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Le (feu) projet HJ3 était un projet d’aide à la réussite pour le cours de «Philosophie et rationalité», qui a eu cours entre 2002 et 2006, où des professeurs ont beaucoup mis en commun. Y ont notamment participé les professeurs Yves Bastarache, André Boyer, Gilles Darsigny, Patricia Nourry et Patrice Létourneau. Au cours de ce projet a entre autres eu lieu dans un amphithéâtre une compétition de «Génies en philo», ainsi qu’une émulation de «Lutte des classes».

Déception amoureuse
(Exemple de référence philosophique dans le sujet amené)
(Note: la référence historique à l’Antiquité grecque est en italique)

 

[Premier paragraphe de la dissertation]

Quand je pense aujourd’hui à la passion qui a inspiré nos premiers moments… je n’en touchais pratiquement pas le sol.  Dieu que j’aimais cette femme.  La seule évocation de son nom faisait battre mon cœur à un rythme fou.  Mais aujourd’hui, ces moments ont cédé le pas à la tiédeur, aux disputes et aux négociations de toutes sortes.  J’ai parfois l’impression d’avoir été victime d’une illusion.  Cela me rappelle mon premier cours de philosophie au moment où le professeur s’évertuait à nous faire comprendre le « traumatisme éléatique » (est-ce une maladie grave, nous disions-nous?).  Essentiellement, ce dont il s’agissait, c’était d’une querelle entre les Milésiens (Thalès, Anaximandre et Anaximène) et les Éléates (Parménide et Zénon). Ces deux groupes de philosophes vivaient à l’époque de l’Antiquité grecque (6000 ans av. J.-C.).  Les premiers affirmaient que pour connaître et comprendre la réalité qui nous entoure, il s’agissait de l’observer avec l’aide de nos sens.  Que vois-je? : le mouvement, la multiplicité des choses du monde. Au contraire, affirmait Parménide :  ce que l’on voit, ce n’est que l’apparence des choses et pour dépasser cette illusion, il n’y a qu’une seule façon : il faut se fier plus à sa raison, qui elle nous permet de dépasser l’apparence sur laquelle nous connecte nos sens, pour atteindre l’essentiel. (La  «matrice» c’est ce que l’on te met devant les yeux pour t’empêcher de voir la réalité, pour ainsi dire, selon Parménide ! ???).[=sujet amené avec référence historique à l’Antiquité]

 

Bref, quand je pense à cela, j’en viens à me demander si l’amour n’est pas une illusion. [=Sujet posé]

Ouf ! Me voilà philosophe maintenant, car je pense que cette question est vraiment fondamentale. Effectivement, si je dis que l’amour est une illusion, alors une des réalités importantes de la vie n’est que poussière.  Sur quoi fonder sa vie alors?   S’il s’avérait que l’amour n’est en réalité qu’une illusion, alors sur quoi devrions-nous fonder les relations de couple? [=caractère fondamental]

Mais j’entends déjà certains de mes amis se disputer sur cette question.  Certains diront que l’amour n’est pas une illusion, car sinon il ne serait pas possible d’expliquer ce besoin irrésistible et cette pulsion intérieure qui nous animent lorsque nous sommes en présence d’une personne en particulier (cette personne avec laquelle on dit justement qu’on est en «amour»).  Il serait étrange que ce ne soit là qu’une illusion qui ait le pouvoir d’agir si fortement sur nous au point de nous animer (jusqu’à nous en faire perdre la tête) et de nous transporter vers cette personne en particulier.  Mais d’autres diront au contraire que l’amour n’est finalement qu’une illusion, car ce que l’on prend pour de l’amour n’est souvent que l’expression d’un besoin sexuel inassouvi.  Selon eux, nos sens sont englués dans les apparences, et l’attirance vers certaines apparences particulières ne serait alors que des réactions biochimiques.  Dans ce cas, le sentiment amoureux n’aurait pas de réalité propre, mais serait réduit à n’être en fait que le sous-produit des mécanismes corporels.  [=caractère controversé]  Méchant débat.  Moi qui me demandais à l’époque, quand j’étais au Cégep, à quoi pouvaient bien me servir mes cours de philosophie ?

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[Ce qui suit ne correspond pas à une section de la dissertation, mais est là à titre indicatif, afin d’aider à un potentiel développement de l’argumentation.]

 

Il va falloir que je me fasse une idée là-dessus, car rester dans le vide et le néant par rapport à cette question, c’est très inconfortable.  Il me semble que l’amour n’est pas une illusion, mais pour mieux voir le caractère controversé et son développement, il me faudra voir un peu mieux ce qu’on peut entendre au juste par «amour».  Il y a l’amour-passion qui est cet élan de la globalité de mes pensées et du corps qui fait de la personne convoitée le centre de mon univers.  Mais il y a aussi cet autre amour qui est moins violent, moins centré sur mon ego que nous pourrons définir de la façon suivante :  une attention particulière portée à l’égard d’une personne dont le bien-être est un souci quasi permanent pour soi.   Je commence à voir plus clair dans tout cela, surtout si je définis l’illusion comme étant une erreur de perception causée par une fausse apparence.  Le sujet se précise et se nuance :  dans le fond, on ne devrait pas confondre l’amour-passion qui n’est au fond qu’un abîme d’égoïsme suscité par des réactions biochimiques, et l’amour engagement à long terme qui serait un peu plus altruiste.  Dans cette perspective, prendre l’un pour l’autre serait une erreur, ce serait tomber dans le piège de l’apparence…  Ce que les choses ont l’air d’être et ce que les choses sont, c’est ce qui sépare la pornographie de l’érotisme, «Basic instinct» par rapport à «Titanic» ou l’amour qui unit des personnes depuis plus de trente ans.  Est-ce le même amour?  Est-ce qu’on parle de la même chose?  Est-ce que cette distinction est suffisante?