
70e de l`élection d`Étienne Gilson à l`Académie française
16/09/16
L`année 2016 marque le 70e anniversaire de l`élection à l`Académie française du philosophe et historien français Étienne Gilson, le 24 octobre 1946.
Il y a occupé le fauteuil no. 23, devenu vacant suite à la radiation de l`écrivain et dramaturge français M. Abel Hermant (1862-1950). Élu à l’Académie française le 13 juin 1927, Hermant devient sous l’Occupation (1940-1944) un chantre de la collaboration. Après la Libération, il est incarcéré et exclu de l’Académie française. Son fauteuil est alors pourvu de son vivant. En 1948, il est gracié et libéré. Pour ces raisons, Gilson ne prononce pas dans son Discours, l’hommage de son prédécesseur.
L’élection fut très disputée, si bien qu`il fallut trois tours à Étienne Gilson pour obtenir les 18 voix qui lui permettaient de triompher de ses trois adversaires : le journaliste Marius Ary-Leblond (1877-1958), le linguiste Albert Dauzat (1877-1955) et l`écrivain René Peter (1872-1947), auteur d’une Vie secrète de l’Académie (Librairie des Champs-Élysées, 1936).
Lors de la séance du jeudi 29 mai 1947, il prononce son Discours de réception dont voici quelques extraits concernant ce qu`on appelait jadis le « Canada français » :
« Permettez-moi d’ajouter, car on semble parfois l’oublier, que lorsque nous parlons de la langue française, la France n’est pas seule en cause. Dans la ville de Trois-Rivières, dont les quais bordent le Saint-Laurent à l’entrée du lac Saint-Pierre, on rapporte qu’au temps de la grande séparation les grammaires françaises vinrent à manquer. En 1764, à l’école du couvent des Ursulines, elles étaient devenues si rares qu’il n’en restait plus qu’une seule pour l’externat. J’ignore ce qu’elle était et j’aime-mieux ne pas savoir ce qu’en penseraient aujourd’hui nos linguistes, mais elle était là, fidèle témoin d’une règle à laquelle un peuple entier ne pouvait renoncer sans accepter de périr. On la posa donc au milieu de la classe sur un pupitre et chaque élève y vint à son tour apprendre la page qu’un cadre de bois tenait ouverte à la leçon du jour, la maîtresse seule ayant le droit de toucher les pages du livre respecté ».
Et Gilson de poursuivre :
« Je voudrais pouvoir faire plus et que de cette tribune dont l’un des vôtres disait naguère qu’on n’y parle qu’une seule fois dans sa vie, non seulement des noms de lieux, mais des noms d’hommes pussent être aujourd’hui prononcés. Comment choisirais-je ? Entre tant d’écrivains dont s’honorent les Lettres canadiennes, historiens, romanciers ou poètes, tout choix serait une injustice. Je préfère donc, et je crois que les maîtres de leurs universités m’en donneraient eux-mêmes le conseil, rappeler que s’il existe une culture intellectuelle canadienne d’expression française, c’est à la volonté résolue de tout un peuple que, nous la devons d’abord. Au moment où notre faveur m’ouvre des portes, qu’après un Bergson ou un Valéry on peut sincèrement hésiter à franchir, ce n’est plus seulement un messager que je voudrais faire passer devant moi, c’est une foule anonyme où je voudrais me confondre et que je vous demande d’accueillir. Laissez-nous passer tous ensemble, eux et moi parmi eux ceux qui veillent sur la falaise d’Ottawa ou gardent les défilés de la Gatineau, les bûcherons des Laurentides avec qui j’ai rompu le pain dans la communion d’une même parole intelligible et ceux de ce fabuleux arrière-pays de Saguenay, où Jacques Cartier n’a découvert ni l’or ni les diamants qu’il y cherchait, mais un autre y a depuis trouvé mieux, puisqu’il a trouvé Maria Chapdelaine. Tous ont droit à cet honneur, car d’est en ouest de cet immense continent en quelque lieu que sonne la langue dont ce peuple veut qu’elle soit la sienne, c’est qu’une jeune mère l’a d’abord transmise à son enfant avec le lait, le chant et la prière. Messieurs, je vous dois aujourd’hui une grande joie et je n’en fais point mystère. Voulez-vous la porter à son comble ? Permettez-moi de dire ici, en votre nom : le peuple Canadien a bien mérité de la langue française ».
(Les extraits ci-avant sont tirés du texte du Discours de réception publié sur le site officiel de l`Académie française)
Le philosophe académicien
Spécialiste de la philosophie médiévale, homme public et chrétien engagé, il fut l`une des plus grandes figures intellectuelles du catholicisme du XXe siècle. Il est l’auteur de plus de six cents publications — livres ou articles.
À son nom est lié le renouveau des études médiévales au XXe siècle. Ce renouveau est un retour philosophique et polémique au réalisme thomiste, pour lequel l`essence et l`existence sont indissociables. La méthode qu`il a inauguré en histoire de la philosophie consiste avant tout à replacer l`étude d`un système philosophique dans le contexte historique, culturel et politique de son époque. En cela, ses travaux vont remettre saint Thomas d`Aquin (1225-1274) à l`honneur. La suite >
Conférences d’automne 2016 du Cercle Est-Ouest
10/09/16
Le Cercle Est-Ouest a été fondé en 2008 par deux profs retraités en philosophie du Cégep de Trois-Rivières : Clément Loranger et Yvon Paillé. À la suite du décès d’Yvon Paillé le 25 février dernier, le Cercle Est-Ouest s’est doté d’un nouveau site web :
https://lecercleestouestblog.wordpress.com/
Les rencontres du Cercle Est-Ouest, où les gens peuvent venir librement (et gratuitement) participer aux échanges avec les conférenciers, ont lieu (sauf exception) le mardi à 19h. À l’automne 2016, ces rencontres auront lieu au Mondo resto bar, situé au 120 rue Des Forges à Trois-Rivières.
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Voici la programmation d’automne 2016 du Cercle Est-Ouest :
– Mardi 6 septembre : conférence de Marie Desrosiers sur la psychanalyse. (Voir la présentation à cet endroit.)
– *Lundi* 19 septembre : conférence de Luc Boissonneau sur l’origine de la musique.
– Mardi 25 octobre : conférence de Clément Loranger sur «Les sources barbares de la civilisation occidentale».
– Mardi 1er novembre : conférence d’Yvon Rivard sur le thème «Enracinement, engagement de l’intellectuel. Saint-Denys Garneau».
– Mardi 15 novembre : conférence d’Étienne Beaulieu (titre à préciser).
– Mardi 22 novembre : conférence de Syliane Charles sur Spinoza.
– *Lundi* 28 novembre : conférence d’Aline M. Ramos sur le Moyen Âge.
Conférence du Département de philosophie et des arts de l’UQTR (20 septembre 15h30)
8/09/16
Le Département de philosophie et des arts de l’UQTR invite la communauté trifluvienne à une conférence de Mme Joëlle ZASK, Maître de conférences HDR au Département de philosophie de l’Université de Provence Aix-Marseille I.
Le thème de la conférence est : «Le jardin partagé, un modèle de société démocratique»
Cette conférence aura lieu le mardi 20 septembre à 15h30, au local 1037 du pavillon Ringuet de l’UQTR.
Voici un résumé de la conférence qui sera présentée par Joëlle Zask :
Les jardins partagés existent depuis toujours et un peu partout sur la planète : jardins ouvriers, jardins familiaux, Mir russe, community gardens américains, plantages suisses, jardins pédagogiques, jardins thérapeutiques, etc. Si variés qu’ils soient, ces jardins présentent une double caractéristique : séparés en parcelles individuelles, ils constituent aussi un « commun ». Le but de mon intervention sera de généraliser cette forme et de l’utiliser comme une clé pour définir les idéaux démocratiques depuis leurs origines jusqu’à aujourd’hui, à travers les mouvements politiques qui en ont entrepris la défense et la mise en œuvre. (Source)
Pour information : Jimmy Plourde (Jimmy.Plourde@uqtr.ca)

Le 10e numéro du magazine Nouveau Projet et les 50 ans des cégeps
30/08/16
En ce mois d’août 2016 vient de paraître le 10e numéro du magazine Nouveau Projet – magazine qui, depuis sa fondation, publie des textes soignés pour une lecture lente, où se côtoie au sein d’un même magazine philosophie, littérature, reportages, essais, lettre de l’étranger, commentaires, reprise de «Grands essais» (dans le 3e numéro était publié De la brièveté de la vie de Sénèque, alors que dans le 7e numéro était publié De ce que l’on représente de Shopenhauer, par exemple), poésie et bande dessinée.
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2017 marquera les 50 ans des cégeps. Aussi, à l’approche imminente de ce 50e anniversaire, ce 10e numéro de Nouveau Projet ouvre ses pages à un intéressant commentaire de Jérémie McEwen sur le passé, le présent et l’avenir de cette institution originale du Québec. Dans un commentaire de quatre pages intitulé «La jeunesse de la vieillesse» (selon le qualificatif que Victor Hugo donnait à la cinquantaine), Jérémie McEwen (professeur de philosophie au Cégep Montmorency) aborde sans complaisance la perpétuelle crise identitaire des cégeps et la place de la formation générale en son sein. Rappelant la conférence de Guy Rocher de l’an dernier où ce dernier soulignait l’exception historique qu’avait constituée la commission Parent (dont il fut membre) dans l’histoire du Québec, Jérémie McEwen prend au sérieux le risque de liquidation des acquis des années 1960. Aussi, face aux critiques des cégeps et de la formation générale, il écarte d’emblée la réponse qui consiste à faire l’éloge de «l’inutile», puisque cet éloge ne convainc que les convaincus, quoiqu’elle ait quelque chose de romantique. Aux critiques en ces matières, il faut répondre en empruntant le langage des critiques, affirme-t-il. Donc, sans complaisance il faut dire «à quoi ça sert, le cégep» et les disciplines qui forment le socle commun de la formation générale (philosophie, littérature, anglais, éducation physique) qui lui est propre. Ce qui donne quatre pages empreintes d’une fort intéressante réflexion, dont voici de brefs extraits :
«Quand on y songe, les membres de la commission Parent avaient raison de craindre que leur idée soit rejetée. C’était un projet fou et terriblement dispendieux.
[…]
C’est un moment fort de notre parcours national où l’humanisme a triomphé, avant d’être grugé petit à petit par la logique de l’efficacité.
[…]
Le socle commun proposé par le rapport Parent était fondamentalement lié à la réalité linguistique et historique québécoise. Il appartenait aux Québécois de définir les éléments essentiels de leur culture. C’est ce qui a été fait. Et c’est là qu’il faut chercher l’utilité de la formation générale.
En lisant un corpus tiré d’une tradition partagée, les jeunes prennent conscience de leur appartenance à une communauté de langue française, aux origines européennes, enracinée en Amérique.
[…]
Se définir soi, sans s’inscrire au sein d’une société, ça a quelque chose de vide. Définir une société, sans y inclure les points de vue de chacun, ça a quelque chose d’aliénant.
[…]
C’est en faisant des choses comme ça qu’on s’outille pour conjuguer l’individuel et le collectif.»
Dans les quatre pages du commentaire de Jérémie McEwen sur «La jeunesse de la vieillesse» des cégeps et de sa formation générale, il y a là une intéressante et stimulante réflexion, dont il serait dommage de passer à côté. Un texte à lire lentement, donc, et à décanter – que l’on peut lire aux pages 139 à 142 du 10e numéro de Nouveau Projet.

Décès d`Yvon Blanchard (2016)
21/08/16
Le 7 août 2016 est décédé à Montréal à l`âge de 95 ans, le philosophe québécois Yvon Blanchard. Il fut professeur titulaire à la Faculté de philosophie de l`Université de Montréal. Au cours de sa carrière, il a publié de nombreux livres et articles.
Repères biographiques
Il naît le 6 mars 1921 à Sherbrooke. Il est le fils d`Antonio Blanchard et d`Émérentienne Brousseau.
Entre 1935 et 1942, il fait ses études au Séminaire Saint-Charles-Borromée, à Sherbrooke. De 1943 à 1946, il poursuit ses études à la Faculté de philosophie de l’Université de Montréal. En 1946, il obtient son doctorat en philosophie. Sa thèse a pour titre Le problème de la définition de l`âme chez Aristote (Département de philosophie, Université de Montréal, 221 p.; Bibliothèque / U. de Mtl / Dépôt Youville / cote : B29 U54 1946 v.001).
Mentionnons qu`au plan des influences reçues, il n`a jamais hésité à reconnaître sa dette envers le fondateur du personnalisme français, le philosophe Emmanuel Mounier (1905-1950) qu`il considère comme un de ses maîtres. En effet, Mounier joue un rôle important au début de la « Révolution tranquille » au Québec dans l`action des catholiques de gauche, notamment chez Yvon Blanchard et le sociologue québécois Fernand Dumont (1927-1997).
De 1946 à 1966, il remplit les fonctions d’enseignant à l’Ecole des Vétérans, au Lasalle College, au Chestnut Hill College (Philadelphie) et à l’Université de Montréal. Dans ces établissements, il enseigne principalement la philosophie, mais également les sciences sociales. La suite >