Louis-André Dorion, jeune professeur de philosophie ancienne à l’Université de Montréal, a fait paraître en novembre 2004, dans la célèbre collection « Que sais-je ? », un très beau Socrate : son petit ouvrage fait le point de très claire façon sur plus d’un siècle d’érudition à propos de la fameuse question socratique. Bien des enseignants liront avec étonnement cette note en bas de page : « Platon et Xénophon ne parlent jamais du « daimon » de Socrate, mais plutôt de la divinité « daimonion » qui s’adresse parfois à Socrate par le truchement d’un signe [daimonion sêmeion]. C’est au IIe siècle apr. J.-C., à l’époque du moyen platonisme, que Plutarque, Maxime de Tyr et Apulée assimileront le signe divin de Socrate à un « démon », qui est une forme de divinité intermédiaire entre les hommes et les dieux. » p. 72-73. Sur bien des points – l’ironie, la prétendue ignorance, la pauvreté de Socrate, par exemple – ce jeune érudit apporte des perspectives vraiment nouvelles. L’exposé est toujours limpide, mais en même temps profond et tonique pour l’esprit. Bref, le Socrate de Dorion est éminemment actuel : certes, par l’examen de soi, le philosophe cherche à développer son autonomie morale, mais la raison humaine reste suspendue à la sagesse divine qui dispense des signes devant être interprétés. La sophia est l’apanage des dieux !
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Guy Béliveau a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1976 à 2013. Il a fait son mémoire de maîtrise en logique modale à l’Université McGill (1975) et sa thèse de doctorat sur la phénoménologie de Jean-Paul Sartre à l’Université de Montréal (1987). En 1996, aux éditions Bellarmin, il a fait paraître un ouvrage en morale intitulé L’éducation des désirs. Essai sur la défaillance de la volonté. Depuis un certain nombre d’années, il s’intéresse surtout aux langues anciennes et à la métaphysique, en particulier à celle d’Aristote. Libéré de la nécessité, la poésie, l’opéra, le dessin et la lecture des classiques occupent une place de choix dans ses loisirs studieux.