Je crois que la démocratie est un système politique défaillant, parce que la majorité des individus ne sont pas en mesure de déterminer quelles sont les bonnes décisions à prendre.
(Notons ici que l’explication de l’argument sera très importante : est-ce parce qu’on suppose que la majorité des gens sont des idiots? Est-ce que l’éducation ne fait pas justement en sorte que la majorité est suffisamment instruite pour juger?)
Pour prendre une bonne décision, les bonnes intentions ne suffisent pas, il faut aussi avoir une bonne connaissance du sujet en question. C’est d’ailleurs pourquoi on dit parfois que «l’enfer est pavé de bonnes intentions». Cependant, les décisions politiques couvrent une très large variété de sujets et d’enjeux. Or, ces enjeux comportent non seulement des controverses concernant la manière de tenter de les aborder et de les régler, mais en plus ceux-ci sont souvent complexes (après tout, si les solutions étaient si évidentes, on les aurait déjà appliquées). Le problème ici, c’est qu’il n’est pas vraiment possible de bien connaître tous les dossiers, puisqu’il y en a tout simplement trop pour le temps dont on peut disposer, en tant que citoyen, pour fouiller chacun de ceux-ci. Par conséquent, si la majorité n’est pas apte à prendre les bonnes décisions, ce n’est pas parce que la majorité serait composée d’idiots et ce n’est pas non plus parce que la majorité n’aurait pas l’éducation nécessaire. C’est plus simplement (ou plus humainement), parce que la majorité ne dispose tout simplement pas du temps nécessaire pour bien connaître tous les dossiers qui seront impliqués par les prises de décisions.
Exemple de l’argument :
Par exemple, la majorité des gens vont travailler 40 heures par semaine. À cela s’ajoutent parfois des contraintes familiales, ainsi que du temps pour des loisirs. En fin de compte, lors d’élections par exemple, il devient difficile de disposer du temps nécessaire pour lire à fond tous les programmes politiques de tous les partis. Mais encore là, lire les programmes n’est pas suffisant, puisqu’il faudrait aussi s’assurer qu’ils ne contiennent pas de sophismes de caricature. Et pour le savoir, il faudrait pouvoir s’informer à fond sur les sujets et sur l’état des lieux dans la réalité, «sur le terrain», en s’assurant d’en saisir tous les aspects. Or, on ne peut pas faire cela pour tous les sujets : santé, éducation, environnement, économie, etc., car ça deviendrait un travail à temps plein. Par conséquent, on se prononce davantage sur la base d’impressions et de connaissances partielles que sur la base d’une véritable connaissance de toutes les implications.
Par contre, certains pourraient m’objecter que la démocratie n’est pas un système politique défaillant, car au contraire elle rend plus difficile la prise de contrôle par des «spécialistes» qui pourraient être tentés de privilégier leurs propres intérêts lors de décisions politiques.…(refaire les mêmes étapes que pour ce qui précède)…
Patrice Létourneau est enseignant en philosophie au Cégep de Trois-Rivières depuis 2005. Outre son enseignement, il a aussi été en charge de la coordination du Département de Philosophie pendant 8 ans, de juin 2009 à juin 2017. Il est par ailleurs l’auteur d’un essai sur le langage, le sens et l’interprétation (Éditions Nota bene, 2005), ainsi que d’autres publications avec des éditeurs reconnus. Il collabore à PhiloTR depuis 2005. (Article sur PhiloTR | Site personnel)