Entretien de Roger Pol-Droit avec Paul Veyne, à l’occasion de la parution de son ouvrage sur Michel Foucault.
Citation :
«À l’entendre, l’image d’un philosophe rebelle, subversif, soixante-huitard, gauchiste, résolu à faire du passé table rase et à en finir avec le vieux monde est tout bonnement fausse. Ce mythe est pourtant vivace aux États-Unis, et il n’est pas absent de l’imagination européenne. Il a été forgé notamment à partir du passage de Michel Foucault à l’université de Vincennes, et de son engagement dans le Groupe d’information sur les prisons, mais il ne correspond pas, selon Paul Veyne, à la réalité.« Foucault ne rêvait pas à la révolution. Jamais je ne l’ai entendu parler de « la société bourgeoise » ou de « l’exploitation capitaliste », jamais ! Pour lui, ces termes-là n’existaient pas. C’était un mode d’idées qui lui était totalement étranger. En fait, « la révolution », « la société idéale », toutes ces généralités fumeuses ne l’intéressaient absolument pas. Ce n’étaient pour lui que balivernes et fariboles. Il m’a dit un jour : « À Vincennes, j’ai vécu dans une bande de demi-fous. » Pourtant, dans cette université expérimentale, les gens le croyaient semblable à eux. Du coup, ils ne comprenaient pas pourquoi Foucault refusait que l’on donne le diplôme à tous les étudiants ou bien pourquoi il n’allait pas faire des descentes dans les supermarchés. Les gens de Vincennes pensaient qu’il s’agissait de caprices de sa part. Ils ne comprenaient rien à ses comportements, qui étaient inexplicables à leurs yeux. »
[…]
Le regard de Paul Veyne sur la vie et l’oeuvre de Michel Foucault réserve d’autres surprises. Le fil directeur de l’oeuvre foucaldienne serait le scepticisme et non la volonté de subversion. Guerrier, samouraï pourfendeur de nos illusions, Foucault serait fort éloigné de la figure familière de l’authentique intellectuel de gauche.»
Lire l’entretien de Roger Pol-Droit dans Le Monde des livres.
LE MONDE DES LIVRES | 20.03.2008
*
[Aussi : l’entrevue de Paul Veyne (60 min.) à l’émission «La fabrique de l’histoire» de France Culture.]