Lieu : église St-James, 787-811, rue des Ursulines au centre-ville de Trois-Rivières.
Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et directeur du Centre de recherches sur les arts et le langage (EHESS/CNRS), Jean-Marie Schaeffer a fait paraître, entre autres, L’art de l’âge moderne (1992), Les célibataires de l’art (1996), Pourquoi la fiction ? (1999), Adieu à l’esthétique (2000) et La fin de l’exception humaine (2007).
La version complète du texte sera disponible sur place (Jean-Marie Schaeffer, Théorie des signaux coûteux, esthétique et art, UQAR/UQTR, Tangence éditeur, coll. «Confluences», 2009).
L’entrée est libre.
(Véronique Leduc)
La thèse comporte quatre principaux piliers : la rupture ontique, le dualisme ontologique, le gnoséocentrisme et l’antinaturalisme. La rupture ontique et le dualisme ontologique sont étroitement liés tout comme le gnoséocentrisme et l’antinaturalisme le sont.
La rupture ontique postule qu’il y a deux classes d’étants distinctes. D’un côté, il y a l’homme et de l’autre… tout le reste ! Cette différence entre l’homme et les autres étants serait infinie. Il s’agit d’une conception ségrégationniste qui pose une incommensurabilité entre l’homme et les autres êtres vivants. Elle ne pointe pas les caractéristiques distinguant chaque espèce — elle devrait alors admettre que toutes les espèces sont irréductibles les unes face aux autres — elle place plutôt l’homme sur un côté de la berge et le reste des étants de l’autre. Cette perspective entre en conflit avec celle qui est proposée par la biologie de l’évolution. La rupture ontique réfute toute conception continuiste. Loin d’être universelle, elle est propre à la tradition occidentale.
Selon le gnoséocentrisme, l’essence de l’homme nicherait dans son activité théorétique. Cette idée n’est pas moderne, pas plus qu’elle n’est spécifiquement occidentale, mais elle joue un rôle de premier plan dans la reformulation moderne de la Thèse qui a lieu avec Descartes. Poussé jusqu’au bout, le gnoséocentrisme nous amène à croire que l’homme ne participe au réel que dans la mesure où il le pense. Cette conception « repose sur une méconnaissance profonde de la plurifonctionnalité des états représentationnels, et donc sur une méconnaissance du rapport de l’homme à lui-même et au monde ».[4]
L’antinaturalisme est indissociable de la Thèse. Il ferme la voie à toute étude externaliste de l’homme. En effet, ce dernier étant incommensurablement différent des autres étants, il ne saurait être étudié par les mêmes sciences qu’eux. Avec l’ « autofondation » de la conscience-de-soi, Descartes radicalise la Thèse. La conscience devient absolument distincte de toute hétérodétermination physique. L’homme, ou plutôt, ce qu’il y a de proprement humain dans l’homme (le pôle spirituel) ne saurait être approché que par la voie internaliste. L’activité consciente se définit en se différenciant de l’extériorité. Dès lors, le monde et le corps font problème. Surmonter ces problèmes philosophiques, c’est avant tout devoir quitter cette définition purement différentielle engendrée par la Thèse.
Ne sommes-nous pas profondément différents des autres animaux du fait que nous avons des états conscients ? En ce sens, la rupture ontique ne conserve-t-elle pas sa légitimité ? Non, nous dit Schaeffer, les facultés mentales de l’espèce humaine ne sont pas plus extraordinaires que les ailes de l’oiseau le sont. La conscience est un résultat, parmi tant d’autres, de l’évolution biologique. « Après tout, les états de conscience ne sont qu’une caractéristique intermittente de quelques rares espèces vivantes : il en existe infiniment plus qui apparemment s’en passent fort bien ».[8]
Dany Roy-Robert est professeur en philosophie au Cégep de Trois-Rivières depuis 2007.
Questions à JM Schaeffer
On aimerait savoir comment s’articule vision du monde et défense des savoirs biologiques. Les visons ne sont elles pas ce qui tend à nous écarter de notre animalité?