Philosophie Magazine, no. 18 (avril 2008), 98p. [10.50$]
Le Dossier a pour thème « L`amour à l`épreuve de la liberté »
En Introduction au dossier, Alexandre Lacroix, rédacteur en chef, cherche à comprendre les difficultés contemporaines à vivre la relation amoureuse, bousculée par l`individualisme. Pour lui, « il est probable que l`amour soit ontologiquement impossible » (p.33). Dans l`article « Les métamorphoses d`un sentiment », le philosophe français Pierre-Henri Tavoillot évoque les conceptions successives de l`amour théorisées mais aussi vécues par les grands philosophes. À propos du couple Sartre/Beauvoir, il rappelle qu`« En rupture avec la tradition, ils ont promu l`idée que la relation amoureuse peut se traduire par un » pacte « , dont les termes sont à inventer. Tout est permis, pourvu qu`il y ait consentement. Cette manière lucide et réfléchie d`envisager le lien amoureux est en phase avec l`instabilité et l`exigence d`indépendance actuels » (p.37).
Puis, la journaliste Marion Rousset propose six témoignages concernant la manière dont les individus opèrent le difficile équilibre de l`amour et de la liberté, du désir et du couple, de la passion et de la famille. Son article intègre également les réflexions de six intellectuels qui ont réfléchi aux nouveaux désordres amoureux. À cet égard, Jacques Sojcher, professeur de philosophie à l`université libre de Bruxelles, fait le commentaire suivant : « Dans un couple, chacun change et l`amour s`épuise avec la durée et surtout la quotidienneté […] L`amour à répétition existe, l`aventure recommencée avec d`autres émois et de nouveaux espoirs, avec aussi l`incertitude de l`avenir » (p.43).
Le dossier se referme sur un débat entre la neurobiologiste Lucy Vincent et le psychanalyste Jacques Le Brun. La première souligne l`utilité du couple pour la reproduction de l`espèce; le second s`interroge sur le pur amour. Ils arrivent néanmoins à la même conclusion : aimer, c`est être blessé. Parlant du pur amour, Le Brun mentionne que « Poser un amour sans espoir d`éternité, c`est se situer en marge des Églises, institutions qui sont chargées de procurer ces récompenses. On comprend pourquoi catholicisme et protestantisme ont été aussi violents contre le quiétisme et le piétisme, qui prêchaient l`amour sans rien attendre en retour : ni bien ni mal, ni récompense ni punition » (p.46).
La section Entretien donne la parole au sociologue français Jean Baudrillard (1929-2007). À propos de la capacité d`agir de l`individu dans un monde « détraqué », l`auteur de La Société de consommation affirme que « Je pense qu`il reste dans chaque homme une forme de vitalité, quelque chose d`irréductible qui résiste, une singularité d`ordre métaphysique qui va même au-delà de l`engagement politique, lequel n`est pas totalement liquidé d`ailleurs. C`est donc du côté du singulier qu`il faut chercher l`antidote au mondial. Je dois d`ailleurs vous dire que si je n`avais pas la conviction qu`il y avait en l`homme quelque chose qui se bat, qui résiste, j`aurais tout simplement cessé d`écrire » (p.53).
À l`occasion du 40e anniversaire de « Mai 68 », Philosophie Magazine consacre un dossier à ces événements. Dans le premier article, François Dosse, spécialiste de l`histoire des intellectuels, fait le récit de ce qui s`est joué dans les universités françaises en 1968. Pour Dosse, « Mai 68 a attisé la querelle des anciens et des modernes […] Ce qui se joue donc, c`est cette émancipation des sciences humaines qui n`arrivait pas à s`accomplir pleinement, buttant sur l`immobilisme d`un État centraliste et d`une Sorbonne refermée sur la tradition. Mai 68 ? Sur ce plan, une bouffée d`air frais dans le ciel des idées » (p.58-59). Dans le second article, l`historien Philippe Artières fait l`inventaire des slogans de 1968 qui ont bouleversé la philosophie de l`époque. Puis Serge Audier, spécialiste des théories contemporaines de la démocratie, retrace l`histoire des critiques de la pensée 68 qu`elles viennent de droite ou de gauche.
En guise de supplément, un Cahier central (16 pages) présenté par le philosophe belge Raoul Vaneigem, et contenant des extraits de son livre Traité de savoir-vivre à l`usage des jeunes générations (Gallimard,1967).
Info. : www.philomag.com
Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.