Le nouvel Observateur, no. 2250-2251 (20 déc. 2007 au 2 jan. 2008), 98p. [6.50$]
Dossier « Spécial XIXe. Le siècle de tous les possibles »
Le dossier de 48 pages qui comprend 31 articles est coordonné par Sylvain Courage. Concernant le fil conducteur de cette période, Jacques Julliard mentionne qu`« il faut imaginer le XIXe siècle comme un siècle heureux. Celui où individualisme et égalitarisme parviennent à cheminer de pair, comme l`héritage à deux faces de la Révolution française, que la société nouvelle était chargée de recueillir et de faire fructifier » (p. 39). Pour Michel de Pracontal, le XIXe siècle fut positiviste avec son culte de la science conquérante (Darwin, Pasteur, Bernard). Il s`intéresse ici à la querelle de la « génération spontanée ». Selon lui, « le XIXe est surtout mal compris. Prospère, conquérant et colonial, il est d`une exceptionnelle fécondité. Sa science, avant d`être positive, témoigne d`une immense curiosité. Le XIXe, c`est la Renaissance plus l`industrie » (p. 42).
Pour Christophe Charle, professeur d`histoire à la Sorbonne, le journaliste est l`homme nouveau, celui qui veut réussir et s`intéresse à son temps. À cette époque, si le presse fait peur c`est qu`elle « jouit d`une capacité de mobilisation beaucoup plus large que sa diffusion apparente. La liberté de manifestation et d`association reste très contrôlée. C`est alors le seul moyen de faire passer des idées politiques et de toucher les citoyens à distance. Elle a d`autant plus d`écho qu`elle se montre critique à l`égard du pouvoir » (p.52). Pour sa part, l`historien Christophe Prochasson brosse le portrait d`un des pères méconnus de la pensée sociale et du business à la française : Saint-Simon. À son avis, il est le premier des grands déchiffreurs du monde moderne, accordant même aux élites productives une place importante dans « l`administration des choses » De sorte qu`« il conçoit la » classe industrielle « , qu`il place au sommet de la société, comme celle qui rassemble tous ceux qui, de bas en haut, contribuent à la production des richesses. Il n`en exclut pas les » intellectuels « , autre terme dont il semble être le premier utilisateur, bien avant l`affaire Dreyfus » (p.56).
Frédéric Worms, professeur à Lille-III, dans un entretien qu`il donne à Aude Lancelin, rappelle les temps forts de la philosophie française au XIXe siècle. Maine de Biran, Chateaubriand, Destutt de Tracy, tous trois cherchent la genèse de nos » idées » dans l`expérience sensible et dans le corps. À cela s`ajoute la montée en puissance du positivisme d`Auguste Comte tout comme le questionnement de Bergson à propos de l`absolutisation du fait scientifique. De son côté, André Burguière, professeur d`histoire anthropologique à l`École des hautes études en sciences sociales, signale qu`après la table rase de la Révolution, le besoin de comprendre et d`interpréter le passé se fait ressentir. Ainsi, la France moderne naît du récit de ses origines. Par conséquent, « Le passé n`apparaît plus comme une leçon à méditer pour régler sa vie, mais comme un parcours inachevé qui a besoin de nous pour poursuivre sa route et accomplir le destin de l`humanité » (p.66).
Nous terminerons ce trop rapide tour d`horizon en donnant la parole à l`historienne Mona Ozouf pour qui le roman devient le miroir d`une société bouleversée. Dans cette même société, où il faut produire, acheter et vendre, l`écrivain est désormais tenu de plaire à une foule confuse, versatile, insensible aux joliesses littéraires. Il lui faut entendre autre chose. Pour Ozouf, « Voici la chance du roman. Il est délivré de toute règle contraignante. Flexible, élastique, il peut s`attacher librement aux pas de celui qui est désormais le roi de la modernité : l`individu. Dans une société où nul n`a plus de place attitrée, chacun en effet se taille énergiquement la sienne, revendique bruyamment ses droits, se persuade que rien ne lui est impossible. Et voilà pourquoi le vrai, le grand personnage romanesque du siècle est Napoléon » (p.73).
À cela s`ajoute des articles sur Stendhal, sur Flaubert, sur Baudelaire, sur l`âge d`or de l`opéra, sur l`impressionnisme ainsi que sur le photographe Gustave Le Gray.
Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.