Le 5 août 1981, Ronald Reagan, président des États-Unis, licencie 11345 contrôleurs aériens parce qu’ils sont en grève. Il les remplace par des « scabs » empruntés à l’armée, puis, progressivement, par des « scabs » civils. En mai 1982, René Lévesque, premier ministre du Québec, coupe les salaires des fonctionnaires de 20% et gèle les échelons salariaux. Dans les années 1984-85, Margaret Thatcher, première ministre britannique, affronte des milliers de mineurs en grève. Ceux qui ont voté contre la grève continuent de travailler et sont amenés sur les lieux de travail en fourgons blindés… La liste est interminable, et il y a peu ou prou de contre-exemples. Lors de chacun de ces événements, il n’y en a pas eu beaucoup pour pleurer, sauf les premiers concernés et leurs familles, bien entendu.
En gros, trente-cinq ans de mensonges, de duperies et, pour certains, d’illusions non encore éteintes. Trente-cinq ans de néo-libéralisme sauvage, dont les conséquences sont de moins en moins contestées: accroissement de la richesse d’une petite partie de la population au détriment de tous les autres. C’est un mode de gestion pensé par des voleurs, pour des voleurs, et de plus en plus administré par des voleurs, qui s’immiscent parmi les décideurs de l’État alors qu’ils n’ont aucun respect pour la fonction dont ils affirment vouloir se charger.
Il y a « vol » chaque fois que de l’argent public est transféré, directement ou indirectement, à des entreprises privées, dont la raison d’être n’est pas le bien public, mais la maximisation des profits; « vol », chaque fois qu’une législation vient favoriser l’entreprise privée au détriment de la chose publique; « vol », chaque fois que l’on attaque le secteur public dans le but d’en réduire l’efficacité et, a contrario, de faire paraître le secteur privé plus attrayant.
On se demandera alors comment il se fait que ce système perdure. Plusieurs raisons peuvent être invoquées, mais l’une des plus évidentes réside dans le fait que ces voleurs ont peaufiné un mode d’attaque bien connu des hyènes, coyotes et autres loups: le troupeau est indigeste lorsqu’il est bien regroupé, la tactique consiste alors à isoler quelques bêtes et à les bouffer en paix, sous le regard impassible des autres, qui continuent simplement à brouter leur herbe, quand ce n’est pas qu’ils se réjouissent à l’idée que cela leur fera plus de foin pour eux-mêmes.
Pourtant, à l’exception des loups, nous y passons tous, à tour de rôle.
C’est par manque de vision et par manque de solidarité que ce mode de gestion de l’État perdure, alors qu’il n’est en fait qu’un anti-État et qu’il nous appauvrit tous, que l’on travaille dans le secteur privé ou public.
Le 1er mai 2015, par-delà nos problèmes locaux, nous nous donnons une occasion de dénoncer ces voleurs et d’afficher un peu de cette solidarité qui nous manque. J’y serai.
Yvon Corbeil
Yvon Corbeil, PhD, Professeur de philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 2002 à 2019. Son site personnel, Queue de mots : cyllycyl.wixsite.com/queuedemots