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Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.

SOMMAIRE

 

 

Présentation
Repères biographiques
Depuis son décès
Choix de citations
Bibliographie

 

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Présentation

 

 

L`année 2020 marque le 400e anniversaire de publication du Novum Organum (1620) du philosophe anglais Francis Bacon (1561-1626). L`ouvrage propose une classification des sciences tripartite basée sur les diverses facultés mises en œuvre.  Il les répartit en trois groupes : 1° les sciences de la mémoire (histoire civile et histoire naturelle); 2° les sciences de la raison (philosophie); 3° les sciences de l`imagination (poésie).

 

 

  • À titre d`exemple, la philosophie a pour objet Dieu, la nature et l`homme. Elle se divise en philosophie première et philosophie de la nature. La philosophie première (distinguée de la métaphysique) est la science des axiomes et des principes communs à toutes les sciences. La philosophie de la nature est spéculative et pratique. La philosophie spéculative s`appelle physique si elle étudie la cause matérielle et efficiente; métaphysique, lorsqu`elle s`occupe des causes formelles et finales. La philosophie pratique comprend la mécanique et la magie.

 

Il se compose de deux livres. Dans le premier, Pars destruens (qui est presque exclusivement critique), Bacon montre l`absence de méthode des Anciens et des Modernes pour étudier les sciences, ce qui explique qu`elles n`aient pas progressé jusqu`à son époque. Dans le second, Pars informans, il formule cette méthode et explique comment il faut organiser l`expérience : recueillir les faits, les énumérer et les ordonner pour obtenir la base d`une généralisation, étendre et enrichir la recherche par l`examen de bases comparables.

Le premier livre, Pars destruens contient une théorie des idoles (obstacles inhérents à l`esprit). Il est destiné à dégager le terrain des principales sources d`erreur de l`esprit humain, les « idoles ». Celles-ci sont divisées en quatre classes : 1e les idoles de la tribu (idola tribus) : les erreurs communes à tous les êtres humains; 2e les idoles de la caverne (idola specus) : celles qui sont propres à l`éducation et aux habitudes de chaque personne; 3e les idoles du forum (idola fori) : les erreurs qui découlent de l`usage du langage, de la vie sociale; 4e les idoles du théâtre (idola theatri) : les erreurs qui découlent de l`influence et de la domination exercées sur les esprits humains par les intellectuels, les savants et les philosophes. Pour lui, ces mêmes « idoles » (préjugés) sèment la confusion, si bien que la connaissance est trop souvent source d`erreurs. Cette nécessité de critiquer des idoles, les fantômes, les chimères est reprise par le philosophe français Gaston Bachelard (1884-1962) dans La Formation de l`esprit scientifique (1938) qu`il appelle « obstacles épistémologiques ».

 

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  • Bacon critique la scolastique médiévale qu`il estime abstraite et éloignée de la réalité. En ce sens, on le considère comme le défenseur du progrès et de la science expérimentale. Il est aussi l`un des pères fondateurs de l`empirisme moderne, mouvement philosophique né en Angleterre, pour lequel toute connaissance procède de l`expérience sensible.

 

  • Il est surtout célèbre pour avoir fondé l`épistémologie moderne et dégagé la méthode de la science expérimentale. À la logique d`Aristote qui articule des concepts dans des syllogismes, Bacon oppose une nouvelle logique (Novum organum) fondée sur l`observation et l`expérimentation. Cette nouvelle « logique » se fonde sur l`induction (raisonnement allant du particulier au général).

 

  • Son œuvre se ramène à trois points principaux : classification des sciences, classification des erreurs et méthode.

 

  • Avec le philosophe français René Descartes (1596-1650), il est le principal initiateur de la philosophie moderne. Avec eux, l`esprit s`affranchit de toute autorité. La séparation de la philosophie et de la théologie, de la raison et de la foi, est alors chose acquise.

 

 

Repères biographiques

 

 

De 1561 à 1603 :

 

Il naît le 22 janvier 1561 à Londres. Il est le plus jeune fils de Nicholas Bacon, garde des Sceaux sous la reine Elisabeth 1re, et d`Anne Cooke.

En 1573, il effectue ses études au Trinity College, à Cambridge où il s`initie à la scolastique et est surtout frappé par ses défauts. Très jeune, il s`initie aux affaires politiques, aidé par son père qui occupe déjà de très hautes fonctions à la cour d`Angleterre.

En 1575, il étudie le droit à Gray`s Inn, à Londres.

En 1576, il est envoyé auprès de l`ambassadeur d`Angleterre en France, où il demeure jusqu`en 1579.

En 1578, son père décède. Les contingences matérielles l`obligent alors à reprendre sa charge d`avocat.

En 1582, il obtient son diplôme de droit.

En 1584, il entre à la Chambre des communes (Parlement) : avocat de la reine et protégé par le grand écuyer d`Angleterre Robert Devereux, comte d`Essex, favori de la reine. Il y siège en 1586 et 1588.

En 1595, il publie divers écrits politiques et judiciaires.

En 1597, il publie un premier volume Essays or Counsels civil and Moral (Essais de morale et de politique, Aubier, 1948, 1979). L`ouvrage, qui comprend 10 essais, consacre le mot « essai », pris chez l`écrivain français Michel de Montaigne (1533-1592). Les Essays bénéficient d`une réédition augmentée en 1603 avec 38 essais; en 1625, il inclut 57 essais.

En 1601, Essex est disgracié pour avoir conspiré contre la reine et est exécuté; Bacon obtient, comme avocat de la Couronne, sa condamnation.

 

 

De 1603 à 1621 :

 

En 1603, il est fait chevalier chancelier d`Angleterre sous le règne de Jacques 1er (1566-1625) : Sir Francis Bacon.

À l`automne 1605, il publie Of Proficience and Advancement of Learning divin and human (De l`avancement des sciences, trad. M.F. Riaux, « De la dignité et de l`accroissement des sciences », Œuvres, 2 vol.,  t.1, Charpentier, 1845). L`ouvrage est publié chez Gallimard dans la collection « Tel », en 1991. La même année, il épouse Alise Barnham.

En 1607, il est nommé sollicitor general  (avocat général).

En 1609, il publie le De Sapientia Veterum (De la sagesse des Anciens), où la mythologie et les fables sont prises pour des idées allégoriquement figurées.

En 1612, il publie une deuxième édition augmentée de ses Essais de morale et de politique.

En 1613, il est nommé attorney general.

En 1616, il est membre du Conseil privé du Roi.

En 1617, il devient garde des Sceaux, comme son père.

En 1618, il est grand chevalier et créé lord Verulam par le roi Jacques 1er.

En 1620, paraît Instauratio Magna (Grande Instauration des sciences). Il comprend six parties dont les deux premières seules sont achevées : 1º De dignitate et augmentis scientiarum; 2º   Novum organum; 3º Historia naturalis; 4º Scala intellectus; 5º Prodromi, sive anticipationes philosophiae  secundoe; 6º Philosophia secunda vel activa. On y retrouve une préface, le plan de l`ouvrage et la 2e partie qui a pour titre Novum Organum (Éléments d`interprétation de la nature; PUF, 1986). Il y soutient qu`on ne peut connaître la nature qu`en l`observant, rationnellement et méthodiquement, puis en tirant les lois générales par induction dont il dégage les fondements. Il y pose les règles de la méthode expérimentale en faisant de l`expérience et de la technique les bases véritables de tout savoir. Organon (instrument de la science) fait référence aux traités de logique du philosophe grec ancien Aristote (384-322 av. J.-C.), fondateur de la logique formelle.

 

 

De 1621 à 1626 :

 

Le 3 mai 1621, il est arrêté et accusé de prévarication et de corruptions nombreuses. Il reconnaît alors l`accusation et accepte le châtiment qui consiste à être démis de toutes ses charges, à payer une lourde amende (40,000 livres) et à être emprisonné à la Tour de Londres. En fait, il n`y reste que quelques jours et n`a pas à payer d`amende. Toutefois, il est écarté de tout emploi public. Destitué de sa charge, il se consacre dès lors à l`élaboration de son œuvre philosophique jusqu`à sa mort. De plus, il institue deux chaires de philosophie dans les universités de Cambridge et d`Oxford.

En 1622, il publie History of the Reigh of Henry the seventh (Histoire d`Henri VII) où il retrace les origines de la maison Tudor, examine la légitimité dynastique, le droit constitutionnel et le pouvoir de fait; il publie aussi Historia ventorum (Histoire des vents).

En 1623, il fait traduire et publie son livre De dignitate et augmentis scientiarum (Du progrès et de la promotion des savoirs; Gallimard, 1991). Il s`agit de la traduction latine augmentée et réorganisée du traité de 1605. L`ouvrage se veut un tableau de l`activité intellectuelle humaine, sous toutes ses formes, non seulement de la science mais aussi de la production artistique et de l`« histoire ». La même année, il publie également une Historia Vitae et Mortis.

En 1625, une troisième édition ré-augmentée des Essais est publiée.

En 1626, il travaille sur une Sylva Sylvarum (ou « Histoire naturelle »). Mais, il meurt le 9 avril de la même année après avoir contracté une pneumonie en voulant faire une expérience sur la putréfaction des viandes dans la neige.

 

 

Depuis son décès

 

 

D`autres ouvrages sont publiés après sa mort.

En 1627, son secrétaire, exécuteur testamentaire littéraire et premier biographe William Rawley (v. 1588-1667) publie à titre posthume la Nouvelle  Atlantide (Payot, 1983; GF-Flammarion, 1995), roman philosophique traçant le projet d`organisation de la Cité gouvernée par des Savants. Cet écrit est resté inachevé.

En 1628, William Rawley publie Sylva sylvarum, collection de matériaux d`observation.

En 1653, on publie Filum labyrinthi sive inquisitio legetima de motu ainsi que Topica inquisitionis de luce et lumine.

En 1658, on publie Historia densi et rari ainsi que Inquisitio  de magnete.

En 1787, le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804) lui dédie la seconde édition de La Critique de la raison pure (1781). En effet, en première page, on y trouve une épigraphe empruntée au philosophe anglais.

En octobre 2008, ses Œuvres complètes (790 p.) sont publiées à Paris aux Éditions L`Harmattan.

 

 

Choix de citations

 

 

(Novum Organum)

 

 

Autorité des Anciens :

« La grande majorité de ceux qui se sont entendus sur la philosophie d`Aristote s`en sont fait les esclaves, par préjugé et sous l`autorité d`autrui; marque d`une attitude docile et grégaire, plutôt que de consentement ».

But de la science :

« La fin véritable et légitime des sciences consiste uniquement à doter la vie humaine de nouvelles inventions et de nouvelles richesses ».

Nature :

« On ne commande à la nature qu`en lui obéissant » (Naturae  non imperamus nisi parendo).

Nouvelle science :

« Notre plus grande ressource, celle dont nous devons tout espérer, c`est l`étroite alliance de ces deux facultés : l`expérimentale et la rationnelle, union qui n`a point encore été formée ».

 

 

Bibliographie

 

 

BLOCK, Ernest. « Francis Bacon », La philosophie de la Renaissance, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », no. 241, 1974, pp. 97-127.

BROCHARD, Victor. La philosophie de F. Bacon, dans Revue philosophique, 1891; repris dans Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne, recueillies et précédées  d`une introduction par Victor Delbos, Paris, Félix Alcan, 1912.

CHRÉTIEN-GONI, Jean-Pierre. « Bacon », Dictionnaire des philosophes, par Denis Huisman. Paris, PUF, 1984. pp. 194-202.

CRESSON, André. Francis Bacon. Sa vie, son œuvre. Avec un exposé de sa philosophie. Paris, PUF, coll. « Philosophes », 1956. 144 p.

GONTIER, Thierry. Le Vocabulaire de Bacon. Paris, Ellipses, coll. « Vocabulaire de… », 2003. 69 p.

JAQUET, Chantal. Bacon et la promotion des savoirs. Paris, PUF, coll. Philosophies », 2010. 304 p.

MALHERBE, Michel et Jean-Marie Pousseur (éd.). Francis Bacon : Science et méthode. Paris, Vrin, coll. « De Pétrarque à Descartes », no. 48, 1985. 208 p.

POUSSEUR,  Jean-Marie. Bacon. Inventer la science. Paris, Bélin, 1988. 270 p.

SCHUHL, Pierre-Maxime. Bacon. Paris, Bordas, coll. « Pour connaître », 1949. 110 p.