurs chroniqueuse au quotidien français Libération.

Les années 1970

En 1971, il publie son premier livre sur le cinéma The World Viewed : Reflections on the Ontology of Film (La projection du monde, Belin, 1999), où il se penche sur l’ontologie de la photographie et le cinéma. En 1972, il publie The senses of Walden (San Francisco, North Point Press). L`ouvrage est traduit en français par Omar Berrada et Bernard Rival : Sens de Walden (Paris, Théâtre Typographique, 2007). En 1979, il publie The Claim of Reason: Wittgenstein, Skepticism, Morality, and Tragedy. En 1996, l`ouvrage est traduit de l`anglais par Sandra Laugier et Nicole Balso, Les Voix de la Raison. Wittgenstein, le scepticisme, la moralité et la tragédie (Seuil, coll. « L`ordre philosophique », 725 p.)

Les années 1980

En 1981, il publie Pursuits of Happiness. The Hollywood Comedy of Remarriage, où il étudie les comédies américaines des années 1930 et 1940 en les confrontant aux penseurs allemands Emmanuel Kant (1724-1804), Friedrich Nietzsche (1844-1900) et Sigmund Freud (1856-1939). Il y pose l`hypothèse d`un lien entre comédie romanesque shakespearienne et comédie hollywoodienne du remariage. En 1993, l`ouvrage est traduit en français par Sandra Laugier et Christian Fournier, A la recherche du bonheur : Hollywood et la comédie du remariage (Les Cahiers du ciném

Les années 1990

En 1991, il publie Une nouvelle Amérique encore inapprochable : De Wittgenstein à Emerson (Éd. de l`éclat, coll. « Tiré à part », 128 p.). L`ouvrage est traduit de l’anglais (USA) par Sandra Laugier-Rabaté. En 1992, il publie Statuts d’Emerson : Constitution, philosophie, politique (Éd. de l`éclat, coll. « Tiré à part », 128 p.). Dans cet essai, il aborde les rapports du philosophe et de la politique, à la lumière – entre autres – des positions d’Emerson sur la question de l’esclavage. L`ouvrage est traduit de l`anglais  (USA) par Christian Fournier et Sandra Laugier. En 1993, il publie Conditions nobles et ignobles : La constitution du perfectionnisme émersonien (Éd. de l`éclat, coll. « Tiré à part », 244 p.). Dans cet essai, il place Ralph Waldo Emerson à une triple intersection; celle de la philosophie et de la littérature, celle de la tradition philosophique anglo-saxonne et allemande; celle des cultures américaine et européenne. L`ouvrage est traduit de l`anglais  (USA) par Christian Fournier et Sandra Laugier. En 1994, il publie Pitch of Philosophy : autobiographical exercises (Un ton pour la philosophie, Bayard, 2003), qui est un ensemble de conférences données à Jérusalem. En 1996, il publie La protestation des larmes : Le mélodrame de la femme inconnue (Éd. Capricci). L`ouvrage est traduit en français par Pauline Soulat. En 1997, il publie Contesting Tears : The Hollywood Melodrama of the Unknown Woman (University of Chicago Press). À partir de 1997, il est professeur émérite d’esthétique et de théorie générale de la valeur (qu’il enseigne à partir de 1963) à l’Université Harvard (Massachusetts) aux États-Unis. En juin 1998, dans un entretien donné à la revue Esprit, il revient sur ses années de formation, sur les figures fondatrices d’Emerson et Thoreau, sur des concepts qui lui sont propres comme celui de « conversation », sur les rapports entre l’écriture de la philosophie et l’écriture musicale, sur les raisons de son goût pour le cinéma et le théâtre, et sur Austin, Wittgenstein et sur le philosophe américain John Rawls (1921-2002). En 1999, il publie Le Déni du savoir : dans six pièces de Shakes (Seuil, coll. « Chemins de pensée », 331 p.). L`ouvrage est traduit de l’anglais par Jean-Pierre Marquelot.

Les années 2000

En 2001, il collabore au collectif Quelle philosophie pour le XXIe siècle ? (Gallimard, coll. « Folio essais », no. 380, 416 p.). La même année, publication du livre Stanley Cavell. Cinéma et philosophie par Sandra Laugier et Marc Cerisuelo (éds.). Les contributions ici réunies font se côtoyer la philosophie et les études cinématographiques, la sociologie, la littérature, la psychanalyse et l’histoire de l’art. Elles tentent d’illustrer tous les aspects de la « pensée du cinéma » découverte par Stanley Cavell. En 2001 toujours, il publie Philosophie des salles obscures (Flammarion). L`ouvrage est traduit par Mathias Girel, Elise Domenach et Nathalie Ferron. En 2003, il publie Le cinéma nous rend-il meilleurs ? (Bayard, coll. « Le temps d`une question », 218 p.). Il s`agit de textes rassemblés par Élise Domenach et traduits de l’anglais par Christian Fournier et Élise Domenach. En 2004, il publie Cities of Words dans lequel il retrace une généalogie du perfectionnisme moral. En 2009, il publie Qu`est-ce que la philosophie américaine ? (Gallimard, coll. « Folio essais », no. 517, 608 p.). L`ouvrage est traduit de l`anglais par Christian Fournier et Sandra Laugier.

Les années 2010

Le 7 mai 2010, il reçoit les insignes de docteur honoris causa de l`École Normale Supérieure (ENS) de Lyon. En 2012, il publie l`essai La protestation des larmes. Le mélodrame de la femme inconnue (Éd. Capricci, coll. « La première collection », 328 p.). L`ouvrage est traduit de l’américain par Pauline Soulat. En 2014, Hugo Clémot, publie La Philosophie d`après le cinéma : Une lecture de « La projection du monde » de Stanley Cavell (Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Æsthetica », 231 p.). Clémot est agrégé, docteur en philosophie, chargé de cours à l’Université de Tours, formateur et professeur de philosophie en lycée depuis 2001. Spécialiste de philosophie du cinéma, chercheur associé au Laboratoire « Philosophies contemporaines » de l`Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne (ISJPS). En 2017, réédition de la traduction française du livre À la recherche du bonheur : Hollywood et la comédie du mariage (Vrin, coll. « Philosophie du présent », 392 p. L`ouvrage est traduit par Christian Fournier et Sandra Laugier.

Le 4 et 5 juillet 2017, tenu du Colloque international « A la recherche du bonheur – Stanley Cavell, le cinéma et la vie ordinaire ». Ce colloque vise à s’interroger sur les enjeux, la fortune et la valeur croissante que ce texte revêt aujourd’hui. L`événement est organisé par l`Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et l`Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne avec la présence de Stanley Cavell.

Il était l’époux de Cathleen Cohen avec qui il a eu trois enfants : Rachel, Benjamin et David.

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