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Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.

Le 12 janvier 2009 est décédé dans son sommeil à l`âge de 96 ans, le philosophe et militant pacifiste norvégien Arne Naess. Il est considéré par beaucoup comme le plus grand philosophe norvégien du XXe siècle. Il était un spécialiste internationalement reconnu du philosophe hollandais Baruch Spinoza (1632-1677) et du philosophe et homme politiqueindien Mohandas Karamchand Gândhi (1869-1948). Après avoir enseigné pendant trente ans, il s`est consacré à partir des années 1970 à l`élaboration de théories conjuguant environnement et philosophie. Il a également enseigné aux États-Unis, en particulier à Berkeley. À cette même université, il y poursuit des recherches auprès du psychologue américain Edward Tolman (1886-1959) et du psychologue behavioriste américain Clark Hull (1884-1952). Grand alpiniste, membre de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, écologiste militant, il a pris part à de très nombreuses campagnes en faveur de la paix, des droits de l`homme et de la protection de l`environnement. Il fut un grand admirateur de la biologiste et zoologiste américaine Rachel Louise Carson (1907-1964). D`ailleurs, Naess cite le livre de cette dernière Silent Spring (Le printemps silencieux), paru en septembre 1962, à Boston, chez l`éditeur Houghton Mifflin, comme une des influences majeures de sa vision de l`écologie profonde.

Il naît le 27 janvier 1912 à Slemdal, près d`Oslo. Il est le fils du banquier et homme d`affaires Ragnar Naess et de Christine Dekke. Dès 1930, il entreprend la refonte du système universitaire norvégien. À ce titre, il a fortement influencé des générations d`étudiants, et tous, ou presque, continuent aujourd`hui d`étudier l`histoire de la philosophie à travers ses ouvrages. Dans les années 1930, il fréquente, à titre d`auditeur libre, les séminaires du Cercle de Vienne en Autriche, animés par le philosophe, mathématicien et physicien autrichien Friedrich Waismann (1896-1959) et le philosophe et physicien allemand Moritz Schlick (1882-1936). Le brio de ses interventions lui donne rapidement la réputation d`être « la nouvelle comète du firmament philosophique ». En 1933, il soutient son mémoire de maîtrise en philosophie intitulé Une discussion du concept de vérité. Par après, il poursuit ses études à Paris. En 1934-35, il étudie à Vienne. En 1936, il soutient, à Olso, sa thèse de doctorat consacrée à la sociologie des sciences; elle s`intitule Connaissance et comportement scientifique. Suite à cela, il reprend la route de sa Norvège natale où il se voit confier, à l`âge de vingt-sept ans, la chaire de philosophie de l`Université d`Oslo. Il occupe ce poste jusqu`en 1963.

En 1950, alpiniste hors pair, il fait partie de la première équipe à atteindre le sommet du Tirich Mir (7.708m d`altitude) au Pakistan. Quelques années plus tard, il se mobilise contre un projet similaire à Alta, mais cette fois sans succès, En 1958, il fonde la revue interdisciplinaire de philosophie et de recherches en sciences sociales intitulée Inquiry. Il la dirige seul pendant plus de quinze ans en la hissant au rang des meilleures revues scientifiques européennes. En 1964, il dirige une deuxième expédition norvégienne du Tirich Mir. En 1969, il quitte l`université pour se consacrer à la défense des causes écologistes. À partir de cette époque, il prend part régulièrement à des campagnes contestataires et pacifistes en faveur de la protection de la nature; il s`engage également pour la paix dans le monde à travers ses missions au sein de grandes institutions internationales, notamment l`UNESCO.

En 1970, soucieux d`accorder pratique et théorie, il s`enchaîne, avec 300 autres personnes, pour empêcher la construction d`un barrage près de la cascade spectaculaire de Mardalsfossen, dans le nord du pays, conduisant à l`abandon du projet. En 1973, dans un article fondateur intitulé : « Le mouvement écologique superficiel et le mouvement profond », il invente le terme « écologie profonde » (deep ecology), un concept radical qui considère que l`humanité n`a pas de droit supérieur aux autres espèces de la planète. Il y rejette l`idée que les êtres vivants puissent être classés en fonction de leurs valeurs respectives. En ce sens, il affirme que « le droit de toute forme de vie à vivre est un droit universel qui ne peut pas être quantifié. Aucune espèce vivante n`a plus de ce droit particulier de vivre et de s`étendre qu`une autre espèce ». Dans une interview publiée sur le site internet de l`université d`Oslo, il déclarait que « L`écologie profonde est un mouvement selon lequel on ne fait pas le bien pour la planète dans l`intérêt de l`être humain, mais pour la planète elle-même ».

En 1982, un ouvrage d`hommage collectif In Sceptical Wonder est offert à Arne Naess à l`occasion de son soixante-dixième anniversaire de naissance. En 1984, il élabore avec George Sessions une célèbre plate-forme qui rappelle les grandes thèses de son mouvement de pensée. Ainsi, le huitième et dernier point de celle-ci mentionne « l`obligation morale d`essayer de mettre en œuvre les changements nécessaires » pour garantir « la richesse et la diversité des formes de vie ». George Sessions est professeur de philosophie à la retraite au Sierra College, à Rocklin (Californie). En 1988, à la fondation du mouvement Greenpeace, en Norvège, il en est le premier président. En 1989, il publie Ecology, Community and Life-style, son livre le mieux connu. Ce même livre sera traduit en français (Écologie, communauté et style de vie) en 2008 par Charles Ruelle, qui en signe également la préface, à Paris aux Éditions MF. Naess y affirme que « Pour la première fois dans l`histoire de l`humanité, nous sommes confrontés à un choix qui s`impose à nous à cause de notre irresponsabilité devenue inhérente à produire des choses. Daignerons-nous mettre en œuvre un peu d`autodiscipline pour contribuer au maintien et au développement de la richesse sur Terre, ou continuerons-nous à gaspiller nos chances et à abandonner le développement à des forces aveugles ? ». En 1998, il publie Livsfilosofi. Par cet ouvrage, vendu à plus de 100,00 exemplaires en Norvège, il réussit à rendre la philosophie accessible au plus grand nombre.

Son œuvre comprend une trentaine de livres et des centaines d`articles, traduits et publiés en une demi-douzaine de langues. Son œuvre philosophique, conséquente et atypique, embrasse des domaines d`étude très variés comme la métaphysique, la sémantique, l`épistémologie, la philosophie politique, les études gandhiennes et spinozistes, et surtout la philosophie de l`écologie. En Norvège, son œuvre a été couronnée de multiples distinctions. Une sélection de ses œuvres a été publiée chez l`éditeur de publications scientifiques Springer Verlag.

Il était l`ex-mari de la chanteuse américaine Diana Ross. Il était marié et avait deux enfants. Il était le frère de l`armateur et homme d`affaires norvégien Erling Naess (1901-1993) ainsi que l`oncle de l`alpiniste Arne Naess Jr, décédé en 2004Il a continué à écrire jusqu`à la fin de sa vie. Son dernier ouvrage a été publié en 2006. Interrogé par l`AFP, son éditeur Erling Kagge a mentionné que « Arne était une personne très ouverte, pas très orthodoxe, intéressée par tous les sujets. En plus d`être un philosophe reconnu internationalement, il était devenu un père spirituel pour les Norvégiens sur la façon dont ils concevaient leur vie ».