Étudiante au Cégep de Trois-Rivières, récipiendaire du Prix 2017 au Concours d'écriture sur les Femmes Philosophes (Prix 2017).

[NDLR : nous publions ici le texte de Pénélope Cossette Fortin, étudiante lauréate du 2e prix de 100$ à l’édition 2017 du Concours d’écriture sur la présentation de femmes philosophes.]


 

Par Pénélope Cossette Fortin

(Lauréate du 2e prix

au Concours d’écriture sur la présentation de femmes philosophes – 2017)

 

« Lire c’est oublier, tout oublier, y compris ses lectures passées,

toutes ces histoires qui sommeillent dans nos arrière-mémoires

et qui ne demandent qu’à ressurgir à l’improviste,

ces pages entières qui nous tombent dessus

– mais jamais, justement quand on lit, faire table rase,

retrouver l’innocence. »

– Laure Adler

 

Lorsqu’on lit, qu’on se glisse entre les pages et qu’on s’entremêle avec les mots, c’est comme si l’on changeait complètement de vie. Nous oublions la réalité, qui nous sommes, d’où nous venons et tout ce que nous avons pu vivre, et ce, pour mieux s’abandonner à l’histoire et pour mieux aimer, détester, admirer les personnages. Les mots semblent engourdir notre cerveau à un point tel, que la seule chose qui nous est possible de faire est de parcourir les pages, comme si l’encre pouvait nous éveiller de cette torpeur. Nous sommes les heureuses victimes d’une amnésie temporaire qui nous fait oublier nos soucis, nos peines, nos joies. La pièce, dans laquelle nous nous trouvons, s’efface peu à peu pour laisser place à ces folles imaginations inspirées par ce que nos yeux caressent. Il nous est possible de sentir la présence des personnages, pareil à si nous côtoyions de vraies personnes, bien qu’à ce moment précis, pour nous ils sont réels. Ils s’accrochent à nous et nous nous accrochons à eux, ils deviennent notre famille, nos amis, une partie de nous indissociable. C’est pourquoi, lorsque l’un d’eux meurt, rien ne semble plus douloureux. Un morceau de nous est arraché. Une pièce du casse-tête est manquante. Alors qu’au tout début de la lecture, nous étions des livres aux pages vierges, ces dernières sont désormais couvertes de taches d’encre, de lettres et de tourbillons de couleurs. Le cyan, la cramoisie, l’émeraude, l’azur, le pourpre, l’orange peignent des visages et des formes sur nos pages. Le livre que nous sommes tremble de peur et de colère, rougit de honte, pleure de désarroi et de joie, il rit aux éclats. Il gondole sous la pluie des tropiques et de la jungle, il craquèle sous le soleil du désert et s’imprègne des parfums de nos pays imaginaires. Peut-être pouvons-nous même trouver entre nos pages, le sable de cette île mystérieuse que nous avons visitée ? Nous voilà en plein cœur de l’histoire, notre pouls s’emballe et nous sommes couverts de sueur froide, un sentiment intense est provoqué par un chapitre inquiétant. Nous nous tenons à côté du personnage, dans un geste, notre main s’empare de la sienne, tentant de le rassurer et par le fait même, d’apaiser nos propres inquiétudes. Plus loin, le moment que nous attendions avec l’impatience d’un enfant arrive, notre cœur se gonfle de fierté, tout joyeux, il fait un saut périlleux dans notre cage thoracique. Comment de simples mots, sur une page, peuvent nous faire ressentir de telles émotions ? C’est parce que ce ne sont pas de simples mots couchés sur une page, ce sont les mots de notre histoire. Quand il ne reste que quelques pages, nos yeux tentent désespérément de s’accrocher à chaque lettre, mais en vain, notre regard glisse sur le dernier mot. Alors que les personnages s’effacent tranquillement et que la réalité se fraye un chemin de force, une petite larme de nostalgie glisse sur notre reliure. Lire, c’est redevenir un livre vierge.

 

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