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Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.

Sommaire

 

 

Le contexte historique

La Hongrie dans la première moitié du XXe siècle

L`assujettissement communiste

La Révolution hongroise de 1956

Les intellectuels hongrois dans l`après-guerre 39-45

La réaction des intellectuels en France

Bibliographie

 

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L`année 2016 marque le 60e anniversaire de la Révolution hongroise. En octobre 1956, une révolte éclate à Budapest contre le régime communiste au pouvoir en Hongrie. Celle-ci, devenue une révolution, est écrasée dans le sang par l`intervention de l`Armée soviétique du 4 au 13 novembre qui impose un nouveau gouvernement présidé par János Kádár. Néanmoins, la révolution hongroise inflige une blessure profonde à l`Empire soviétique qui s`effondre en 1989. En effet, elle met en évidence pour la première fois le caractère oppressif et brutal du communisme.

À l’occasion de cette commémoration, le présent article donne un aperçu des principaux événements de 1956 et rappelle la réaction des intellectuels hongrois et français face à ce soulèvement populaire.

 

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Le contexte historique

 

Après la Seconde Guerre mondiale, deux blocs se constituent : celui des pays fidèles au libéralisme, dirigé par les États-Unis (bloc atlantique), et celui des pays communistes (bloc continental), dirigé par l`Union des Républiques Socialistes Soviétiques (l`U.R.S.S.). Dans le camp communiste, l`expansion économique est indéniable, mais les libertés privées et publiques sont restreintes. Du côté des États libéraux, ceux-ci limitent aussi la liberté de leurs concitoyens mais dans une moindre mesure; leur puissance économique  prospèrent également. À partir de ce moment, ces deux mêmes blocs économico-politiques étendent leur influence dans toutes les parties du monde et se consolident en alliances militaires.

Pendant que les Américains signent une série de traités avec les pays limitrophes de l`U.R.S.S. afin de contenir « l`expansion soviétique », celle-ci consolide ses liens avec les nouvelles démocraties populaires qui voient le jour notamment en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Bulgarie. En septembre 1947, à l`initiative de l`U.R.S.S., le Kominform (Bureau d`information des partis communistes et ouvriers) est créé, à Belgrade (Yougoslavie) pour coordonner les politiques économiques et idéologiques des partis communistes de l`Est, auxquels se joignent les partis communistes de France et d`Italie. Il réclame à ses membres le dévouement inconditionnel à l`U.R.S.S., seul pays capable de diriger le « camp anti-impérialiste et démocratique ». Il est dissous en 1956 sur décision de Nikita Khrouchtchev (1894-1971), premier secrétaire du Parti communiste d`U.R.S.S. Dès 1948, sur le plan économique, les Américains mettent en place le Plan Marshall de redressement économique de l`Europe, réservé exclusivement aux pays de l`Ouest. Ce plan offre à tous les pays d`Europe, y compris aux démocraties populaires et à l`U.R.S.S., une aide économique gratuite destinée à accélérer la reconstruction de leurs économies et à faciliter leur réintégration dans le marché mondial en comblant leur manque de ressources financières. À cette occasion, le secrétaire général du Parti communiste, Joseph Staline (1879-1953) somme les pays qui  manifestent un certain intérêt pour l`aide américaine (Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie) de refuser celle-ci immédiatement, sous peine d`être traités comme des ennemis de l`U.R.S.S. Par conséquent, dès juillet 1947, les pays de l`Est refusent l`assistance économique américaine, sous la pression du ministre des Affaires étrangères soviétiques Viatcheslav Molotov (1890-1986). C`est alors le début de la « Guerre froide » entre les deux superpuissances, désormais maîtresses des destins de la planète.

Le 4 avril 1949, douze pays (Angleterre, Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal) signent, à Washington, le Traité de l`Atlantique Nord et créent l`Organisation du Traité de l`Atlantique Nord (O.T.A.N.) pour le gérer.  Son but est de décourager toute agression de l`U.R.S.S. en assurant aux pays d`Europe occidentale l`appui militaire des États-Unis. À la fin de 1949, l`Europe est bel et bien coupée en deux par ce que l`ex-Premier ministre britannique et leader occidental Winston Churchill (1874-1965) nomme le « rideau de fer », expression lancée lors de son discours prononcé au Westminster College de Fulton (Missouri, États-Unis), le 5 mai 1946, en présence du président américain Harry Truman (1884-1972). En riposte à l`O.T.A.N., l`U.R.S.S. signe le Pacte de Varsovie le 14 mai 1955 avec les pays d`Europe de l`Est (Albanie, Bulgarie, République démocratique allemande, Roumanie, Tchécoslovaquie, Hongrie, Pologne). Il s`agit d`un traité d`amitié, de coopération et d`assistance mutuelle unissant les huit membres du bloc soviétique et confiant le commandement unique de leurs armées à un membre de l`état-major soviétique. C`est en vertu de ce même traité que le Pacte justifie l`intervention armée de l`U.R.S.S., lors de l`insurrection populaire de Hongrie en 1956, sous le prétexte de maintenir l`unité du bloc communiste.

À la mort de Joseph Staline (5 mars 1953), l`U.R.S.S. revient alors à une direction collégiale. C`est Nikita Khrouchtchev qui lui succède au poste de premier secrétaire du Comité central du Parti communiste d`U.R.S.S. Ainsi, lors du XXe Congrès du Parti communiste de l`Union soviétique qui se tient du 14 au 25 février 1956, dans un long rapport secret d`abord présenté à huit clos devant les délégués soviétiques et prononcé le 25 février 1956, Khrouchtchev dénonce  le « culte de la personnalité de Staline », la perversion des principes du Parti et de la démocratie socialiste, les purges, les déportations et les exécutions, et remet en question le prétendu génie militaire dont a fait preuve Staline pendant la guerre. Face à la politique de « déstalinisation » de  Khrouchtchev, les partis communistes étrangers doivent s`adapter à la nouvelle propagande et certains d`entre eux se résignent mal à devoir brûler ce qu`ils ont honoré. Or, cette condamnation des crimes de Staline fait naître l`espérance d`une humanisation du système, d`une réforme qui prend en considération les aspirations élémentaires des populations dominées : amélioration des libertés personnelles, respect des traditions nationales et religieuses, disparition des camps de travaux forcés, de l`isolement international, de la terreur. Suite aux critiques formulées par Khrouchtchev, l`agitation reprend dans les démocraties populaires (Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie).

Or, dans plusieurs de ces démocraties populaires, l`opposition la plus capable de renverser le régime vient du peuple même, plus précisément des ouvriers, soit de ceux qui auraient dû être les plus intéressés au succès du communisme. Que se soit à Berlin en juin 1953, à Poznan en Pologne en juin 1956 ou en Hongrie, c`est la population ouvrière des villes que se soulèvent contre des normes trop rigoureuses, une bureaucratie trop lourde, des gouvernements despotiques ou inféodés à l`étranger. Partout, les foules revendiquent plus de liberté et d`indépendance nationale. Improvisés, ces mouvements sont réprimés par l`Armée Rouge, comme à Budapest en Hongrie, et cela malgré de vives protestations en Occident.

La Hongrie dans la première moitié du XXe siècle

 

Lors de la Première Guerre mondiale, la Hongrie prend part à ce conflit, entraînée par les liens qui l`unissent à l`Autriche. À la fin de 1918, l`Empire austro-hongrois s`écroule; la Hongrie est alors séparée de l`Autriche. En octobre 1918, une révolution éclate en Hongrie sous la conduite du député libéral Mihàly Károlyi (1875-1955) qui proclame la république démocratique hongroise, le 16 novembre 1918. En janvier 1919, ce dernier est nommé président de la république. En mars de la même année, il est renversé par Béla Kun (1886-1937), fondateur du Parti communiste hongrois et chef de l`extrême-gauche communiste, qui instaure la dictature du prolétariat qui débouche sur un régime de terreur. De mars à août 1919, Kun proclame la République des Conseils. Puis, en novembre1919, il est renversé à son tour par le contre-amiral Miklós Horthy (1868-1957) qui dirige un  régime conservateur. En 1920, Horthy est élu régent de Hongrie par l`Assemblée nationale, jusqu`en 1944. En 1937, l`extrême-droite, regroupée par Ferenc Szálasi (1897-1946) dans le Parti des Croix-Fléchées (parti politique hongrois hungariste, fasciste, pro-germanique, antisémite), pousse l`amiral Miklós Horthy à durcir son régime et à se rallier ouvertement au fascisme.

En 1941, malgré l`hostilité d`une grande partie de l`opinion publique, Horthy déclare la guerre à l`U.R.S.S. Le 19 mars 1944, la Hongrie est occupée par les Allemands et traitée en territoire conquis. Adolf Hitler (1889-1945), chancelier du Reich, fait arrêter le régent et confie le pouvoir à Ferenc Szálasi (1897-1946), fondateur du Parti des Croix fléchées, qui établit une dictature sanglante au profit de l`Allemagne. Le 4 avril 1945, la Hongrie est libérée par l`armée soviétique; elle passe progressivement sous la direction des communistes entre 1945 et 1948. En novembre 1945, les premières élections libres ont lieu. Elles sont remportées par le parti paysan qui recueille 57 % des voix, contre 17 % aux communistes. Le Parti des petits propriétaires obtient alors 246 sièges sur 416. Néanmoins, l`appui soviétique assure aux communistes et à leur chef Mátyás Rákosi (1892-1971), une influence croissante au sein du gouvernement de coalition issu des élections. Le 1er février 1946, la république est proclamée. Le pasteur Zoltan Tildy (1889-1961) reçoit la charge de former le nouveau gouvernement. Mais c`est au communiste Lászlo Rajk (1909-1949) qu`échoit le portefeuille de l`Intérieur. Tildy nomme Imre Nagy comme Premier ministre. Le pouvoir est désormais aux mains des communistes qui établissent un régime de démocratie populaire. Depuis 1947 donc, la Hongrie est sous la domination absolue des communistes. Environ 40,000 soldats russes et 175,000 soldats de l`armée communiste hongroise soutiennent le régime. En juin 1948, le Parti des travailleurs hongrois est formé, suite au rapprochement entre communistes et socialistes. En décembre 1948, Isztván Dobi (1898-1968), du Parti des petits travailleurs, est nommé chef du gouvernement. Le 15 mai 1949, des élections ont lieu à l`Assemblée nationale. À cette occasion, il n`y a pas de candidats d`opposition mais des listes uniques du « Front de l`indépendance populaire »; le résultat donne 270 sièges sur 395 au Parti communiste. En mai 1949, le caractère stalinien du régime se manifeste brutalement avec le procès, la condamnation à mort et l`exécution du ministre des Affaires étrangères Lászlo Rajk (1909-1949), accusé d`« activités criminelles antisoviétiques, antisocialistes, antidémocratiques et antihongroises ». Le 20 août 1949, la Hongrie devient une république  socialiste placée sous l`influence de Moscou. Elle est dirigée jusqu`en 1953 par le secrétaire général du Parti communiste Mátyás Rákosi qui emploie des méthodes staliniennes de gouvernement tant sur le plan  politique (procès du cardinal Mindszenty et du « titiste » Lászlo Rajk) qu`économique.

À partir de 1953, des frictions se produisent au sein du Parti communiste (Parti des travailleurs hongrois) entre les « staliniens », que dirige Mátyás Rákosi, et les « révisionnistes » groupés autour d`Imre Nagy. Le 4 juillet 1953, Rákosi démissionne comme président du Conseil, Nagy, représentant de la tendance libérale du parti lui succède. Le 18 avril 1955, Nagy convaincu de « déviationnisme droitier et antimarxiste » est évincé du pouvoir. Il est alors relevé de toutes ses fonctions au bureau politique et au Comité central, où Andras Hegedus lui succède. En novembre, Nagy est exclu du Parti.

À ce facteur de trouble s`ajoute le mécontentement populaire dû à certains excès du régime et à des difficultés économiques. Comme on peut le lire ci-après, la crise aboutit au soulèvement de l`automne 1956, qui porte Imre Nagy au pouvoir mais provoque l`intervention brutale des troupes soviétiques. János Kádár (1912-1989), alors ministre de l`Intérieur lors du soulèvement de 1956, se détache de Nagy et réclame la seconde intervention soviétique, en novembre. Premier secrétaire du Parti communiste hongrois, Kádár, sur injonction de l`U.R.S.S.,  forme un nouveau gouvernement, réorganise le parti et brise toute opposition.

 

L`assujettissement communiste

 

En 1952-53, Matyas Rákosi (1892-1971) est président du Conseil; il suit strictement la ligne stalinienne. Après 1953, il lutte contre la ligne libérale Imre Nagy. Le 29 mars 1956, il annonce la réhabilitation de Lászlo Rajk. Le 18 juillet 1956, le Comité central du Parti communiste hongrois reçoit une lettre de Rákosi qui demande à être relevé de ses fonctions de premier secrétaire et de membre du bureau politique, pour raisons de santé. Suite à sa démission, c`est Erno Gerö (1898-1980) qui lui succède comme premier secrétaire du Parti pendant l`insurrection de Budapest. En juillet 1956, des signes d`agitation se manifestent parmi les travailleurs hongrois, qui se solidarisent avec les émeutiers polonais de Poznan (juin 1956). Rákosi est alors éliminé de la direction du Parti. Au moment de la révolution hongroise, il se réfugie en U.R.S.S. En 1962, il est exclu du Parti.

Le 4 juillet 1953, Imre Nagy (1896-1958), partisan d`une certaine libéralisation (relâche de la collectivisation, il supprime les trop grandes atteintes aux libertés individuelles en promulguant une amnistie et la fermeture des camps d`internement), remplace Rákosi après la démission de ce dernier à la tête du gouvernement hongrois. Nagy est lui-même écarté du pouvoir le 18 avril 1955, et accusé de déviationnisme de droite par une résolution du Parti. Il est rappelé en octobre 1956 lors de la révolution antisoviétique. Le 30 octobre 1956, Nagy proclame la fin du parti unique. Le 31 octobre, le Kremlin retire sa confiance à Nagy et décide une nouvelle intervention militaire. Le 1er novembre,  il annonce que la Hongrie se retire du Pacte de Varsovie et le 3 novembre, il demande à l`O.N.U., la garantie de sa neutralité. Ce dernier prend fait et cause pour les insurgés. Tenu pour responsable des événements, il est arrêté le 23 novembre, emmené en Roumanie, ramené quelques mois plus tard à Budapest et exécuté par pendaison le 16 juin 1958 après un procès secret. Les troupes soviétiques imposent alors un gouvernement dirigé par János Kádár (1912-1989), premier secrétaire du Parti communiste hongrois. Celui-ci se livre à une dure répression (traduction d`insurgés devant des tribunaux d`exception, exécutions, internements administratifs).

Le remplacement de Nagy, le 18 avril 1955, par Andras Hegedüs (1922-1999) comme président du Conseil des ministres accentue la colère des opposants au régime. Le 23 octobre 1956, les étudiants manifestent à Budapest et déclenchent les évènements révolutionnaires. Le lendemain, le 24 octobre 1956, le jour de l’entrée des chars russes à Budapest, il est démis de ses fonctions et remplacé par Imre Nagy puis il s’envole pour l’U.R.S.S. avec Ernő Gerő (1898-1980) premier secrétaire du Parti communiste hongrois. Hegedüs à la demande expresse de Iouri Andropov (1914-1984), ambassadeur en Hongrie de 1953 à 1957, signe le 26 octobre 1956 une demande d’intervention des forces russes en Hongrie pour selon ses mots abattre une « contre-révolution fasciste », demande antidatée au 24 octobre 1956 et transmise par télégramme crypté le 28 octobre 1956 par Andropov.

Libéré en 1954 par Imre Nagy, Premier ministre d’un courant réformateur, János Kádár hésite à prendre parti entre les réformateurs et les staliniens. Pendant l’insurrection de Budapest du 23 octobre 1956, Kádár, premier secrétaire du Parti communiste hongrois, est d’abord favorable aux insurgés puis forme un contre-gouvernement qui soutient l’intervention soviétique. Il passe en Union soviétique puis y forme un « gouvernement ouvrier-paysan » qui fait appel, officiellement à l’aide de l’Armée Rouge pour y rétablir le pouvoir socialiste. Le 16 juin 1958, des personnalités mises en avant au cours de la révolte, notamment Nagy et l`ancien ministre de la Défense, Pal Maleter (1917-1958) sont exécutées, sur des accusations de tentative de renversement de la République populaire hongroise.

 

La Révolution hongroise de 1956

 

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En Hongrie, ces mesures de « déstalinisation » demeurent incomplètes et n`empêchent pas le développement d`une opposition, notamment chez les intellectuels et les étudiants. Par exemple, le 18 octobre 1955, soixante-sept écrivains hongrois réclament la liberté dans le domaine artistique.

Le 22 octobre 1956, les étudiants de l`Université de Budapest, bientôt suivis par les intellectuels et les mouvements de jeunesse, rédigent des manifestes dans lesquels ils demandent le retrait des troupes soviétiques, des élections et la formation d`un gouvernement responsable devant le Parlement. Le même jour, la décision est prise d`organiser pour le lendemain une grande manifestation de solidarité avec la Pologne; toutefois, elle dégénère en émeute populaire : la statue de Staline est déboulonnée, l`étoile rouge du drapeau national arrachée, et toute la population déferle dans les rues.

 

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Le 23 octobre, à Budapest, une manifestation de soutien aux réformes polonaises se rassemble devant la statue du grand poète national Sandor Petöfi (1823-1849). En quelques heures, la manifestation grossit de quelques milliers à des centaines de milliers de personnes, et se transforme en insurrection, en guerre de libération. Or, cette opposition aboutit au mouvement insurrectionnel d`octobre 1956 (qui tourne à l`anticommunisme et à l`antisoviétisme) qui réclame, dès le 23 octobre, le retour au pouvoir du modéré Imre Nagy à la présidence de la Hongrie. Ce dernier, impuissant à endiguer le déferlement antisoviétique, fait appel aux troupes russes, qui s`installent à Budapest le 25 octobre. Le 28 octobre, Nagy  signe un accord avec le Kremlin, qui se déclare prêt à aménager les relations entre États socialistes sur la base de l`égalité des droits. Le 29 octobre, les troupes soviétiques quittent Budapest mais demeurent à proximité. Sous la pression de l`opinion publique, Nagy constitue un gouvernement où les communistes ne détiennent que trois ministères sur douze. Le nouveau secrétaire du Parti, János Kádár, ancien ministre de l`Intérieur, après avoir soutenu Nagy, se retourne contre lui et fait appel aux blindés soviétiques, le 1er novembre. À partir de 1957, Kádár poursuit la répression de 1956 : 20,000 arrestations et l`exécution d`une centaine de personnes dont Imre Nagy en 1958. En juin 1958, tenu responsable des événements, Nagy, après un procès secret, est condamné à mort et est exécuté.

Du 30 octobre au 4 novembre 1956, la Hongrie (devenue République socialiste le 1er février 1946 mais absorbée en 1948 par la Russie) se soulève contre le totalitarisme soviétique. Mais cette révolte est impitoyablement réprimée par les chars d`assaut soviétiques et les anciens staliniens reviennent au pouvoir. Donc, entre le 4 et le 11 novembre, l`Armée rouge intervient brutalement et se rend vite maîtresse de la capitale Budapest, tandis que les combats continuent en province. Le 4 novembre au matin, 200,000 hommes, 2500 blindés pénètrent dans Budapest. Le même jour, deux mille insurgés sont exécutés et des milliers d`autres sont emprisonnés ou déportés. Le 4 toujours, János Kádár annonce la formation, sous sa direction, d`un gouvernement « révolutionnaire, ouvrier et paysan ». Le 9 novembre, la grève générale se poursuit, mais toute résistance armée a pratiquement cessé, le 13 novembre 1956. Le 16 novembre, voit la fin de la grève générale.

La répression fait 3000 morts et environ 200,000 Hongrois sont contraints de fuir leur pays en trouvant refuge à l`Ouest. En tout, il y a eu plus de 35,000 arrestations suivies d`une instruction pénale et 22,000 personnes sont condamnées à une peine. Entre 400 et 500 exécutions ont eu lieu, mais une moitié étaient des insurgés.

 

Les intellectuel hongrois dans l`après-guerre 39-45

 

Au lendemain de la guerre, poètes, romanciers, intellectuels néo-catholiques font entendre leurs voix et témoignent de la nouvelle condition politique du pays. Les écrivains du Cercle Petöfi et les étudiants multiplient les réunions publiques, au cours desquelles Mátyás Rákosi et son équipe sont mis en accusation. De plus, les revues littéraires consacrent de longues études au régime et à ses tares.

Ainsi, en Hongrie, comme dans tous les pays où la bourgeoisie libérale ne constitue pas une classe dominante, les intellectuels deviennent le symbole de la conscience nationale et donnent à la nation sa réalité profonde.

 

Le Cercle Petöfi

 

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Le 25 mars 1955 voit la fondation du Cercle Petöfi au sein des Jeunesses communistes (DISZ). Tribune de discussion, il organise de nombreux débats sur l’économie, l’historiographie, la philosophie marxiste, le sort des volontaires de la guerre d’Espagne (1936-1939) qui ont été décimés ainsi que sur la presse. Le Cercle, qui rassemble écrivains et journalistes, prend une position de plus en plus hostile à la direction en place et se donne pour président, le peintre et écrivain hongrois Lajos Kassak (1887-1967),  récemment libéré de prison. Contrôlé par le Parti communiste, le Cercle est transformé en 1956 par ses dirigeants en un club de discussion dont les réunions qui mettent  en cause la politique culturelle et économique du régime, attirent à partir du mois de juin, une audience de plus en plus nombreuse.

Le 27 juin 1956, à Budapest, lors d`un débat public, organisé par le Cercle Petöfi, des écrivains, des historiens et des journalistes (la plupart communistes) réclame le changement de la direction du Parti et le retour au pouvoir d`Imre Nagy, limogé en mars 1955. Ils exigent également la réhabilitation de Lászlo Rajk, ministre des Affaires étrangères. Lors de son procès, du 16 au 24 septembre 1949, Rajk est accusé de titisme (version de l`idéologie communiste adoptée après 1948 par le président yougoslave Tito), condamné et exécuté. En juillet 1956, le départ de Rákosi encourage les étudiants, les journalistes et les écrivains à être plus actifs et critiques sur la politique nationale. Les étudiants et les journalistes commencent une série de forums intellectuels examinant les problèmes que doit affronter la Hongrie. Ces forums, appelés cercles Petőfi, deviennent très populaires et attirent des milliers de participants. Au cours des deux années où il détient le pouvoir, Nagy conseille, aux intellectuels,  le libre examen des œuvres étrangères et le respect de la personne humaine.

Mentionnons que le nom du Cercle se veut un hommage au poète hongrois Sandor Petöfi. Dès 1847, ce dernier manifeste de fortes sympathies pour le mouvement révolutionnaire hongrois, ce qui l`amène à lutter pour l`indépendance de son pays. Il participe à la révolution de 1848-49, au cours de laquelle il trouve la mort, le 31 juillet 1849. Ses chants patriotiques font de lui le poète national de la Hongrie.

 

Le Journal littéraire Irodalmi Ujság

 

Irodalmi Ujság, est lancé le 2 novembre 1950. Comme organe de l`Association des écrivains, l`hebdomadaire devient le porte-parole de la révolution de 1956. L`écrivain hongrois Béla Illés (1895-1974) en est le rédacteur en chef jusqu`au 22 septembre 1956. Parmi ses collaborateurs, le poète et essayiste hongrois Gyula Illyés (1902-1982), barde de la nation, qui rédige en 1950, Une phrase sur la tyrannie, montage de visions d’épouvante et de faits quotidiens, passé sous le manteau avant d’être publié en 1956 dans Irodalmi Újság.

 

Georg Lukacs

 

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En 1956, le philosophe marxiste hongrois Georg Lukacs (1885-1971) est ministre de la Culture dans le gouvernement d’Imre Nagy. Après la répression de l’Insurrection de Budapest, il est déporté en Roumanie, mais il revient en Hongrie en 1957.

Suite à la Révolution russe, il adhère, en 1918, au Parti communiste hongrois. De mars à août 1919, il est commissaire à l`Instruction dans le gouvernement dirigé par Béla Kun (1886-1938). En 1923, émigré à Vienne, il publie Geschichte und Klassenbewusstsein  (Histoire et Conscience de classe, Éd. de Minuit, 1960). Le livre rassemble une série d`études sur la dialectique marxiste écrites entre 1919 et 1922. Dans cet ouvrage, il interprète les thèses du philosophe allemand Karl Marx (1818-1883) dans une perspective humaniste. Il y développe une analyse de l`aliénation qui se manifeste comme réification et fausse conscience et introduit la notion de « conscience possible ».

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En 1924, il est condamné pour déviationnisme par les Bolcheviks au Ve congrès de la IIIe Internationale ouvrière. La raison en est que, dans Histoire et Conscience de classe, il suggère que marxisme est plus une méthode (de penser et d`agir) qu`une doctrine. De plus, il estime qu`on peut être fidèle à l`esprit de Marx (entendons sa méthode) sans être assujetti à ses prédictions.  Il quitte alors le comité central du Parti communiste hongrois. En 1933, il se réfugie en U.R.S.S. où il enseigne à l`Institut Marx-Engels; il y fait également son autocritique. En 1945, à la fin de la guerre,  il rentre en Hongrie où il devient membre du Parlement et professeur de philosophie à l`Université de Budapest. En 1970, il est réhabilité après avoir été écarté de ses responsabilités universitaires pendant vingt ans. Il demeure un des plus importants théoriciens marxistes du XXe siècle.

 

Le cas du cardinal József Mindszenty

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l`archevêque d`Esztergom et primat de l`Église catholique de Hongrie (1945), József Mindszenty (1892-1975), combat le nazisme et est emprisonné par les Allemands de 1944 à 1945. En 1946, il est nommé cardinal. Par la suite, il mène la résistance passive de l`Église à l`égard du régime communiste. En effet, il s`élève contre certaines décisions du régime communiste, notamment à la nationalisation des écoles catholiques qui vient d`être votée par le Parlement. Or, dès 1948, les associations catholiques ont toutes disparu. En décembre 1948, il est arrêté sous l`accusation de haute trahison et emprisonné par les communistes, accusé de trahison espionnage et trafic de devises et condamné, en février 1949, aux travaux forcés à perpétuité. Par ailleurs, 130 prêtres et religieux sont en prison et 300 en camp de concentration.

 

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En 1953, comme le climat s`améliore avec le gouvernement Nagy, la peine du cardinal Mindszenty est commuée en assignation à résidence surveillée. Lors du soulèvement d`octobre 1956, le 30 octobre, libéré par une unité de l`armée hongroise, il revient à Budapest où il est accueilli avec enthousiasme; le gouvernement d`Imre Nagy le réhabilite et le rétablit dans ses fonctions. Le 3 novembre 1956, il se déclare pour le progrès social, une société sans classes, un État régi par la loi; il réclame de plus la liberté du culte et la propriété privée. Mais, le 4 novembre 1956, il est obligé, après l`échec du mouvement, de chercher refuge à l`Ambassade américaine, à Budapest, jusqu`en septembre 1971, date où il se retire à Vienne, à la suite de difficiles négociations entre le Saint Siège et le gouvernement hongrois. Il y meurt quatre ans plus tard. Il est réhabilité en 1990.

Mentionnons que le 30 octobre 1956, l`évêque protestant Lajos Ordass (1901-1978) est également libéré. Ayant vécu deux guerres mondiales et la « Guerre froide », il n’a jamais cessé d’être un défenseur de la liberté religieuse et a été actif au Conseil oecuménique des Églises. Un effort croissant du gouvernement communiste pour éradiquer toutes les églises, sauf une église approuvée par l’État, a finalement conduit à son emprisonnement et à sa retraite forcée. Interdit de prêcher, il a écrit plus de quatorze livres.

 

Tibor Déry

 

Écrivain et traducteur hongrois, Tibor Déry (1894-1977) est exclu du Parti communiste en 1953. En 1956, il soutient la Révolution hongroise et est emprisonné jusqu’en 1960. En 1935, après un exil en Autriche et en France, il rentre en Hongrie. Il est alors emprisonné sous le régime de Miklos Horthy (1868-1957) pour avoir traduit Retour d`U.R.S.S. (Gallimard, 1936) de l`écrivain français André Gide (1869-1951). L`ouvrage décrit le désenchantement de ce dernier à l’occasion de son séjour en Union soviétique en juin 1936.

 

La réaction des intellectuels en France

 

La revue Preuves

 

En mars 1951 à Paris, la revue Preuves est créée par un collectif d’intellectuels allemands et suisses. Elle défend, face au totalitarisme, les valeurs européennes du droit, de l’esprit critique et de la personne. Elle est dirigée par le journaliste François Bondy (1915-2003). Son financement est assuré par le Congrès international pour la liberté de la culture (CILC), créé par les États-Unis au début de la Guerre froide dans le cadre de la lutte idéologique contre l’U.R.S.S. Son équipe est constituée d’intellectuels d’horizons politiques très divers : des socialistes, des syndicalistes, des gaullistes et des libéraux. Parmi ses collaborateurs les plus connus dans les années 1950, on retrouve : le philosophe français Raymond Aron (1905-1983), le romancier et essayiste hongrois Arthur Koestler (1905-1983), l`écrivain et essayiste français Thierry Maulnier (1909-1988), le philosophe suisse Denis de Rougemont (1906-1985), l`écrivain et homme politique français David Rousset (1912-1997), le journaliste russe Boris Souvarine (1895-1984) et le romancier et essayiste autrichien Manès Sperber (1905-1984).

Mentionnons qu`en 1948, Raymond Aron publie Le Grand Schisme (Gallimard) où il critique radicalement l`U.R.S.S. et le marxisme. Dans ce livre, le communisme y est défini en terme de religion séculière et la séduction qu`il exerce auprès des intellectuels n`est, pour lui, que le résultat de la mauvaise conscience de ces derniers. Cette analyse est justement reprise dans L`opium des intellectuels (Calmann-Lévy, 1955), ouvrage dans lequel il souligne l`aveuglement et la bienveillance des intellectuels à l`égard des régimes communistes. Partisan du « monde libre », il dénonce dans les années 1950-1960, le « conformisme marxisant » de l’intelligentsia française. Par là, il devient l’intellectuel de droite de l’époque, face à Sartre qui symbolise l’intellectuel de gauche. Après 1956, les intellectuels de gauche restent largement majoritaires et le marxisme conserve pour un temps une position d`hégémonie.

De son côté, Denis de Rougemont prend part en 1950 à Berlin à un rassemblement d’intellectuels qui donne naissance au Congrès international pour la liberté de la culture  (CILC), dont il préside le comité exécutif jusqu’en 1966. Il publie dans Preuves, no. 66 (août 1956) « Les joyeux butors du Kremlin », l`article participe à cette entreprise de démystification, en insistant sur l’absence de changements réels en U.R.S.S.

Fondé au Titania Palace à Berlin-Ouest, le 26 juin 1950, le Congrès international pour la liberté de la culture (CILC), domicilié à Paris, est une association culturelle anticommuniste. Parmi les personnalités présentes au Titania Palace, on dénombre tous types d’intellectuels antistaliniens : le philosophe allemand Karl Jaspers (1883-1969), le philosophe américain John Dewey (1859-1952), le philosophe britannique Bertrand Russell (1872-1970), le philosophe italien Benedetto Croce (1866-1952), le philosophe français Jacques Maritain (1882-1973), le philosophe américain Sidney Hook (1902-1989).

 

Albert Camus

 

Suite à l`insurrection hongroise, le philosophe et écrivain français, Albert Camus (1913-1960) prononce un discours, le 15 mars 1957, à la Salle Wagram à Paris, au meeting organisé par le Comité de Solidarité antifasciste, à l’occasion de la fête nationale hongroise. Le texte intitulé « Le sang des Hongrois » est publié dans le Franc-Tireur du 18 mars 1957. En voici quelques extraits :

 « Je ne suis pas de ceux qui souhaitent que le peuple hongrois prenne à nouveau les armes dans une insurrection vouée à l’écrasement, sous les yeux d’une société internationale qui ne lui ménagera ni applaudissements, ni larmes vertueuses, mais qui retournera ensuite à ses pantoufles comme font les sportifs de gradins, le dimanche soir, après un match de coupe.

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Mais je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il peut y avoir un accommodement, même résigné, même provisoire, avec un régime de terreur qui a autant le droit à s’appeler socialiste que les bourreaux de l’Inquisition en avaient à s’appeler chrétiens.

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Cette Hongrie vaincue et enchaînée que nos faux réalistes comparent avec apitoiement à la Pologne, encore sur le point d’équilibre, a plus fait pour la liberté et la justice qu’aucun peuple depuis vingt ans. Mais, pour que cette leçon atteigne et persuade en Occident ceux qui se bouchaient les oreilles et les yeux, il a fallu, et nous ne pourrons nous en consoler, que le peuple hongrois versât à flots un sang qui sèche déjà dans les mémoires.

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Ces ouvriers et ces intellectuels hongrois, auprès desquels nous nous tenons aujourd’hui avec tant de chagrin impuissant, ont compris cela et nous l’ont fait mieux comprendre. C’est pourquoi si leur malheur est le nôtre, leur espoir nous appartient aussi. Malgré leur misère, leur exil, leurs chaînes, ils nous ont laissé un royal héritage que nous avons à mériter : la liberté, qu’ils n’ont pas choisie, mais qu’en un seul jour ils nous ont rendue ».

 

Jean-Paul Sartre

 

Même Jean-Paul Sartre (1905-1980), un compagnon de route convaincu depuis 1952, critique les Soviétiques dans un article intitulé « Le Fantôme de Staline », paru dans Les Temps modernes,  nos. 129-130-131 (novembre-décembre 1956 – janvier 1957), p. 577-697. Le même texte est repris en 1965 chez Gallimard dans Situations VII (p. 144-307), puis dans la première partie de Questions de méthode (Gallimard, 1957). Il y condamne à la fois l’intervention soviétique et la soumission du Parti communiste français (PCF) aux diktats de Moscou. À preuve, cette affirmation :

« Je vous déclare tout net qu’on ne nous aura plus avec le chantage au fascisme ».

Concernant sa rupture avec les communistes, il affirme dans une interview accordée à L`Express le 9 novembre 1956 :

« Je brise à regret, mais entièrement, mes rapports avec mes amis, les écrivains soviétiques, qui ne dénoncent pas le massacre en Hongrie. On ne peut plus avoir d`amitié pour la fraction dirigeante de la bureaucratie soviétique : c`est l`horreur qui domine ».

Mentionnons que dès 1948, Sartre considère que le régime soviétique représente l`avenir; alors que pour Aron, c`est bien plutôt la nouvelle figure du totalitarisme. Puis, en 1952, Sartre se convertit au communisme. En mai 1954, il effectue son premier voyage en U.R.S.S.

sartre-moscou-1954

À son retour de voyage, il donne à Libération, le quotidien proche du PCF, une série de six articles à la gloire du régime soviétique. La même année, il déclare « Le citoyen soviétique possède, à mon avis, une entière liberté de critique ». Il en effectue neuf autres jusqu`en 1966. En 1956, on assiste à sa prise de distance avec le modèle soviétique.

 

Dominique Venner

 

Suite à l`insurrection hongroise, le journaliste et essayiste français Dominique Venner (1935-2013) participe, en compagnie de plusieurs milliers d’étudiants, à la mise à sac et à l`incendie du siège du Parti communiste français (PCF), le 7 novembre 1956 à Paris. Auparavant, en 1952, militant politique, il s`engage comme volontaire pour la guerre d`Algérie où il combat contre le Front de libération nationale (FLN). À son retour à Paris, constatant le soutien du Parti communiste français au FLN, il s’engage en politique et entre au mouvement nationaliste français Jeune Nation.

 

Emmanuel Le Roy Ladurie

 

Suite à l`insurrection hongroise et à sa rencontre avec le groupe Socialisme et Barbarie, Emmanuel Le Roy Ladurie, communiste modéré, démissionne du Parti communiste français du fait de l’alignement complet de celui-ci sur son homologue soviétique. En effet, il rompt en 1956, comme sa consœur, l`historienne Annie Kriegel (1926-1955) et ses collègues François Furet (1927-1997) et Alain Besançon, après l’invasion de la Hongrie par l’Union soviétique. Il rejoint par la suite le Parti socialiste unifié (PSU), fondé en 1960.

 

Claude Roy

 

Suite à l`intervention soviétique en Hongrie, le journaliste et écrivain Claude Roy (1915-1997) publie une protestation qui lui vaut une exclusion temporaire du PCF. À partir de 1957, il amorce sa collaboration à l`hebdomadaire France Observateur où il exprime des positions antisoviétiques. C`est dans ce même hebdomadaire, le 26 juin 1958, qu`il publie sa lettre de démission.  En juin 1958, il est définitivement exclu du PCF auquel il avait adhéré en 1943.

 

Roger Vailland

 

Inscrit au PCF en 1952, l`écrivain et essayiste Roger Vailland (1907-1965) s`en désengage après l`insurrection de Budapest de 1956. Après la Guerre 39-45, il s`engage alors publiquement aux côtés du PCF. À l`occasion de la guerre de Corée (1950-1953), il affirme son adhésion totale au stalinisme. La mort de Staline (1953) l`affecte profondément si bien qu`il ne tolère aucune critique à l`endroit du PCF. Les premières révélations du XXe Congrès du Parti communiste de l`Union soviétique (14 au 25 février 1956) représente pour lui le produit d`un complot international. Toutefois, son engagement se fissure à la publication du Rapport Khrouchtchev, le 6 juin 1956. Suite à la demande de Sartre, il signe un texte dénonçant les violences soviétiques à Budapest. Bien que regrettant cette signature, ses relations avec le PCF se détériorent; il quitte le Parti à la fin de 1956.

 

Claude Morgan

 

Journaliste, romancier et militant communiste, Claude Morgan (1898-1980)  a joué un rôle médiateur dans le cadre de la politique du PCF à l`égard des intellectuels. En 1937, il adhère au PCF. En 1955, il est d`accord avec la signature du Pacte de Varsovie. Toutefois, le Rapport Khrouchtchev et l`intervention soviétique en Hongrie le désolidarisent du PCF. Ainsi, avec Sartre, Vercors, Vailland, Claude Roy et d`autres intellectuels compagnons de route ou communistes, il signe un manifeste contre l`ingérence soviétique. De plus, après avoir tenté en vain de lutter au sein du PCF, il ne renouvelle pas sa carte du Parti.

 

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