Récipiendaire du 1er Prix 2022 au Concours d'écriture sur les Femmes Philosophes (Prix 2022).

NDLR : Nous publions ci-dessous le texte de Marie-Pierre Dufresne, récipiendaire du 1er Prix au concours d’écriture Femmes Philosophes 2022 qui s’est déroulé dans le cadre de la 10Semaine de la philosophie. Toutes nos félicitations à Marie-Pierre Dufresne !

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Le bonheur est une perle rare

Annabel Lyon enseigne la création littéraire à l’Université de la Colombie-Britannique en plus d’être une romancière accomplie et reconnue. Son premier roman, Le juste milieu, a été nominé pour le Prix littéraire du Gouverneur Général. Cette œuvre, comme plusieurs de ses autres, est à mi-chemin entre la fiction et la philosophie. Lyon aime explorer la condition et la nature humaines. Dans ce premier livre, elle écrit ceci :

« Tu confonds plaisir et bonheur, le vrai bonheur qui dure. Quelques frissons, quelques
émotions. Ta première femme, ton premier éléphant, ton premier plat épicé, ta première
gueule de bois, ta première ascension d’une montagne que personne n’a jamais conquise,
et ta première vue depuis le sommet, sur l’autre versant. Tu veux assembler, comme les
perles d’un collier, une vie de plaisirs éphémères. »

Annabel Lyon a raison. Je veux ce collier de perles. Je le veux à tout prix. Dans un monde où mon existence en ligne semble parfois plus tangible que ma réalité, n’est-il pas normal que je sois à la recherche de grands moments, d’expériences, question de me sentir, de me prouver vivante à nouveau? Les algorithmes ne connaissent pas de répit : chaque jour, je suis bombardée de nouveaux désirs inassouvis, de nouvelles vies inaccessibles que je ne savais pas porter en moi. Comment ne pas confondre bonheur et plaisir quand ce dernier m’est vendu comme une nouvelle nécessité? Soudainement, je brûle d’accumuler les voyages, les carrières, les manteaux, les amours… j’enfile les billes de mon collier de pacotille à défaut de posséder la perle rare.

Peut-on admettre, cependant, qu’il n’y ait qu’une seule définition possible du bonheur? Lyon semble écrire que l’on peut le trouver dans ce qui prend du temps, ce qui passe inaperçu. Fait-elle référence à la routine, la persévérance, l’engagement? Il se peut que le bonheur réside dans la vie quotidienne et la plénitude ressentie lorsque la satisfaction face à cette réalité est atteinte. Pourrait-on dire que la quête débute donc nécessairement en nous? Si le bonheur ne peut grandir par l’intérieur, il est juste de remettre en question qu’il
soit accessible en premier lieu. Il reste néanmoins que les définitions du bonheur doivent être aussi nombreuses qu’il y a de gens qui respirent sur Terre.

J’aimerais pouvoir affirmer que le bonheur se loge dans la langueur, la simplicité, mais peut-être n’en est-il rien. J’ose poser que les plaisirs ne devraient généralement pas nuire au bonheur. Aujourd’hui, il est possible que ce dernier ne puisse être que ce collier de perles que Lyon décrit, un enchaînement de plaisirs plus ou moins éphémères qui s’accumulent pour former une vie plus ou moins remplie, plus ou moins satisfaisante. Devrait-on s’en contenter? Avec le déclin chronique de notre capacité d’attention, sommes-nous même capables de ce vrai bonheur, celui qui dure? Dans notre quête de plus, nous lasserions-nous de celui-là aussi? Ou peut-être, comme l’indique le titre de l’œuvre d’Annabel Lyon, la réponse se trouve-t-elle entre plaisir et bonheur; il en incombe à chacun de définir son juste milieu.

DE GAUCHE À DROITE SUR LA PHOTO :

Émilie Lefrançois (directrice adjointe à l’organisation scolaire), Samuel Racette (3e prix), Lanka Hamelin (2e prix), Marie-Pierre Dufresne (1er prix), Naïma Hamrouni (professeure titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éthique féministe), Mylène Carpentier (directrice générale de la fondation du Cégep de Trois-Rivières).