Le 5e numéro de Philo & Cie, qui est paru le 18 juin 2013, est consacré à la question de l’excès, considéré comme une passion liée à la modernité.

 

Voici un extrait de l’éditorial de Giovanni Calabrese en ouverture de ce numéro :

 

«Pas un jour ne se passe sans qu’on entende parler de quelque excès. De boisson, de nourriture, de drogues, de force, de vitesse, de pouvoir, de richesse, de déchets. On ne dira pas excès de pauvreté parce qu’il y a dans l’idée d’excès quelque chose de volontaire et de conquérant. Pour la même raison, on pourrait penser qu’on a tort de parler d’excès de bêtise, en ce que celle-ci ne serait ni l’un ni l’autre. Mais on se tromperait : la bêtise comporte un mouvement d’accord, de consentement, et même une forte dose d’ambition : dans Le dîner de cons, par exemple, on voit très bien que la bêtise du personnage réside dans le fait même de vouloir prendre les devants avec un enthousiasme enflammé qu’il espère contagieux. Naturellement, cela ne réussit pas, ce qui ne décourage pas notre héros. Notre époque non plus, qui, malgré les ratés, se précipite à corps perdu vers le futur et qui, dans ce sens, connaît les excès peut-être mieux que n’importe quelle autre. Dans les termes de Jean-Jacques Pelletier, nous sommes dans une époque « de l’extrême » aux innombrables « pratiques ordinaires de l’excès ». À son avis, on peut même la dater d’une cinquantaine d’années, ce qui lui donne l’âge de la postmodernité, ou de l’hypermodernité, de la société technoscientifique, celle de l’individualisme effréné et paradoxalement des masses consensuelles, de la fin des grands récits, de la perte des repères, autrement dit de la mesure.

Mais tout cela a une préhistoire et une histoire sans doute plus longues et plus complexes, que plusieurs des contributeurs à ce numéro évoquent dans leur texte : mouvement civilisationnel de la rationalisation, logique de la science, affranchissement de l’individu et de ses sentiments… C’est le monde moderne dans son ensemble qui est en quelque sorte placé sous le signe de l’excès, en ce qu’il est tout entier orienté vers l’avenir — progrès ou perfectibilité — pour la réalisation duquel nous devons à chaque pas dépasser les limites. Ce faisant, la notion perd la fonction normative qu’elle avait dans l’Antiquité.»

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