Avatar photo

Pierre Lemay a enseigné la philosophie au Cégep de Trois-Rivières de 1977 à 2014, année de sa retraite. Il a été adjoint au coordonnateur du Département de Philosophie du Cégep de Trois-Rivières en 1980-81. Il est membre-fondateur de la Société de Philosophie du Québec (SPQ) en 1974. Il fut également archiviste-adjoint de la SPQ en 1981 et 1982 et membre du Comité de rédaction du Bulletin de la SPQ de 1981 à 1984. Il est aussi membre-fondateur de la Société de Philosophie des régions au coeur du Québec en 2017. De plus, il est membre de l`Institut d`histoire de l`Amérique française depuis 1993 et membre de la Corporation du Salon du livre de Trois-Rivières depuis 2015. Il collabore à PhiloTR depuis sa création en 2004.

C`est du 13 novembre au 8 décembre 2012 qu`a lieu la pièce dramatique « Christine, la reine-garçon » au Théâtre du Nouveau Monde (TNM), à Montréal. Le texte est de Michel Marc Bouchard et la mise en scène est signée par Serge Denoncourt. La pièce à caractère historique met en vedette une imposante distribution de dix acteurs : Céline Bonnier (Christine de Suède), Catherine Bégin (reine-mère), David Boutin (prétendant de la reine), Éric Bruneau (son cousin vaniteux Johan), Louise Cardinal, Jean-François Casabonne, Mathieu Handfield, Robert Lalonde, Magalie Lépine-Blondeau (première dame de compagnie) et Gabriel Sabourin. La pièce dramatique sera présentée à travers le Québec du 15 janvier au 15 février. La représentation est d`une durée de 2h30 approximativement incluant l`entracte. Mentionnons que Michel Marc Bouchard travaille depuis 2008 au scénario de Kristina of Sweeden, un long métrage, coproduit par cinq pays européens, qui devrait être tourné en 2013 par le cinéaste finlandais Mika Kaurismäki, pour une sortie en salle en 2014. Ajoutons que Michel Marc Bouchard est l`un des auteurs québécois les plus joués sur la scène à travers le monde. Le dramaturge québécois a écrit plus de 25 pièces de théâtre. Traduites en plusieurs langues, elles sont jouées des deux côtés de l`océan. La pièce nous entraîne en 1649, au château d`Uppsala, une ville de Suède située à 70 km au nord de Stockholm.

Dans sa nouvelle pièce, Michel Marc Bouchard raconte l`histoire de Christine de Suède qui quitte son royaume et sa religion pour s`installer à Rome et devenir catholique. Ce personnage est d`une grande modernité, aux dires de l`auteur. Christine de Suède fait venir à sa cour le philosophe René Descartes pour lui poser deux questions : Qu`est-ce que l`amour ? et Comment s`en débarrasser ?

 

                                                                           

 (Portrait de Christine de Suède par le peintre français Sébastien Bourdon) 

 

Christine de Suède, dernière représentante de la dynastie des Vasa, est née le 18 décembre 1626, à Stockholm. Elle est la fille unique de Marie-Éléonore (fille de l`Électeur de Brandebourg Jean III Sigismond de Hohenzollern) et de Gustave II Adolphe (1594-1632), roi de Suède, qui durant son règne modernise l`État et l`économie et favorise l`essor de l`éducation. En 1632, elle succède à son père, sous la régence du chancelier Axel Gustavsson Oxenstierna, qui fait son éducation politique. En 1644, à sa majorité, Christine prend la direction des affaires, signe le traité de Brömsebro (1645) avec le Danemark et hâte les négociations du traité de Westphalie (1648) qui met fin à la guerre de Trente Ans. Son règne (1632-1654) est troublé par des difficultés financières causées par son goût du luxe, ce qui choque une opinion publique puritaine et protestante. Ayant reçu une éducation toute masculine, elle se fait couronner roi en 1650. D`une grande culture, éprise d`idées nouvelles, elle est surnommée la Minerve du Nord et fait de sa cour un foyer d`humanisme. Elle correspond avec toute l`Europe savante. Très cultivée, elle protège les arts et les lettres, et attire à sa cour de nombreux savants, comme le philosophe français René Descartes (1596-1650), le juriste hollandais Grotius, l`humaniste hollandais Vossius et le philologue français Claude Saumaise. Des édits en faveur des institutions savantes prolongent cette politique. De tempérament instable, passionnée et quelque peu excentrique, elle refuse de se marier et gouverne avec des favoris : le comte Magnus-Gabriel de La Gardie, le comte de Pimentel, ambassadeur d`Espagne.

Particulièrement intéressée par la théologie, c`est finalement pour se convertir au catholicisme, à Bruxelles, où elle abjure secrètement le luthéranisme qu`elle abdique en faveur de son cousin Charles-X Gustave (1622-1660), en décembre 1654. Le 3 novembre 1655, elle se reconnaît publiquement catholique dans la cathédrale d`Innsbruck, en Autriche. À partir de ce moment, elle parcourt l`Europe. En 1656, elle entreprend un voyage en France, où ses manières trop libres sont critiquées. En 1657, au cours d`un second voyage, elle fait assassiner son écuyer et amant Gian Rinaldo Monaldeschi pour « trahison », au château de Fontainebleau. En 1660, à la mort de Charles X Gustave, prince héritier sans enfant, elle tente sans succès de remonter sur le trône, Ensuite, elle essaie de se faire élire au trône de Pologne. Visitant une partie de l`Europe, notamment la France, elle s`installe définitivement à Rome et y fonde l`Académie des Arcades (pour la philosophie et la littérature) et y réunit une importante collection de tableaux vénitiens, unique au monde, aujourd`hui conservée en grande partie au Vatican. On lui doit également la création de la première salle d`opéra de Rome. Elle continue néanmoins à multiplier les intrigues politiques. C`est ainsi qu`elle entre en tractations avec le cardinal et homme politique français Mazarin pour la couronne de Naples, en Italie, et que son étroite amitié avec le cardinal italien Decio Azzolino l`associe de près à la politique vaticane. Elle protège aussi les artistes, parmi lesquels le violoniste et compositeur italien Arcangelo Corelli et le compositeur italien Alessendro Scarlatti dont elle fait son directeur de chœur. Elle passe les dernières années de sa vie dans son palais du Riario à Rome (actuel Palais Corsini) où elle rédige ses Mémoires restés inachevés, où elle avoue l`influence de Descartes dans le murissement de ses pensées. Elle meurt d`érysipèle le 19 avril 1689 à Rome. Les livres et les collections artistiques qu`elle avait apportés de Suède sont dispersés après sa mort. Elle est inhumée au Vatican dans la crypte de la basilique Saint-Pierre de Rome et laisse la réputation d`un mécène averti.

 

                                                                               

 

(Portrait de René Descartes par le peintre baroque néerlandais Frans Hals. 1649. Huile sur toile 78 x 69 cm. Musée du Louvre)

 

René Descartes est un philosophe et savant français. Il est le créateur de la géométrie analytique, le promoteur du mécanisme dans les sciences exactes et le père de la philosophie moderne. Sa pensée a exercée une influence marquante sur de nombreux auteurs : Spinoza, Durkheim, Husserl, Alain.

Il naît à La Haye (auj. La Haye-Descartes) en Touraine, le 31 mars 1596, soit quatre ans après la mort de Montaigne. De 1606 à 1614, il étudie au Collège royal de La Flèche, établissement d`élite tenu par les Jésuites. Là, il se lie avec le savant français l`abbé Mersenne. Le 10 novembre 1616, il obtient un diplôme de bachelier et passe sa licence en droit à l`Université de Poitiers. Puis, il se consacre essentiellement à des études de mathématiques. En 1618, au début de la guerre de Trente Ans, voulant apprendre le métier de la guerre, il part pour Bréda en Hollande, où il suit une formation d`officier, dans l`armée du prince Maurice d`Orange. Après des expéditions à travers toute l`Europe, il se retrouve en 1619 à Neubourg-sur-le-Danube. La même année, passé en Allemagne, il arrive en Bavière pour s`engager dans l`armée du duc Maximilien, qui lutte alors pour l`empereur contre l`électeur palatin. C`est là que, pendant les quartiers d`hiver de l`armée, enfermé dans son « poêle », aux environs d`Ulm, il découvre, plein d`enthousiasme, « les fondements d`une science admirable ». En effet, il a – très exactement la nuit du 10 novembre – la révélation de sa vocation, au cours de trois rêves. De 1620 à 1628, il voyage en Europe et fréquente les milieux scientifiques et philosophiques.

En 1626, revenu à Paris, il commence à diffuser ses idées dans le public avec les encouragements du cardinal de Bérulle, fondateur de l`Oratoire et adversaire des Jésuites. En 1628, il s`installe en Hollande, pays protestant, comptant pouvoir y travailler plus sereinement. Là, il rédige, en latin, les Règles pour la direction de l`esprit. Ce texte inachevé ne sera publié que 50 ans après sa mort en 1701. À la suite de la condamnation de Galilée, en 1633, (qui soutient le mouvement de la Terre), il renonce à publier son Traité du Monde. Le 8 juin 1637, publication en français dans la ville universitaire néerlandaise de Leyde chez Jean Maire, sans nom d`auteur, du Discours de la méthode. En 1663, l`Église met le livre à l`Index; il ne sera réimprimé en France qu`en 1690, mais sans nom d`auteur. En 1641, reprenant les idées ébauchées dans la quatrième partie du Discours, il compose, à Paris, en latin, les Méditations métaphysiques, qu`il communique d`abord à plusieurs philosophes et théologiens dont il recueille les objections, auxquelles il répond, et publie finalement le tout. L`année 1643 marque le début des relations entre lui et la princesse Élisabeth de Bohême, fille de l`électeur palatin, née en 1618 et réfugiée à La Haye depuis 1627. La correspondance qu`il entretient avec elle jusqu`en 1650, traitant notamment d`éthique, est un des documents essentiels sur la pensée et la personnalité de Descartes.

En 1644, il effectue un bref voyage à Paris où il rencontre l`Ambassadeur de France auprès de la Cour suédoise, Pierre Chanut, qui le met en rapport avec la reine Christine. En juillet de la même année, il publie, en latin, à Amsterdam, sa physique dans les Principes de la philosophie, dédiés à la princesse Élisabeth de Bohême, dont il est en quelque sorte le directeur de conscience. En 1645, il compose le Traité des passions, à la demande de la princesse Élisabeth. En 1647, au cours d`un second voyage en France, il rencontre le savant et penseur français Blaise Pascal.

 

                                                                                                                 

 

(Tableau de Christine de Suède en conversation avec René Descartes, par le peintre français Pierre-Louis Dumesnil)

 

En 1649, la reine Christine de Suède invite Descartes à Stockholm. Après beaucoup d`hésitations, il se décide à suivre l`amiral envoyé par la reine. Il quitte la Hollande en septembre et arrive en octobre à Stockholm. Il s`installe alors chez Chanut qui lui laisse un étage de sa maison. Il s`efforce alors de s`insérer dans la vie de la cour. Toutefois, il découvre rapidement que les autres intellectuels invités par la reine Christine ne l`apprécient pas. Assez déçu au fond, à peine arrivé, il songe à repartir après s`être laissé arracher quelques vers (Ballet sur la naissance de la paix). Or, à la demande de la reine Christine, il compose malgré lui les vers d`un ballet pour la fête donnée en l`honneur de la paix de Westphalie.

Prosélyte impatiente, la reine lui impose un emploi du temps qui dérange ses habitudes. Obligé de se rendre tous les matins à cinq heures à la cour, il prend froid. Une pneumonie se déclare le 2 février 1650 et, après une maladie de neuf jours, refusant les soins des médecins suédois, il meurt le 11 février au matin d`une congestion pulmonaire. La reine offre, pour les funérailles, le principal temple de sa capitale, l`église de Riddarholm. L`ambassadeur de France, Chanut apprécie l`extrême honneur offert à son compatriote mais refuse cette solution. Ce dernier fait déposer le corps au cimetière des enfants morts avant le baptême. En 1666, l`ambassadeur français en Suède Hugues de Terlon est missionné par Louis XIV pour rapatrier la dépouille de Descartes. Or, constatant lors de l`exhumation le 1er mai que le corps est en état de décomposition avancée, Terlon transfère les restes dans une boîte de cuivre de 80 cm de longueur. En 1667, les ossements de Descartes sont exhumés et secrètement rapatriés en France. Le 24 juin 1667, le cercueil en cuivre de Descartes est déposé sous un monument de marbre en l`église de l`Abbaye Sainte-Geneviève de Paris. Ses restes sont ensevelis à l`église Saint-Étienne-du-Mont, à Paris. Lors de son retour, son corps est gravement mutilé : le crâne et plusieurs ossements sont dérobés. Louis XIV interdit les funérailles solennelles et l`éloge public du défunt. Un décret de la Convention nationale révolutionnaire, daté d`octobre 1793, accorde à Descartes et à ses restes, les honneurs dus aux grands hommes. Depuis le 26 février 1819, ses restes reposent dans une chapelle abbatiale de l`église de Saint-Germain-des-Près, à Paris.

 

Info. : www.tnm.qc.ca