Le 12 février 2009 est décédé le philosophe et militant politique français Georges Labica à la suite d`une hémorragie cérébrale à l`âge de 79 ans. Il était spécialiste de philosophie politique, notamment de la théorie marxiste. Il considérait l`analyse de Marx comme un outil indispensable à la critique de la société capitaliste mondialisée. Il s`est battu sans aucun compromis sur les principes auxquels il croyait, contre ceux des puissants qu`il considérait comme les ennemis de l`humanité, de la raison, de la pensée critique, de la liberté et de la justice. Il n`était pas de ceux que le mot « révolution » effraie ou qui tentent de l`assimiler à « sanguinaire » ou à « stalinisme » pour mieux maintenir les travailleurs dans le système d`exploitation en place. Il défendait la Révolution française comme celle d`Octobre 1917, sans pour autant cautionner les parasites qui s`en sont réclamés pour mieux s`accaparer le pouvoir. Toute sa vie, il a mené un combat pour la Palestine, contre le néo-colonialisme et contre l`ingérence dans les affaires intérieures des pays faibles ou affaiblis. Il chercha également à rassembler les marxismes éparpillés et à fournir des armes théoriques aux révoltes politiques contre l`ordre établi, qu`il a accompagnées et imaginées jusqu`à la fin de sa vie. Par ailleurs, il connaissait très bien le monde et la culture arabe et leur avait consacré de nombreux ouvrages. En ce sens, il avait commencé son travail de chercheur par l`étude des penseurs arabes médiévaux (Ibn Kaldhoun, Ibn Tufail) chez lesquels il met en valeur les prémisses d`une vision rationaliste de l`histoire et de la philosophie.
Intellectuel engagé, il était également militant anticolonialiste et anti-impérialiste. À cet égard, il n`a cessé de défendre la cause des opprimés, de l`Algérie à la Palestine, en passant par l`Irak et toutes les luttes de libération des peuples. Il était également proche des prisonniers révolutionnaires. Par exemple, il a visité en prison à Bapaume (Pas-de-Calais) pendant plusieurs années Joëlle Aubron, prisonnière d`Action directe, groupuscule révolutionnaire français prônant la lutte armée (1979-1987). Labica et Aubron ont entretenu des discussions politiques approfondies, notamment sur la violence révolutionnaire. Pour sa part, Labica n`était pas un intellectuel qui se contentait de théoriser les questions du marxisme. Il a toujours pris position dans les luttes actuelles. Ainsi, il était physiquement présent pour le soutien à la libération des militants d`Action directe et de celle de Georges Ibrahim Abdallah, communiste révolutionnaire arabe et présumé chef des Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL).
Parmi ses distinctions, il était directeur honoraire du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et Professeur honoraire de l`Université du Peuple de Pékin. Il était également Président honoraire du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient (CVPR-PO), Président de Résistance démocratique internationale, membre de l`Appel franco-arabe, du Forum des alternatives et de En Defensa de la Humanidad.
Il naît à Toulon en 1930 de parents ouvriers. Après des études de philosophie, il passe l`agrégation. En 1954, il entre au Parti communiste français (PCF). Puis, il part enseigner en Algérie où il rencontre sa femme Nadya. Il noue également des liens étroits avec le Front de libération nationale (FLN) soutenant le mouvement pour l`indépendance de l`Algérie, ce qui lui vaut d`ailleurs de nombreuses menaces de mort de la part de l`Organisation armée secrète (OAS). À la fin des années 1960, il retourne en France et entre à l`université Paris-X-Nanterre, d`abord comme Maître Assistant puis comme professeur. À ce moment, il dépose un sujet de thèse sous la direction du philosophe Maurice de Gandillac (1906-2006) intitulé « Sur le statut marxiste de la philosophie ». En 1967, il devient Docteur en Histoire de la philosophie. À partir de 1968, il dirige le département de philosophie de l`université Paris-X-Nanterre. En lien avec ses travaux, il introduit dans ce même département un enseignement fondé sur une analyse sérieuse des textes de Marx et de la tradition marxiste qu`il connaissait admirablement dans toutes ses variantes nationales comme en témoigne le Dictionnaire critique du marxisme. Puis, il devient vice-président de cette même institution d`enseignement pour la recherche. Il siège aussi en qualité de représentant du Syndicat national de l`enseignement supérieur (SNESUP) au Conseil national des universités (CNU). Jusqu`à son départ à la retraite, il dirige une équipe de recherche CNRS de philosophie politique, économique et sociale.Après son départ à la retraite, il ne cesse de donner des conférences dans le monde entier et de continuer ses interventions politiques en défendant des convictions intransigeantes contre toutes les formes d`oppression particulièrement celles qui découlent des rapports économiques instaurés par le capitalisme. Il poursuit notammentson activité politique dans divers cercles de réflexion et d`initiatives autour de revues comme Critique communiste, Utopie critique, Actuel Marx ou les Éditions Le Temps des Cerises. Il collabore régulièrement à Commune, la revue de l`AEAR (Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires), redevenue active en 2006. En 1980, il abandonne le parti communiste. En 2006, il est l`un des 42 contributeurs de l`Atlas alternatif, publié aux Éditions Le Temps des Cerises.
Il est l`auteur d`une quinzaine d`ouvrages dont : La Mukkadima, le rationalisme d`Ibn Kaldoun (Alger, 1966); Politique et religion chez Ibn Khaldoun : Essai sur l`idéologie musulmane (Société nationale d`édition et de diffusion,1968); Ibn Tufail, le philosophe sans maître (Alger, 1969); Le statut marxiste de la philosophie (Complexe/Vrin, 1976); Karl Marx, les « Thèses sur Feuerbach » (PUF,1987); Le paradigme du Grand-Hornu : Essai sur l`idéologie (PEC, 1987);Robespierre : Une politique de la philosophie (PUF, 1990); Le Manifeste communiste aujourd`hui (Éd. de l`Atelier, 1998); Précarisation du travail et lien social : Des hommes en trop ? (L`Harmattan, 2001); Démocratie et Révolution (Éd. le Temps des Cerises, 2002); Marx contemporain (Syllepse, 2003); Théorie de la violence (Éd. La Città del Sole/J. Vrin, 2007).
Il a aussi co-dirigé plusieurs publications dont le Dictionnaire critique du marxisme (PUF, 1982; 3e éd., 1999) avec Gérard Bensussan, traduit dans plusieurs langues. Cet ouvrage met en perspective les différentes acceptions des termes hérités du marxisme et retrace leur histoire. Ajoutons à cela, Étudier Marx (CNRS, 1985) avec Mireille Delbraccio; De Marx au marxisme (CNRS, 1985) avec Mireille Delbraccio; Idéologie, symbolique, ontologie (CNRS, 1987) avec Mireille Delbraccio; Labriola d`un siècle à l`autre : Actes du colloque international, CNRS, 28-30 mai 1985 (Méridiens-Klincksieck, 1988) avec Jacques Texier; État, idéologie (CNRS, 1990), avec Mireille Delbraccio; Libéralisme et État de droit : Actes du colloque » Libéralisme et État de droit « . CNRS, 27 et 28 mai 1988. (Méridiens-Klincksieck, 1992) avec Jacques Bidet; Les Formes modernes de la démocratie (PUM/L`Harmattan, 1992) avec Gérard Boimenu et Pierre Hamel; Friedrich Engels, savant et révolutionnaire (PUF, 1997) avec Mireille Delbraccio.
Ses obsèques ont eu lieu mardi le 17 février 2009 au cimetière de la commune Le PECQ (Yvelines), à 15h00 heures. Il avait un fils nommé Thierry.
Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.