Le 9 avril 2007 est décédé au Mans (Sarthe) le philosophe français Alain Etchegoyen à l`âge de 55 ans des suites d`un cancer. Il y était hospitalisé depuis le 28 mars. Cet intellectuel éclectique était aussi féru de football et de gastronomie. Sur ce dernier sujet, le disparu faisait connaître son point de vue lors d`un dialogue avec le cuisinier Pierre Gagnaire et le chercheur au Collège de France et à l`Institut national de la recherche agronomique Hervé This dans un article intitulé « Qu`est-ce qu`un repas réussi ? » et reproduit dans Philosophie Magazine, no. 4 (octobre-novembre 2006) aux pages 28 à 31. Il avait cofondé le mouvement Agir avec Martine Aubry, maire socialiste de Lille. Avec celle-ci, il avait travaillé sous Lionel Jospin à la mise en oeuvre des emplois jeunes. Il avait été collaborateur de Marylise Lebranchu au ministère de la Justice. Il a mené un parcours intellectuel et professionnel protéiforme et inclassable, entre salles de cours de lycées, studios de télévision ou cabinets ministériels de gauche comme de droite. Bref, il était un touche-à-tout boulimique.
Il naît le 16 novembre 1951 à Lille, de mère lilloise et de père chef d`entreprise d`origine basque. Bardé de diplômes – normalien, agrégé de philosophie, il est titulaire d`une maîtrise sur la thermodynamique sous la direction de Michel Serres. Élève des Jésuites, il mène de brillantes études de lettres qui le conduisent à l`École normale supérieure et à l`université parisienne Panthéon-Sorbonne. De 1976 à 1981, il est professeur de philosophie aux lycées de Coulommiers en Seine-et-Marne. Il enseigne en classes préparatoires au lycée Louis-le-Grand à Paris depuis 1981 et au lycée professionnel Galilée de Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine.
De 1979 à 1982, il est chargé de mission à la direction des sciences sociales au CNRS. De 1982 à 1984, il occupe la même fonction au ministère de l`Industrie et de la Recherche. Après un premier passage au Commissariat au Plan en 1984-1985, il en prend la tête en avril 2003 sur proposition de Jean-Pierre Raffarin alors Premier ministre, avant d`être limogé de façon expéditive, à l`automne 2005, par Dominique de Villepin, nouveau Premier ministre. En 1985, il fonde, avec Michel Serres, l`Association de l`Édition du Corpus des textes philosophiques de langue française. Il est également administrateur du Collège international de philosophie et de l`Institut européen d`analyse géo-économique. La même année, il crée le cabinet d`études et conseil en stratégie, communication et ressources humaines Etchegoyen (SHS), conseillant notamment le groupe Michelin. Il fréquente aussi le monde économique. En 1989, il est repreneur de la faïencerie d`art Géo Martel. De 1995 à 2002, il est administrateur d`Usinor Sacilor (alors présidée par Francis Mer). En 1997 et 1998, il travaille notamment dans le Cabinet de Claude Allègre, ministre socialiste de l`Éducation dans le gouvernement de Lionel Jospin. En 1997-1998 toujours, il est également conseiller au cabinet de Ségolène Royal quand l`actuelle candidate socialiste à l`élection présidentielle de 2007 était ministre déléguée chargée de l`enseignement scolaire. En 1998, il démissionne de son poste de conseiller spécial auprès du ministre Claude Allègre. En 1999, il obtient le prix Blaise Pascal pour La vraie morale se moque de la morale, essai philosophique déjà entrelardé de textes sur la nourriture. La même année, il publie avec le chanteur Jean-Jacques Goldman, un essai sur la paternité Les pères ont des enfants, dialogue de deux pères sur l`éducation. De 2000 jusqu`à sa mort, il est chroniqueur aux Échos. En 2001, il est membre du conseil scientifique de Bouygues Telecom. Le 18 juin 2006, il fait l`une de ses dernières apparitions télévisées sur le plateau de France 3 Nord Pas-de-Calais. À cette occasion, il revient sur son limogeage par Dominique de Villepin.
Concepteur d`émissions de télévision comme « Grain de philo » sur France 3 qu`il anime avec Sylviane Agacinski, épouse du Premier ministre Lionel Jospin. Il est l`auteur d`une vingtaine de livres dont Économistes en désordre (1981), L`Entreprise a-t-elle une âme ? (1990), La Valse des éthiques (prix Médicis essais 1991), Éloge de la communication insupportable (1992), La Démocratie malade du mensonge (couronné du Grand Prix de l`Académie française,1993), Des libertés sous influence (1997), Les Défis de l`éducation (1998), Votre devoir est de vous taire : carnets du voyage d`un philosophe à gauche et à droite (2005), 10 questions auxquelles le prochain Président n`échappera pas (2006), Meurtre à la virgule près (2007).
Peu de domaines lui auront échappé. De la philosophie, il aura rayonné dans la sociologie, la politique, l`économie, le droit, l`éthique. Marié à Jeanne Bordeaux et père de six enfants, issus de quatre unions, il sera inhumé samedi, le 14 avril, à Vatteville-la-Rue (Seine-Maritime), où il avait une maison et rédigé une bonne partie de son oeuvre.
Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.