Avatar photo

Natacha Giroux, Ph.D., est professeure de philosophie au Cégep de Trois-Rivières. Elle a notamment publié, en collaboration avec Laurent Giroux, Du bonheur. Étude de l’éthique à Nicomaque d’Aristote (ERPI, 2003) et De la prudence. Étude du Charmide de Platon (ERPI, 2002). Elle a aussi publié dans Philo & Cie, dans Le Devoir, ainsi qu'aux Presses de l'Université Laval.

[NDLR : cet article a d’abord été publié dans Le Devoir du 18 novembre 2017, pour les 50 ans de l’enseignement de la philosophie dans les Cégeps.]

Cinquante ans de philosophie enseignée dans nos cégeps ! Cinquante ans, principalement par l’entremise d’étude de textes de philosophes, de tentatives afin d’amener les étudiants vers d’autres horizons, toujours un peu plus loin. Comprendre les géants de la pensée, ceux qui nous ont précédés, aide à nous comprendre nous-mêmes, en tant qu’être humain d’aujourd’hui. L’être humain ne pousse pas comme un champignon : il est issu, teinté de tout ce qui le précède. Et donc peu importe le professeur qui puise dans ces textes, anciens comme modernes, il faut permettre aux étudiants, entre autres choses, de se connaître, de développer un esprit critique et de s’ouvrir au monde.

 

Mais qu’en est-il des femmes philosophes ? Comment les faire connaître ? Comment les faire émerger du silence auquel elles ont été réduites depuis si longtemps ?

 

Au tout début de ma carrière comme professeure de philosophie, combien de fois m’a-t-on posé cette question : « N’y a-t-il que des hommes en philosophie ? »Cette question, on me la pose de moins en moins. Est-ce parce que je l’anticipe et y réponds tout de go ? Ou bien, comme j’ose le croire, parce que de plus en plus, un espace leur est consacré ? D’ailleurs, un travail important se fait, depuis quelques années, afin de faire connaître les femmes philosophes.

« Au tout début de ma carrière comme professeure de philosophie, combien de fois m’a-t-on posé cette question : “N’y a-t-il que des hommes en philosophie ?” Cette question, on me la pose de moins en moins. Est-ce parce que je l’anticipe et y réponds tout de go ? Ou bien, comme j’ose le croire, parce que de plus en plus, un espace leur est consacré ? »

Par exemple, dans mon cégep, des babillards femmes-philosophes permettent aux étudiants d’entrer en contact avec Hypatie, la plus grande figure de femmes philosophes de l’Antiquité ; Lasthénia, platonicienne ; Théodora, néoplatonicienne, Théano, pythagoricienne, Thémisto, épicurienne, Émilie du Châtelet, Olympes de Gouges, Weil, Arendt, Beauvoir… Et plus récemment Élisabeth Badinter, Julia Annas, Aude Lancelin, Anne Dufourmantelle, Laure Adler, Michela Marzano, Éliette Abécassis… Pour n’en nommer que quelques-unes…

 

C’est ainsi que des babillards de femmes philosophes sont présentés régulièrement par le Département de philosophie. Les étudiants peuvent faire des liens, à partir d’entrevues et d’extraits de leur publication qui sont complémentaires à l’un ou l’autre des cours de philosophie. Cela leur permet également de rencontrer des thèmes principalement traités par des femmes philosophes, comme l’étude des genres (Judith Butler, Susan Moller Okin), l’éthique du care (Carol Gilligan, Joan Tronto) ou d’aborder, sous un angle différent, certaines thématiques comme les capabilités chez Martha C. Nussbaum ou la métaphysique de Claudine Tiercelin.

 

Depuis les tout débuts de notre semaine de la philosophie, une place est réservée à la femme philosophe, soit par la présentation d’un documentaire ou d’un film relatant la vie d’une philosophe, soit par un concours où les étudiants sont invités à réfléchir sur l’une ou l’autre de la centaine de leurs citations affichées en nos murs.

 

Voilà donc quelques moyens de redonner une visibilité aux femmes philosophes. Idéalement au sein des cours. Bien sûr, parler d’un ou d’une philosophe, c’est certes omettre de parler de l’autre. Toutefois, je suis persuadée que tout se joue dans la considération accordée à la femme en philosophie. On donne l’espace à ce qu’on juge important, à ce qui nous touche, nous blesse, nous choque. Or, « sacrificielles, les femmes le sont encore, en dépit de leur émancipation certaine ». Les femmes philosophes n’ont plus à l’être.