Le nouvel Observateur, no. 2292 (9-15 octobre 2008), 66p. [5.50$]
Le Dossier a pour thème « Le pouvoir intellectuel en France ».
Il s`agit d`une enquête sur les 50 maîtres à penser d`aujourd`hui. Ces derniers sont catégorisés de la manière suivante : les incontournables (Claude Lévi-Strauss), les médiatiques (Bernard-Henri Lévy), les réformistes tendance (Marcel Gauchet, Pierre Rosanvallon), les conservateurs assumés (Alain Finkielkraut), les radicaux chics (Alain Badiou, Jacques Rancière), la jeune garde (François Cusset), les clercs du nouveau monde (Olivier Roy, Jean Tirole) et d`autres représentants.
On peut trouver dans divers établissements ces mêmes stars de la pensée : soit dans des centres de recherche (EHESS), des universités (Nanterre), des maisons d`édition (Gallimard, Le Seuil), des lieux publics (Le Flore). Prenant prétexte de l`essai du journaliste américain Donald Morrison Que reste-t-il de la culture française ? (Denoël,2008), ouvrage dans lequel il souligne le peu de notoriété internationale dont jouiraient aujourd`hui les penseurs français, Aude Lancelin et Elsa Vigoureux se demandent que sont devenus les clivages traditionnels ? Qui sont les nouveaux maîtres à penser ? Quelle est leur influence en France et dans le monde ?
Parlant du paysage intellectuel français actuel, Lancelin et Vigoureux soulignent que « Jamais autant de revues ou de cercles de réflexion n`ont en effet essaimé que ces dernières années, […] Sans parler de toute une myriade de publications » gauche de gauche « . Selon Marcel Gauchet, des travaux de qualité existent même si le système médiatique les relègue dans les marges. Pour ce dernier, le problème n`est donc pas du côté de l`offre mais de la demande sociale. D`après Gauchet, l`intelligence globale est partout battue en brèche au profit d`une réponse technicisée aux problèmes. Il dénonce une tentative par l`« expertocratie » pour liquider toute pensée originale. En référence au mandarinat, Lancelin et Vigoureux affirment que « Le conformisme intellectuel qu`il impose semble durement toucher toute une nouvelle vague de jeunes intellectuels » (p.10). Elles terminent en disant « La figure de l`homme-monde, celle de l`écrivain complet à la Voltaire ou à la Sartre, s`est cependant éclipsée de la scène intellectuelle française actuelle, aucun n`ayant incarné un renouveau décisif au cours de la décennie écoulée » (p.10).
Pour sa part, Denis Olivennes, du Comité éditorial du Nouvel Observateur, parle plutôt de la victoire posthume de Raymond Aron. À propos de la République des lettres qui, aux dires de certains, n`est plus ce qu`elle était, Olivennes voit les choses autrement. En ce sens, il se demande : « Et si, en vérité, la disparition des grands systèmes idéologiques – le marxisme, le freudisme, la phénoménologie, le structuralisme… – et des maîtres penseurs était finalement le signe d`une maturité plus grande ? » (p.10). L`auteur voit à la place un nouvel âge intellectuel français peut-être moins flamboyant que le précédent mais pas moins fertile, qui lui aussi aura à dire le réel.
Info. : www.nouvelobs.com
Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.